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Scandale McKinsey : Au Poste avec la sénatrice qui inquiète Macron

Éliane Assassi est reconvoquée au Poste, pour un café et des bons conseils à 1 milliard ! La sénatrice communiste de Seine Saint Denis est cette fois-ci la rapporteure de la commission d’enquête relative à l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Et ce rapport est fondamental pour ce qu’il met en lumière de notre pays : l’avènement des méthodes LEGO®, des réunions post-its, du lean management dévastateur.

La commission d’enquête a investigué sur un phénomène qu’Éliane Assassi qualifie de tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les orientations des politiques publiques. Elle en décrit le caractère généralisé dans toutes les administrations. Au-delà de leurs coûts, c’est une relation de dépendance de l’État qui s’est accentuée depuis la présidence d’Emmanuel Macron.  

L’État est devenu dépendant de cabinets de conseil privés tels que Mac Kinsey, Accenture, Cap Gemini … Une dépendance qui s’est créée, c’est grave ça !

Éliane ASSASSI

L’origine de ce rapport vient de travaux antérieurs du groupe sénatorial CRCE, autour de l’optimisation fiscale, mais le déclencheur a eu lieu lors du suivi de la crise sanitaire, alors qu’Olivier Véran a passé la parole à un consultant d’un cabinet privé. (1)

Retour sur le terme « tentaculaire » qu’Éliane Assassi utilise pour qualifier le phénomène jusque là méconnu. Elle en décrit le caractère généralisé dans toutes les administrations. De grandes entreprises privées – françaises et étrangères – ont instauré une relation de dépendance de l’État qui s’est accentuée avec la présidence d’Emmanuel Macron, au détriment du recours à des hauts fonctionnaires.

C’est devenu un réflexe, sitôt qu’il y a un problème, au nom de l’urgence, au nom de la gravité, on appuie sur le bouton, plutôt que de regarder si au sein de notre , il n’y a pas des gens compétents pour assumer un certain nombre de missions. On ne s’occupe de rien du tout, on fait appel à un cabinet privé qui, du coup, investit l’espace public, va participer à la prise de décisions politiques.

 

Éliane ASSASSI
Un rapport digne d’un polar

Éliane Assassi explicite l’utilisation du « pro bono », proposition de services gratuits des cabinets privés qui leur permet de mettre un « pied dans la porte » de l’administration publique. La sénatrice propose de légiférer pour l’interdire. Non seulement, les cabinets interviennent partout mais aussi au détriment du recours à des agents publics, et parfois, ils échouent. Cest le cas du logiciel SCRIBE (11,7 millions d’euros, seulement en conseil, réalisé par Cap Gemini) demandé par le ministère de l’Intérieur – ministère qui utilise le plus les cabinets de conseil. Autres cas de missions déléguées coûteuses et peu efficaces : l’évaluation sur le métier d’enseignant, la mission sur réforme des retraites proposé par MacKinsey – non finalisée, 50 pages, 1 powerpoint et 900.000 euros – qui questionne la nature privée d’un sujet public.

Je défends les fonctionnaires parce que les fonctionnaires ont le sens de l’intérêt général, ce que n’ont pas les cabinets de conseil privés

Éliane Assassi
Dans le chat, des rires (jaunes) en suivant les auditions

Assassi reconnaît sa surprise lors des auditions, face à des auditionnés inquiets. Autre conséquence de ce rapport, la question du parjure concernant l’optimisation fiscale et une enquête en conséquence. La contradiction n’est-elle pas que l’optimisation fiscale ait été un jour votée ? Elle précise alors qu’elle s’y est toujours opposée et que ce rapport met en évidence un système à questionner dans le débat public pour le modifier.

Ce qui est légal peut devenir illégal, ce qui est illégal peut devenir légal, et une loi peut défaire une autre loi

Éliane Assassi

Ça devrait pas être légal, on se fait plumer volontairement

Pierre B31 | Dans le tchat

La sénatrice s’étonne avec malice qu’Emmanuel Macron révèle sa méconnaissance du rapport sénatorial: « Il dit publiquement qu’on ne l’aurait pas fait. Et moi, ça me fait poser la question, mais qui dirige notre pays aujourd’hui ? Qui prend les décisions politiques ?» Elle se projette dans les suites de ce rapport, dont une proposition de loi transpartisane visant à contrôler le recours aux cabinets de conseil, qui ne servent pas l’intérêt général.

Je ne suis pas contre les cabinets privés, je tiens à le préciser, mais pas sur des missions aussi importantes et de nature stratégique et de nature politique. Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas aux cabinets privés de nous dire quels sont les choix politiques qui doivent émerger. Nous avons une classe politique, il faut que ce soit la classe politique qui s’empare de ces sujets et non des cabinets privés

Éliane Assassi

Par ailleurs, les méthodes employées par les consultants, décrites par les hauts fonctionnaires sont humiliantes : méthode LEGO®, post-its, qualification des demandeurs d’asile comme un « stock » à réduire pour les fonctionnaires de l’OFPRA. Sous le terme de « transformation », on retrouve le lean management, des méthodes disruptives, l’entrisme du privé qui vise à influencer les politiques publiques, suivant ainsi une logique libérale.

Lean management qui a entraîné tous les burn-out dans le privé ; plus dysfonctionnement du service public

Hypathiealexandrie | Dans le tchat
Les cabinets de conseil ont aussi fait la razzia sur les consultations citoyennes

Le problème n’est pas de faire appel à des consultants, mais que leurs propositions soient orientées. Le problème c’est l’entrisme du privé sur les décisions politiques. Ce que David Dufresne relie au mode de pensée, né avec Mac Kinsey père, en 1920.

Osons dire les choses. Il y a des cabinets qui ont accompagné le candidat Macron dans sa campagne de 2017, … à la rédaction des rapports Attali.

Éliane Assassi

Le rapport a éclairé, par des faits avérés, un système qui amorce un changement politique : la stratégie libérale d’en finir avec la fonction publique et, dans le cas de ce rapport, d’en finir avec la haute administration. Depuis Nicolas Sarkozy et la RGPP jusqu’aux cabinets de conseil, le fil directeur c’est la réduction des  fonctionnaires.

Au reproche d’avoir rédigé un rapport « politique », la sénatrice rétorque que le rapport est en effet politique puisqu’il est institutionnellement encadré, dans ses durées, ses échéances, et dans la composition pluraliste de la commission.

3 % du budget pour les cabinets de conseil, c’est peanuts ?

L’invitée d’Au Poste rappelle que le salaire mensuel d’un fonctionnaire, c’est la facturation d’une journée pour un consultant … surtout pour des missions qui échouent.

1 Milliard, c’est ce qui aurait aidé la lutte contre les violences faites aux femmes et la lutte contre la pédocriminalité.


VeuveChyco | Dans le tchat
C’est quoi la logique d’un Macron ?

Selon Éliane Assassi , la commission sénatoriale a eu le sentiment de faire face à des technocrates, plus que des politiques en capacité de débattre. Un politique pour elle, ce serait quelqu’un qui débatte, qui ne soit pas sur la défensive et qui soit au fait des choses. Point barre ! Comme dirait la Sénatrice, dont l’expression résonne souvent en points de chaîne dans notre stream.

Si Macron n’est pas réélu,  est-ce que tout ce travail perdurera et est-ce qu’on le mettra face à ses responsabilités ? 

Djamé | Dans le tchat

Éliane Assassi le confirme. Elle précise qu’à la réflexion du risque de faire tomber Macron au profit de Le Pen, elle considère que c’est aux gens de se faire une opinion  et que le système libéral qui est dénoncé serait aussi développé par Marine Le Pen. En conclusion, on imagine le 2ème tour des présidentielles ? C’est une évidence, répond la sénatrice, de ne pas voter Le Pen.

(1) «, qui en plus d’être accusé d’optimisation fiscale en France, voit l’intérêt de ses missions pour l’État remises en cause. (…) Le cabinet américain est en effet en porte-à-faux. Durant la crise sanitaire, il est celui qui a raflé la plus grande proportion des dépenses de conseil de l’État. Selon le rapport, quelque 12,33 millions d’euros lui ont été versés au total, en particulier pour orchestrer la campagne vaccinale française. Le Figaro, 24/03/2022.

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