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Samuel Grzybowski #AuPoste

« La gauche a abandonné les terroirs », regrette Samuel Grzybowski

Souvent considérés comme l’apanage de l’extrême droite, les terroirs constituent un sujet de taille dans la bataille idéologique autour des identités et de l’écologie. Samuel Grzybowski, entrepreneur social et enseignant en économie, porte un regard neuf sur cette question : et si le terroir était aussi une affaire de gauche ? Son ouvrage Les Terroirs et la gauche. Un amour méconnu (Éditions du Faubourg) propose de réinventer nos liens avec ces territoires et d’en faire un levier politique et écologique.

Pour la rentrée d’Écoloscope, notre émission qui explore les enjeux contemporains de l’écologie, Grzybowski nous raconte comment parler des identités locales sans tomber dans la rhétorique identitaire, et l’enjeu crucial de ne pas abandonner ce terrain à l’extrême droite.

« Le terroir, c’est de gauche », lance d’emblée Samuel Grzybowski, sans ambiguïté. Face à Lucile Juteau, curieuse et incisive, il pose les bases de son plaidoyer. D’après lui, la gauche a abandonné la question du terroir, laissant la voie libre aux discours identitaires de l’extrême droite. Pourtant, il est convaincu que les terroirs ont tout pour devenir un symbole d’unité et d’écologie, bien loin des clichés régionalistes ou réactionnaires. « On a une occasion en or de se réapproprier cette notion, avant qu’il ne soit trop tard », ajoute-t-il, évoquant le glissement dangereux vers un écofascisme qui instrumentalise les racines et les territoires.

Si le terroir est synonyme de partage, alors il est fondamentalement de gauche.

Samuel Grzybowski

Écoloscope, avec son format d’une heure et demie d’échange en profondeur, se prête parfaitement à la complexité du sujet. L’entretien, qui valorise la prise de parole des acteurs du changement écologique, permet à Samuel de développer une réflexion fine sur les connexions entre terroirs, écologie et politique, loin des discours simplistes.

Redonner du sens au terroir, c’est aussi redonner du sens à l’écologie. Samuel Grzybowski raconte son propre parcours militant : des jeunes de Coexister aux débats sur la primaire populaire, il a souvent croisé des citoyens pour qui le terroir est essentiel, une ancre, une valeur précieuse. Mais à chaque rencontre, il a ressenti un décalage : « La gauche ne leur parle pas, elle ne les évoque même pas. Il y a là un impensé, un vide à combler ». Ce vide, Samuel entend bien le combler, avec son livre, en explorant les connexions possibles entre ces terroirs et une gauche qui pourrait être écologiste, sociale, et inclusive.

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Quand la gauche renonce au terroir

Pour Samuel Grzybowski, le terroir a été volontairement mis de côté par la gauche « parce que le terme était devenu tabou, assimilé à des discours nationalistes ». Et pourtant, souligne-t-il, « c’est à gauche qu’on a forgé ce terme ! C’est la gauche de 1789 qui a donné naissance à cette notion, pour valoriser les paysans, les terres et le lien au collectif ». Face à la résurgence de l’extrême droite qui s’empare de cette idée pour en faire une arme identitaire, il estime qu’il est essentiel de redonner une voix aux terroirs au sein du discours de gauche, pour y inscrire une vision d’un avenir commun.

Le tchat est en effervescence. Un spectateur, Guillaume, s’exclame : « Mais la gauche a peur des symboles ! » Samuel acquiesce, et Lucile Juteau s’engouffre dans la brèche. La discussion s’intensifie sur ce manque de symboles et d’images fortes. « Peut-être qu’on a trop souvent voulu intellectualiser », répond Samuel. « Mais les terroirs, c’est du concret, c’est du vécu. Ce sont des paysages, des saveurs, des histoires. Comment pourrait-on les laisser à ceux qui prônent la haine de l’autre ? »

Réinventer le terroir comme outil écologique

Un autre pan de la conversation porte sur l’écologie politique. Samuel insiste : « Le terroir, c’est une ressource, c’est un levier écologique ». Il regrette que la gauche n’ait pas su s’emparer de ce potentiel. En s’ancrant dans les terroirs, la gauche pourrait renouer avec une écologie des pratiques et des territoires, capable de dépasser les discours technocratiques souvent rejetés par les populations rurales. « Il ne s’agit pas d’idéaliser le passé ou de rejeter la modernité, mais de reconnaître ce que ces territoires apportent en termes de résilience écologique ».

Samuel poursuit en évoquant les dérives observées ces dernières années, avec des mouvements se réclamant de l’écologie mais glissant vers un nationalisme exclusif, une sorte d’« écofascisme ». Samuel acquiesce : « Oui, c’est une tentation, c’est dangereux. Si on ne propose rien d’alternatif, si on ne met pas en valeur un terroir ouvert, partagé, écologique, alors d’autres le feront à notre place, et ce ne sera pas pour le meilleur ».

L’échec de la primaire populaire : un enseignement

Samuel revient également sur son engagement lors de la primaire populaire et les désillusions qui ont suivi. Il ne cache rien des difficultés : « On a échoué à faire l’unité, c’est vrai. Mais ce n’était pas un échec total. Il y a eu une espérance, une envie de faire autrement ». Il relie cette expérience à son plaidoyer actuel sur le terroir : « Ce qu’on a appris, c’est l’importance du terrain, du concret, du lien. Et le terroir, c’est tout ça. Si on veut reconstruire une gauche crédible, il faut repartir de là, de ce qui fait la vie des gens, au quotidien ».

Le public semble divisé. Mathilde, dans le tchat, écrit : « Peut-être que le terroir est irrécupérable pour la gauche, trop marqué politiquement ». Samuel sourit et répond avec conviction : « Rien n’est irrécupérable quand il s’agit de justice sociale. Si le terroir est synonyme de partage, alors il est fondamentalement de gauche ».

Les terroirs, un lieu de lutte

Pour clore l’entretien, Lucile Juteau interroge Samuel sur le rôle que peuvent jouer ces territoires dans les luttes actuelles, qu’elles soient écologiques ou sociales. Samuel évoque des initiatives locales, des collectifs qui réinventent l’, des communes qui défendent un patrimoine commun, loin des logiques productivistes. « Les terroirs peuvent être des lieux de résistance, mais aussi de création », conclut-il. « Des lieux où l’on réinvente la politique, loin des estrades et des grands discours. Parce que la terre, elle, ne ment pas. »

À ce moment-là, on ne pouvait qu’être d’accord avec lui. Samuel Grzybowski a montré que derrière les discours sur le terroir se cache un potentiel d’unité, de réconciliation et de lutte. Un enjeu essentiel pour une gauche en quête de sens.

Trois questions clés

Pourquoi le terroir est-il un enjeu pour la gauche ?

Le terroir est lié à des questions de territoire, de culture locale et d’écologie. S’en emparer, c’est proposer un récit inclusif qui répond à la fois aux besoins écologiques et sociaux.

Le terroir peut-il vraiment échapper à la récupération par l’extrême droite ?

Oui, à condition de le revaloriser dans une logique de partage, de justice sociale et d’ouverture. La gauche a une légitimité historique à le faire.

Qu’est-ce qui a fait échouer la primaire populaire, selon Samuel Grzybowski ?

Selon lui, l’échec vient du manque de terrain, de lien direct avec les réalités locales. La gauche doit apprendre à reconstruire à partir du quotidien des citoyens, notamment par le prisme des terroirs.

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