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Sear, le roi du rap et de «Get busy», fanzine culte

Il était là dès les premières heures du Hip Hop. Il a interviewé les plus grands, frayé avec les plus suspects, il s’est fâché avec la terre (presque) entière et est resté fidèle à une éthique rare ; de Saint-Denis, où il a vécu et traîné avec les NTM, il a gardé un sens de la vie et un instinct hors du commun. C’est un ami, monsieur Sear sort aujourd’hui son anthologie ; on en parle ce soir mercredi 5 Décembre 2021.

Dans ce nouvel épisode, Au Poste retrace l’épopée du magazine Get Busy, avec son représentant Sear, pour deux heures de real Hip Hop, de tendresse, et de regard sévère sur le , la gauche, et le monde de demain qui s’écroule.

« La glorification du voyou m’emmerdait aussi. A la base, nous, c’était pour fuir ça (…) Nous, à notre époque, le rap nous a sorti des cages d’escalier. Aujourd’hui, il nous y ramène, il nous y confine. »

Sear

Le problème avec le rap ricain c’est qu’on ne comprend pas les paroles, le problème avec le rap français c’est qu’on les comprend.

Sear

L’anthologie n’est pas un fac-similé des articles parus à l’époque, mais plutôt une réédition qui retrace l’aventure d’un de rap (8 pages photocopiées et agrafées) tiré à 2500 ex, devenu magazine de société, jusqu’à sa réapparition en émission web sur Clique TV. L’émission revient brièvement sur la place et l’histoire du fanzine, issue des cultures punk et rock alternatif dans les années 70 : « c’est un journal amateur, fait avec les moyens du bord, par des passionnés, voilà, qui ne rentre pas dans le cadre des groupes de presse, des maisons d’édition. » 

Le Hip Hop était vaguement au centre de tout [de Get Busy] notamment par le tour du journal mais ça débordait autour sur un tas de sujets périphériques parfois sans rapport direct les uns avec les autres, il y avait une vraie approche journalistique sérieuse sans être pontifiante.

Alain Chabat, préface.

Mise en page soviétique tout en noir et blanc mais contenu alors inimaginable dans un contexte où la presse rap n’existe toujours pas ; Ice Cube, Assassin, Hijack en interview, des chroniques impitoyables pour des sélections de disques qui l’étaient tout autant ; une page de dédi-casse : ball-trap à balles réelles sur tout et n’importe quoi, chambrette à bout portant, private joke pas toujours compréhensibles mais drôles quand même et l’édito de Sear : mise au point grenade d’humeur d’un rédac’chef caractériel tête de con certifié intransigeant maniant la ponceuse à la langue de bois comme personne, pas là pour se faire des amis.

Muzul (lecteur de Get Busy)

On s’intéresse aux désillusions du matérialisme « bling bling » que l’on reproche à certains rappeurs. Leur désir d’émancipation, celle d’une jeunesse éprise de réussite et d’argent, sans être un tabou, qui cherchent alors une place dans la société. En décalage avec d’autres mouvements, tel le punk qui rejetait la société et les hippies qui voulaient la changer, les rappeurs considéraient « qu’il y a que les gosses de riches qui veulent être grunge et avoir des jeans troués ». Néanmoins, Sear fait ce constat : « il y a très peu de rappeurs qui ont vécu pendant trente ans sur le rap ». A cette question, il tranche : « est-ce que la réussite, c’est justement que l’argent ? Ben finalement non ».

Voir la roue de la fortune tourner et souvent à l’envers mais se consoler en se rappelant que la plupart des rappeurs touchent plus d’argent de la Caf que de la Sacem, depuis que j’ai vu que de nombreux gros gagnants du loto finissaient ruinés, je relativise plus encore la réussite, une variante parmi d’autres.

Sear

Cela l’amène à évoquer la nostalgie. Abordant sa propre histoire, et l’origine de sa passion, Sear nous parle de son parcours depuis la campagne des Yvelines jusqu’à la cité des Francs-Moisins en Seine-Saint-Denis (encore en construction à son arrivée dans les années 70 et plus grand bidonville de l’Île de France à cette époque), une arrivée vécue comme un choc et, pour beaucoup, comme un « progrès social ». Une question du chat revient sur la programmation en radio du rap :

Le rap et le Hip Hop ont beaucoup bénéficié d’une loi de droite (Toubon) qui imposait un minimum de chansons en Français. Loi qui a poussé Skyrock à devenir 100% français en puisant largement dans les jeunes artistes rap r’n’b et Hip Hop.

Sear

Sear revient sur les rivalités entre les collectifs Hip Hop (/Ministère A.M.E.R., Get busy/Secteur Ä) et plus spécifiquement sur Suprême NTM et IAM.

Le groupe plutôt gentil et calme et le groupe plutôt revendicateurs mais pas trop, IAM – NTM.

Ramonsaladier

Quel besoin de revenir sur ça, cette rivalité d’un autre temps : IAM vs NTM ? Sear rappelle le rôle moteur qu’ont eu ces deux groupes dans l’histoire du rap, leur montée en popularité, et tout le récit en forme de « mythe » forgé par les médias. Il évoque ses propres rapports avec les deux groupes, vécus comme une guerre de religion en leur temps et le renversement de ses liens aujourd’hui (plus en bons termes avec NTM et plus aucun soucis avec IAM). À travers les magnifiques photos d’Alain Garnier, on fait le tour de cette magnifique clique.

Tous ces gens là, considérés comme des “bad boys”, c’est des “gentils” dans les cités, c’est des mecs qui ont pas envie de cette vie là, nous tous c’est ça qui nous motivaient, on avait envie d’autre chose, on voulait pas être des voyous, on voulait pas traîner dans les halls, ça nous emmerdait.

Sear

Avec en trame de fond le climat politique et la déception suscitée par la gauche à l’origine du détournement de la marche de l’égalité en « marche des beurs », de la création marketing de SOS racisme, oblitérant les revendications sociales, républicaines et égalitaires d’une partie de la société.

Là où la république a failli, c’est autre chose qui a pris la place. Une vraie catastrophe cette saloperie qui s’est passée à l’époque. Ce que les Socialistes ont fait à l’époque. On a loupé un coche phénoménal à cette époque là.

Sear

 L’anthologie est constituée de nombreux entretiens avec des photos attestant des rencontres, sortis dans les différents numéros, suivant cinq thèmes (Hip Hop, People, Sport, Société, X) qu’Au Poste reprend au fil de la causerie. On interpelle Sear sur la présence de Dieudonné, en recontextualisant la rencontre, sa venue lors d’un meeting à Dreux, alors candidat sans étiquette aux élections législatives de 1997, où il appelle au barrage contre le FN et sa popularité auprès du public et des médias. Puis c’est l’interview de KRS-One, prétexte à un détour par les 90’s aux États-Unis, dans une culture afro-américaine marquée par les ravages du crack, du racisme et se tournant vers ses racines pour trouver un nouveau leader. Puis c’est Charlie Bauer, pourfendeur des QHS (Quartiers de Haute Sécurité dans les prisons), l’avocat Jacques Vergès, Thierry Ardisson, sur la culture télé, enfin : la place des femmes dans la scène Hip Hop, peu présentes dans l’anthologie. L’émission se termine sur l’évolution du rap devenu au fil des années une «  glorification du voyou », une mercantile, loin des intentions des pionniers : contestation, dénonciation et se sentir représenté.

Get Busy – L’anthologie de l’ultime magazine

Fanzine de rap, magazine de société, émission de web TV, quelle que soit sa forme, Get Busy a toujours été irrévérencieux, ironique et provocateur. Toujours sincères, les pages de Get Busy sont un patchwork improbable de candeur, d’acuité et de subversion bon-enfant. Visionnaire, courageux et souvent à contre-courant, Get Busy a un fil rouge : son ton ! Libre, impétueux, parfois arrogant et terriblement drôle, le style de Get Busy à fait de cet hydre à cinq têtes, de ce phénix médiatique, un objet de culte unique en son genre. Cette anthologie vient célébrer trente années de publications aussi sporadiques que mémorables à travers une série d’interviews à la saveur incomparable.

ENTRETIENS AVEC : BENOIT POELVOORDE, ALBERT DUPONTEL, ALAIN CHABAT, THIERRY ARDISSON, JOSE BOVE, JACQUES VERGES, FREDERIC TADDEÏ, DAVID DUFRESNE, ERIC & RAMZY, JAMEL DEBBOUZE, DIEUDONNE, ANDRE POUSSE, DOMINIQUE ZARDI, HENRI COGAN, CHARLIE BAUER, FRANÇOIS MARCANTONI, MARVIN HAGLER, LILIAN THURAM, MICHEL PLATINI, SOCRATES, JULIA CHANNEL, LAETITIA, JEAN-PIERRE ARMAND, MARC DORCEL, IAM, NTM, DEE NASTY, DJ MEHDI, CUT KILLER, DOC GYNECO, KENZY, PASSI & STOMY, MARY J. BLIGE, ICE CUBE, GANG STARR, BLACK MOON, HIJACK, MODE 2, SNOOP DOGG, KRS ONE, NAS, ET MEME… CASIMIR DE « L’ ILE AUX ENFANTS ».

Inclus : • Préface d’Alain Chabat • 42 entretiens exceptionnels • Entretien de Sear par Mouloud Achour (Clique TV) • Tribune du premier lecteur par Franck Annese (Society, So Foot…) • Documents inédits, photos originales, témoignages rares… Chronologie : • 1990 – 1995 / Get Busy, l’ultime fanzine – 12 numéros • 1998 – 2000 / Authentik, le magazine de NTM – 3 numéros • 2001 – 2003 / Get Busy, le magazine – 7 numéros • 2016 – 2018 / Get Busy Show, web TV – 17 épisodes • 2019 – 2021 / Get Busy – Clique TV, web TV – 20 épisodes

Parution : 17/11/2021 Format : 240 x 313 mm – 264 pages

https://www.marabout.com/livre/get-busy-lanthologie-de-lultime-magazine-9782501162784/

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