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Sandrine Rousseau

Silence, on viole? On débriefe les #VSS dans la culture avec Sandrine Rousseau

Depuis un an, Sandrine Rousseau a présidé une commission d’enquête sans précédent sur les «violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité» (cinq mois de travaux, près de 400 professionnels auditionnés). On a attendu que le rapport, rédigé par Erwan Balanant (Les Démocrates), soit rendu public hier, pour inviter Sandrine Rousseau, bien connue de nos services, à nous en parler librement.

« Le viol, c’est une manière de posséder l’autre pendant des années ».C’est une émission qu’on n’oubliera pas. Une heure trente bouleversante, frontale, sans échappatoire. Ce matin-là, Sandrine Rousseau vient poser, non pas des idées, mais des faits. Elle parle lentement parfois, s’interrompt, pleure presque, puis repart. Et nous, on écoute. Le rapport parlementaire qu’elle préside, dont Erwan Balanant député modem était rapporteur,  a été publié la veille, est un séisme pour le monde de la culture. Plus de 300 pages, des dizaines de témoignages, 86 recommandations. Le mot « système » revient en boucle, mais ici il ne s’agit pas d’un slogan : il s’agit de décrire une mécanique violente, organisée, banalisée.

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« Ce n’est pas un monde de dérapages, c’est un monde organisé autour de la violence. »
Sandrine Rousseau

Un système de domination ancré dans le patriarcat

Dès les premières minutes, Rousseau ne tourne pas autour du pot. Le patriarcat, dans le monde de la culture, est une structure de pouvoir. Il repose sur l’exploitation des corps, la hiérarchie des rôles, la peur, le chantage au travail. Tout y est normalisé, ritualisé, institutionnalisé.

« Le viol n’est pas un accident, c’est une fonction. »
Sandrine Rousseau

Elle raconte les témoignages glaçants : une enfant de 15 ans à qui un directeur de casting demande de mettre un œuf dans son vagin ; des actrices qu’on pousse à jouer blessées, ou à retarder leurs soins pour une meilleure image ; des scènes de sexe tournées sans consentement réel, parfois sous alcoolisation forcée. À ce moment-là, le tchat explose : « Ce n’est pas une industrie du cinéma, c’est une industrie du silence. » (Juliette C).

Omerta, peur, impunité

La sidération ne vient pas que des actes, mais de ce qui suit : rien. Pas de sanctions, pas de régulations, pas de remises en question. L’omerta règne, entretenue par le pouvoir des agents, des institutions, des festivals, des écoles. Le silence est stratégique. Il protège les violeurs, pas les victimes.

« Aujourd’hui, ne pas voir, ne pas entendre, c’est confortable. Demain, ça doit être condamné. »
Sandrine Rousseau

Sandrine Rousseau raconte les auditions à huis clos. Les victimes, tremblantes, la voix nouée, parfois les mains écrivant mot à mot leurs témoignages. Et en face, des hommes de pouvoir, sûrs d’eux, posés, dominateurs. Tout est dit dans leurs corps, dit-elle. Un théâtre de l’impunité.

Consentement trahi, corps marchandisé

Le cinéma n’est pas un monde à part. C’est un monde où le travail passe par le corps. Mais ce que Rousseau dénonce, ce n’est pas cette exposition, c’est la dépossession. Ce qu’on apprend aux actrices, dès l’école, c’est que leur corps ne leur appartient plus.

« On leur apprend à mimer des fellations. À se déshabiller. À être soumises. »
Sandrine Rousseau

Et là, le cœur de l’émission bat plus fort. Dufresne s’arrête, laisse la députée parler. Elle détaille la logique de soumission progressive : d’abord l’école, puis le plateau, puis le montage. À chaque étape, on prive les femmes de leur droit de dire non. Le tchat réagit : « Tout commence dans la formation. On forme à l’abandon de soi. » (Lea H).

La figure de l’auteur tout-puissant remise en cause

Le rapport propose une mesure explosive : un droit de regard des actrices sur le montage, pour les scènes de nudité. Un mini-final cut. Immédiatement, Dufresne pose la question : est-ce que ça remet en cause le sacro-saint pouvoir de l’auteur à la française ? Rousseau assume. Oui, l’exception culturelle ne peut pas justifier l’exception à la loi. Le talent n’excuse pas l’agression.

« Montrer le sexe d’une actrice sans son accord, ce n’est pas du talent. C’est du voyeurisme. »
Sandrine Rousseau

Elle cite Geneviève Sellier, les travaux sur le culte de l’auteur, la mise sur piédestal des réalisateurs masculins, l’effacement du talent des femmes.

Enfants et casting : les angles morts

Une part du rapport est dédiée à la protection des enfants, souvent ignorée. Sandrine Rousseau se dit « terrassée » par les témoignages : enfants violés, enfants incités à simuler des actes sexuels, enfants dirigés dans des scènes de violences sans formation, sans protection, parfois sans même que les parents soient informés des rôles.

« C’est pas normal. Tout le monde le sait, tout le monde laisse faire. »
Sandrine Rousseau

Là encore, des recommandations : encadrement des castings, certifications, surveillance, coordination obligatoire sur les scènes dites sensibles. Et surtout : rappeler que les acteurs et actrices, même enfants, sont des salariés, protégés par le droit du travail.

Agents, institutions, CNC : la fabrique de l’oubli

Sandrine Rousseau ne se contente pas de cibler les individus. Elle attaque la chaîne de responsabilité. Agents, CNC, festivals, écoles, critiques, journalistes : tous participent, parfois par passivité, au système de l’impunité.

Elle cite le cas de Bertrand Cantat : condamné, mais applaudi ; programmé, mais glorifié. Elle cite aussi Adèle Haenel, jamais réhabilitée, oubliée, effacée.« Adèle Haenel est une héroïne. Et personne ne l’a dit. »
Sandrine Rousseau

 Les  violences  subies par Maria Schneider, Judith Godrèche, Anna Mouglalis sont des les violences sexistes et sexuelles connues du grand public mais combien sont encore dans l ‘ombre?, 

Une révolution MeToo, mais pour toute la société

Ce rapport dépasse le cinéma. Ce que Rousseau montre, c’est une grille de lecture du monde. Un monde de domination masculine, de fragilisation des femmes, de confiscation de la parole. Dufresne parle de révolution. Rousseau confirme.

« On ne viole pas quelqu’un au hasard dans un couloir. Le viol s’inscrit dans une histoire. Une histoire sociale, politique, patriarcale. »
Sandrine Rousseau

Et elle lance un appel : au Festival de Cannes où elle ne sera pas invitée…, aux institutions, à la société. Le rapport est là. À vous de le prendre ou de l’enjamber. C’est avec grand plaisir que Sandrine Rousseau, en grande habituée, est à nouveau revenue AuPoste nul  doute que ce ne sera pas la dernière.

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Pourquoi le rapport parlementaire sur les violences sexistes dans la culture est-il un tournant politique et social ?

Parce qu’il brise l’omerta dans un secteur longtemps intouchable : le monde de la culture. Il donne la parole aux victimes, documente un système de domination patriarcale et propose des moyens concrets pour en sortir. C’est un signal fort pour toute la société.

Pourquoi le cinéma est-il au cœur de cette commission d’enquête ?

Parce que c’est un secteur hyper-exposé où les corps sont les outils de travail principaux, et où les rapports de domination sont particulièrement visibles. Le cinéma, par sa lumière, peut devenir un levier de transformation pour les autres domaines professionnels.

Quelles mesures concrètes propose le rapport contre les violences sexistes dans le spectacle vivant et l’audiovisuel ?

Encadrement strict des castings, présence obligatoire de coordinateurs d’intimité, droit de regard sur le montage pour les scènes de nudité, responsabilisation des agents artistiques, sanctions contre l’inaction des employeurs, protection renforcée des enfants sur les plateaux.

Pourquoi la démarche du rapport est-elle critiquée par certains juristes et professionnels ?

Parce qu’elle remet en cause des pouvoirs profondément ancrés, comme le statut d’auteur tout-puissant, l’exception culturelle française ou l’idée que l’art serait au-dessus du droit du travail. Elle s’attaque frontalement à la culture de l’impunité et à l’organisation patriarcale de la création.

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Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.

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