Il est 11h, la Tour Eiffel fait la gueule, cisaillée en deux par d’épais nuages. Non loin, à deux pas de la stèle des Martyrs Juifs du Vel’ d’Hiv, des manifestants déploient une banderole, jaune, blanche et noire (ça a son importance): «contre l’antisémitisme, les racismes et l’extrême droite». Des gerbes de fleurs attendent d’accéder au mémorial, dont la CRS 12 bloque l’accès.
Parmi les manifestants: l’Union étudiante, Union syndicale lycéenne, quelques satellites jeunesse de Génération·s, de LFI, de la JOC, du NPA, du MRAP. C’est un rassemblement lancé in extrémis, après les cafouillages de la gauche, incapable de monter sa grande manifestation. Mais, au moins, c’est là. Et ce sont les jeunes, sous le crachin, qui sauvent l’honneur. Quelques députés (LFI, la plupart) sont présents, mais se taisent. Quelques cheveux gris, aussi, des couples de toujours, des habitués des marches pas toujours victorieuses. Tous laissent les vaillants lycéens et étudiants garder l’initiative.
Les mots des porte-parole sont simples, sont clairs; leurs mains tremblent d’émotion quand ils tiennent leur discours, mais les voix ne flanchent pas.
«Pour celles et ceux qui ne recherchent que la division, il faut montrer que personne n’est laissé derrière, et qu’etre contre l’antisémitisme ce n’est pas être islamophobe, et qu’être contre l’islamophobie ce n’est pas être antisémite. Il s’agit de deux racismes graves mais aux formes différentes.»
La porte-parole de l’Union syndicale
«Certains iront manifester [cet après midi] avec les héritiers de ceux qui ont déporté les juifs. Nous avons un message clair: nous lutterons toujours contre l’antisémitisme et contre le fascisme».
Manès Nadel, porte-parole de l’Union syndicale lycéenne
Et puis, en face, venues du coin opposé, des mains lèvent des pancartes jaunes, blanches et noires. Mêmes couleurs, même typo, mais contre-discours et inversion totale des valeurs. Autant de slogans, anonymes, de contre-manifestants. «Touche pas au Vel d’Hiv», «Touche pas à la Mémoire». Le cordon de CRS s’interpose entre les premiers et les seconds. Une large banderole de Tsedek! (collectif juif décolonial) masque les contre-manifestants, dont la rumeur dit avoir reconnue des visages de l’extrême droite (Reconquête, Bétar, Ligue de Défense Juive — dont certains se retrouveront dans le cortège de l’après midi). Parmi certains contre-manifestants, on sent aussi, parfois, une inexpérience, un goût d’amateurisme pas bien sûr.
Voici le temps des brouhahas. Des invectives. Des slogans qui fusent. La minute de silence réclamée par les organisateurs est en partie couverte par les cris odieux de ceux qui prétendent défendre la mémoire des Déportés. «Hors sujet» lancent les seconds aux premiers. Ce n’est pas irréconciliable, c’est guerrier. Et c’est triste à pleurer.
Plus tard, le CRIF félicitera les contre-manifestants:
Puis les contre-manifestants se dispersent, à la demande de la Préfecture de Police, qui tarde à laisser les manifestants s’approcher de la stèle. Un homme attend, bouquet rouge à la main, sourire amer, regard franc. Une femme retient ses larmes, de rage et d’infinie tristesse. Frédérique, de Tsedek! vient me raconter comment sa famille échappa à la rafle du Vel’ d’Hiv (un voisin policier a prévenu, une concierge voulait dénoncer). Peu à peu, les manifestants quittent les lieux à leur tour. Certains ont déposé les fleurs au pied des policiers, qui barrent toujours l’accès au monument. Effet de sens terrible, télescopage historique. Fleurs, bottes, Vel d’Hiv.
Ils ne sont plus qu’une poignée de manifestants quand le commandant CRS reçoit enfin de la Préfecture l’ordre de laisser les manifestants déposer leur gerbe.
La minute de silence se fait double, voire triple. La pluie cesse.
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