« Le viol, c’est une manière de posséder l’autre pendant des années ».C’est une émission qu’on n’oubliera pas. Une heure trente bouleversante, frontale, sans échappatoire. Ce matin-là, Sandrine Rousseau vient poser, non pas des idées, mais des faits. Elle parle lentement parfois, s’interrompt, pleure presque, puis repart. Et nous, on écoute. Le rapport parlementaire qu’elle préside, dont Erwan Balanant député modem était rapporteur, a été publié la veille, est un séisme pour le monde de la culture. Plus de 300 pages, des dizaines de témoignages, 86 recommandations. Le mot « système » revient en boucle, mais ici il ne s’agit pas d’un slogan : il s’agit de décrire une mécanique violente, organisée, banalisée.
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« Ce n’est pas un monde de dérapages, c’est un monde organisé autour de la violence. »
Sandrine Rousseau
Un système de domination ancré dans le patriarcat
Dès les premières minutes, Rousseau ne tourne pas autour du pot. Le patriarcat, dans le monde de la culture, est une structure de pouvoir. Il repose sur l’exploitation des corps, la hiérarchie des rôles, la peur, le chantage au travail. Tout y est normalisé, ritualisé, institutionnalisé.
« Le viol n’est pas un accident, c’est une fonction. »
Sandrine Rousseau
Elle raconte les témoignages glaçants : une enfant de 15 ans à qui un directeur de casting demande de mettre un œuf dans son vagin ; des actrices qu’on pousse à jouer blessées, ou à retarder leurs soins pour une meilleure image ; des scènes de sexe tournées sans consentement réel, parfois sous alcoolisation forcée. À ce moment-là, le tchat explose : « Ce n’est pas une industrie du cinéma, c’est une industrie du silence. » (Juliette C).
Omerta, peur, impunité
La sidération ne vient pas que des actes, mais de ce qui suit : rien. Pas de sanctions, pas de régulations, pas de remises en question. L’omerta règne, entretenue par le pouvoir des agents, des institutions, des festivals, des écoles. Le silence est stratégique. Il protège les violeurs, pas les victimes.
« Aujourd’hui, ne pas voir, ne pas entendre, c’est confortable. Demain, ça doit être condamné. »
Sandrine Rousseau
Sandrine Rousseau raconte les auditions à huis clos. Les victimes, tremblantes, la voix nouée, parfois les mains écrivant mot à mot leurs témoignages. Et en face, des hommes de pouvoir, sûrs d’eux, posés, dominateurs. Tout est dit dans leurs corps, dit-elle. Un théâtre de l’impunité.
Consentement trahi, corps marchandisé
Le cinéma n’est pas un monde à part. C’est un monde où le travail passe par le corps. Mais ce que Rousseau dénonce, ce n’est pas cette exposition, c’est la dépossession. Ce qu’on apprend aux actrices, dès l’école, c’est que leur corps ne leur appartient plus.
« On leur apprend à mimer des fellations. À se déshabiller. À être soumises. »
Sandrine Rousseau
Et là, le cœur de l’émission bat plus fort. Dufresne s’arrête, laisse la députée parler. Elle détaille la logique de soumission progressive : d’abord l’école, puis le plateau, puis le montage. À chaque étape, on prive les femmes de leur droit de dire non. Le tchat réagit : « Tout commence dans la formation. On forme à l’abandon de soi. » (Lea H).
La figure de l’auteur tout-puissant remise en cause
Le rapport propose une mesure explosive : un droit de regard des actrices sur le montage, pour les scènes de nudité. Un mini-final cut. Immédiatement, Dufresne pose la question : est-ce que ça remet en cause le sacro-saint pouvoir de l’auteur à la française ? Rousseau assume. Oui, l’exception culturelle ne peut pas justifier l’exception à la loi. Le talent n’excuse pas l’agression.
« Montrer le sexe d’une actrice sans son accord, ce n’est pas du talent. C’est du voyeurisme. »
Sandrine Rousseau
Elle cite Geneviève Sellier, les travaux sur le culte de l’auteur, la mise sur piédestal des réalisateurs masculins, l’effacement du talent des femmes.
Enfants et casting : les angles morts
Une part du rapport est dédiée à la protection des enfants, souvent ignorée. Sandrine Rousseau se dit « terrassée » par les témoignages : enfants violés, enfants incités à simuler des actes sexuels, enfants dirigés dans des scènes de violences sans formation, sans protection, parfois sans même que les parents soient informés des rôles.
« C’est pas normal. Tout le monde le sait, tout le monde laisse faire. »
Sandrine Rousseau
Là encore, des recommandations : encadrement des castings, certifications, surveillance, coordination obligatoire sur les scènes dites sensibles. Et surtout : rappeler que les acteurs et actrices, même enfants, sont des salariés, protégés par le droit du travail.
Agents, institutions, CNC : la fabrique de l’oubli
Sandrine Rousseau ne se contente pas de cibler les individus. Elle attaque la chaîne de responsabilité. Agents, CNC, festivals, écoles, critiques, journalistes : tous participent, parfois par passivité, au système de l’impunité.
Elle cite le cas de Bertrand Cantat : condamné, mais applaudi ; programmé, mais glorifié. Elle cite aussi Adèle Haenel, jamais réhabilitée, oubliée, effacée.« Adèle Haenel est une héroïne. Et personne ne l’a dit. »
Sandrine Rousseau
Les violences subies par Maria Schneider, Judith Godrèche, Anna Mouglalis sont des les violences sexistes et sexuelles connues du grand public mais combien sont encore dans l ‘ombre?,
Une révolution MeToo, mais pour toute la société
Ce rapport dépasse le cinéma. Ce que Rousseau montre, c’est une grille de lecture du monde. Un monde de domination masculine, de fragilisation des femmes, de confiscation de la parole. Dufresne parle de révolution. Rousseau confirme.
« On ne viole pas quelqu’un au hasard dans un couloir. Le viol s’inscrit dans une histoire. Une histoire sociale, politique, patriarcale. »
Sandrine Rousseau
Et elle lance un appel : au Festival de Cannes où elle ne sera pas invitée…, aux institutions, à la société. Le rapport est là. À vous de le prendre ou de l’enjamber. C’est avec grand plaisir que Sandrine Rousseau, en grande habituée, est à nouveau revenue AuPoste nul doute que ce ne sera pas la dernière.
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Parce qu’il brise l’omerta dans un secteur longtemps intouchable : le monde de la culture. Il donne la parole aux victimes, documente un système de domination patriarcale et propose des moyens concrets pour en sortir. C’est un signal fort pour toute la société.
Parce que c’est un secteur hyper-exposé où les corps sont les outils de travail principaux, et où les rapports de domination sont particulièrement visibles. Le cinéma, par sa lumière, peut devenir un levier de transformation pour les autres domaines professionnels.
Encadrement strict des castings, présence obligatoire de coordinateurs d’intimité, droit de regard sur le montage pour les scènes de nudité, responsabilisation des agents artistiques, sanctions contre l’inaction des employeurs, protection renforcée des enfants sur les plateaux.
Parce qu’elle remet en cause des pouvoirs profondément ancrés, comme le statut d’auteur tout-puissant, l’exception culturelle française ou l’idée que l’art serait au-dessus du droit du travail. Elle s’attaque frontalement à la culture de l’impunité et à l’organisation patriarcale de la création.
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Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.
- propagande https://bsky.app/profile/auposte.fr/post/3llxxroyrhc2i & https://bsky.app/profile/personnetoulemonde.bsky.social/post/3llz5qbxnw22r
- #AuPoste avec Sandrine Rousseau https://www.auposte.fr/invites/rousseau-sandrine/
- Sandrine Rousseau https://fr.wikipedia.org/wiki/Sandrine_Rousseau & https://bsky.app/profile/did:plc:zvgnnx7oncrqqqlwmhqiccpv
- Rapport d’enquête – Violences commises dans le secteur de la culture https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/violences-commises-dans-le-secteur-de-la-culture-publication-du-rapport-d-enquete
- Les auditions https://www.youtube.com/playlist?list=PLv_RTtpTJ6KdkPh-Mm0MA65vBvTYYMLIu
- medbel0: Sandrine : Le franc-parler, droit et sans détour, Un chemin de mots sans aucune ombre autour. Dire ce que l’on pense, le cœur ouvert et clair, Sans fard ni artifice, sincère comme l’air.
- Le culte de l’auteur – Geneviève Sellier – 2024 https://lafabrique.fr/le-culte-de-lauteur/
- Geneviève Sellier https://fr.wikipedia.org/wiki/Geneviève_Sellier
- Tribune de 19 avocats – Commission d’enquête sur les violences sexuelles dans la culture : le risque de l’arbitraire et du discrédit https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/commission-denquete-sur-les-violences-sexuelles-dans-la-culture-le-risque-de-larbitraire-et-du-discredit
- Violences sexuelles dans le cinéma : « Il ne faut pas que des dérives remettent en cause l’exception culturelle française » par Chloé Sémat https://www.marianne.net/societe/violences-sexuelles-dans-le-cinema-il-ne-faut-pas-que-des-derives-remettent-en-cause-lexception-culturelle-francaise
- Violences sexistes et sexuelles dans la culture: la commission d’enquête appelle à passer aux actes par Michaël Mélinard https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/cinema/violences-sexistes-et-sexuelles-dans-la-culture-la-commission-denquete-appelle-a-passer-aux-actes
- #AuPoste -s02-10 – 15 septembre 2021 – Candidate pour 2022 avec Sandrine Rousseau https://www.auposte.fr/sandrine-rousseau-auposte-on-ne-veut-plus-etre-dominees/
- #AuPoste – s03-57 – 8 mars 2022 Sandrine Rousseau reconvoquée #AuPoste https://www.auposte.fr/sandrine-rousseau-auposte/
- #AuPoste – s04-53 – 23 novembre 2022 L’androcène, c’est mort! avec Sandrine Roudaut, Adélaïde Bon & Sandrine Rousseau https://www.auposte.fr/landrocene-cest-mort-avec-adelaide-bon-sandrine-roudaut-sandrine-rousseau/
- #AuPoste en extérieur – s07-35 – 25 mars 2024 La fête à Total (pour ses 100 ans et ses crimes climatiques) https://www.auposte.fr/la-fete-a-total-pour-ses-100-ans-et-ses-crimes-climatiques/
- #AuPoste – s07-76 – 18 juin 2024 Sandrine Rousseau monte au #FrontPopulaire https://www.auposte.fr/sandrine-rousseau-monte-au-frontpopulaire/
- #AuPoste en public – s09-02 – 9 janvier 2025 Débat: pourquoi et comment quitter X https://www.auposte.fr/pourquoi-et-comment-quitter-x-debat-en-direct-et-en-public/
- Affaire Julien Bayou: la députée écologiste Sandrine Rousseau n’a « pas de regrets » et déplore le manque d' »analyse politique de la situation » https://www.francetvinfo.fr/politique/julien-bayou/affaire-julien-bayou-la-deputee-ecologiste-sandrine-rousseau-n-a-pas-de-regrets-et-deplore-le-manque-d-analyse-politique-de-la-situation_7096329.html
- Julien Bayou: « Je subis un harcèlement que je ne souhaite à personne » https://youtu.be/8Du3ZZEAfzc
- « C’est la vie, pas le paradis » Rodéo – Zazie – 2004 https://youtu.be/WePvZWxKnwY
- Anne Hugonet: merci pour l’interview, cette femme très critiquée a bien du courage.
- mister_coltrane: Merci beaucoup pour ce moment si important.
- marbredouille: Merci auposte pour cette super émission, comme d’habitude.
- optimistique33bx: Quand on est très critiqué c’est peut-être qu’on dérange un ordre établi et c’est parfait quand il s’agit de justes causes
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