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Rony Brauman, ancien Président de Médecins sans frontière

Rony Brauman, Israël, le Hamas, l’humanitaire et nous

Il fut président de Médecins sans frontières dans les années 1980/1990. Inlassable défenseur des droits humains, théoricien du droit humanitaire, Rony Brauman est revenu sur le devant de la scène depuis le 7 octobre.

Comment voit-il la guerre sans nom entre Israel et le Hamas, que faire pour Israel et la Palestine, le jeu des médias? Honneur de l’avoir reçu ce mercredi. Deux heures. Denses, profondes, précises.

Les mots de Brauman sont précieux : sans rien céder à l’effroi des massacres du Hamas, ils invitent à réfléchir sur l’apartheid et le hooliganisme que subissent les territoires palestiniens depuis des décennies, et à la politique suicidaire d’Israël, pour la Palestine, pour les Israëliens, et les Juifs du monde entier.


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La causerie en quelques mots 

« Les horreurs commises par le Hamas ne pouvaient pas être justifiées par la colonisation et les attaques Israéliennes qui ont suivi ne pouvaient pas être justifiées par les atrocités du 7 octobre. On est dans quelque chose d’hors-sol » déclare Rony Brauman. Sa voix est basse, alourdie par les drames de ces dernières semaines. Rony Brauman, né à Jérusalem, est l’une des voix en France à dénoncer les crimes d’Israël depuis des décennies, l’une des rares voix qui refuse de voir dans le 7 octobre 2023 un acte surgissant ex nihilo, et à parler des victimes Palestiniennes. 

20.000 morts Palestiniens, c’est une amputation démographique démente en à peine plus de deux mois de guerre, qui n’est pas terminée. Pour un mort, il y a environ trois blessés, dont un grand nombre va mourir. Cette guerre est un océan de malheurs.

Rony Brauman

Lorsqu’on sait que les gazaouis, confinés depuis 1991, ne se représentent les Israéliens que sous forme de « drones, d’hélicoptères d’assaut, de blindés, de F15 qui viennent bombarder », « il n’y a pas lieu de s’étonner qu’il y ait une déshumanisation des Israëliens par la population de Gaza, puisque les Israëliens se présentent eux-mêmes comme une entité hostile meurtrière » explique Brauman.

On entend souvent que Gaza n’est pas un territoire occupé puisque les Israéliens s’en sont retirés en 2006 mais il n’y a rien de plus faux : Israël occupe toujours Gaza dans la mesure où la frontière terrestre, la bordure maritime, l’espace aérien et le sous-sol sont intégralement contrôlés par Israël y compris les télécommunications. Les rares mouvements de sorties avant la guerre (15.000 à 20.000 travailleurs sur 2 millions de personnes) étaient étroitement surveillés. Quand on dit que Gaza est une prison à ciel ouvert, c’est une réalité matérielle, psychologique, économique, humaine.

Rony Brauman

Si Gaza est une prison, la Cisjordanie est une colonie, où « chaque jour qui passe, des villages sont vidés de leurs habitants. » Selon l’ancien Président de Médecins sans frontières, la politique de la puissance d’Israël est vouée à l’échec, et incarne une forme de « suicide » : cette violence exercée dans le conflit crée en face de la « contre-violence, du contre-fanatisme, de la rage sans fin », mais se réimporte aussi sur son propre territoire. 

Les dirigeants israëliens vivent dans l’illusion que l’usage de la force peut être purement externe. Mais tous ces jeunes Israéliens qui vont faire leur service dans les territoires, qui font irruption à 4h du matin en terrorisant des gens […] est ce qu’on peut croire que d’un seul coup, en rentrant chez eux, ils adoptent un mode de vie fraternel ? Non, c’est un hooliganisme qui devient un mode de vie. […] Dans la moindre incertitude, la moindre non-reconnaissance, même si vous ne représentez aucun risque, on tire d’abord.

Rony Brauman

Brauman le rappelle : « l’installation de populations civiles, qui suppose le déplacement d’autres populations, sur des territoires acquis par la force est un crime au regard du droit international. » Alors qu’Israël « produit un apartheid sans cesse plus profond, plus net, plus agressif », sa politique est régulièrement récompensée, économiquement, et symboliquement, par la communauté internationale, dont la France, en étant désignée comme la seule démocratie au Proche-Orient. Ce « soutien inconditionnel » s’explique selon Brauman par « la mémoire coupable de la Shoah », et « le fait qu’on estime la population Israëlienne comme plus proche de nous sur le plan civilisationnel. »

Le droit de se défendre concerne une attaque venant de l’extérieur. Mais quand vous attaquez un territoire occupé, le droit à se défendre n’a aucun sens : vous ne vous défendez pas, vous attaquez, vous occupez. Ceux pour qui le droit de se défendre devrait être invoqué ce sont les Palestiniens. Le droit de résister à l’occupation est un droit inscrit dans les textes internationaux.

Rony Brauman

Pour Brauman, les accusations d’antisémitisme qui visent une partie de la gauche, et singulièrement de LFI, au sujet de la qualification terroriste ou non du Hamas, est « une défense beta et dangereuse », qui « banalise l’antisémitisme. » Évidemment que « les actes du 7 octobre sont des actes de terreur » développe-t-il, mais pour autant, « si l’on compare le Hamas à Daesch, en faisant de ses crimes un pur acte de terreur où l’histoire commence le 7 octobre au petit matin, il y a une mauvaise foi politique évidente. » 

Appelant à ne pas amalgamer toute critique d’Israël à de l’antisémitisme, ou à l’inverse tout soutien d’Israël comme une preuve de non-antisémitisme, il rappelle que si l’extrême-droite est aujourd’hui fermement pro-Israëlienne, elle a été pro-palestinienne pendant longtemps, par haine des Juifs : « c’est un concours de détestation » soupire-t-il. Il explique que le sionisme à l’échelle mondiale est un mouvement chrétien évangélique, et que l’on peut donc être à la fois sioniste et antisémite, à l’image de Balfour, et aujourd’hui de certains premiers soutiens d’Israël, tandis que « l’antisionisme est souvent une attitude juive ». Pour autant, il alerte sur le danger de la position antisioniste, devenue un refuge pour les antisémites depuis que l’antisémitisme, en France, est une infraction au même titre que le racisme.

S’il ne recommande pas de « jouer la politique de la chaise vide » dans les médias, Brauman ne se souvient que d’un plateau où il a pu « développer une pensée sans être systématiquement interrompu, harcelé » face à « des porte-voix d’Israël », proférant parfois des mensonges ahurissants. Que nous reste-t-il ? « Allumer des contre-feux à la haine que suscite Israël de par sa politique passée et présente, détestation qui peut facilement s’étendre à tous ceux qui sont ramenés à Israël, les juifs. » Inquiet, Brauman ajoute « Je crains les retours de flammes. Israël me met en danger en tant que juif. »

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