Pourquoi et comment quitter X Débat en direct et en public

« L’enjeu est majeur, c’est un enjeu démocratique mondial qui est en train de se jouer », alerte dès l’ouverture Magalie Payen, qui co-présente la soirée. Ce soir, Au Poste est en public et sort les grands moyens à l’occasion de la campagne du collectif HelloQuitteX, qui milite pour se séparer de Twitter en masse. OXFAM, Green Peace, la Ligue des droits de l’homme, Sandrine Rousseau, Anne Hidalgo, la SNJ-CGT, Frédéric Petit (Modem), Salomé Saqué, Carine Fouteau et d’autres sont venus sur place ou en vidéo mettre leur grain de sel.

Depuis plusieurs mois et son rachat par Elon Musk, X enchaîne les dérives antidémocratiques: ‘shadow ban’ de la gauche, cyberharcèlement, promotion des discours et des lubies de l’extrême droite… La dissidence y est soumise à l’acceptation de son nouveau patron. Pour HelloQuitteX, rien ne sert d’écoper, le bateau Twitter a déjà coulé. Il faut partir, et vite.

« X, c’est une machine à fragmenter l’opinion. » 
_{Magalie Payen}

D’ailleurs, Musk ne se cache même plus : au même moment, il fait une interview avec l’AFD, un parti d’extrême droite Allemand. Frédéric Petit, député Modem des Français de l’étranger, le compare carrément à l’oligarque géorgien Bidzina Ivanichvili: « Je crois que la démocratie est de nouveau face à une ploutocratie ». Pour lui, pas de doute, le patron de Tesla est néofasciste.

Alors David Chavalarias, qui représente le collectif, débarque sur l’estrade avec son PowerPoint pour faire le bilan de la désinformation sur Twitter. Il résume en deux images, le Capitole américain, siège de leur démocratie, avant et à l’issue de l’assaut du 6 janvier 2021. Partout où Musk influe, les fascistes prennent confiance. Leurs contenus sont massivement diffusés dans les timelines des usagers de Twitter, qu’ils le veuillent ou non: +49% de contenu toxique depuis son arrivée, rappelle le scientifique du CNRS.

« Il applique la stratégie de Steve Bannon : ‘(Il faut) inonder la zone de merde’. Musk a racheté Twitter, puis il a inondé la zone de merde. La question maintenant, c’est: est-ce que l’on reste dans la merde, ou est-ce que l’on en sort ? » 
_{David Chavalarias}

HelloQuitteX : le collectif qui organise

Né de la fusion de deux collectifs, HelloQuitteX propose une solution technique pour faciliter la transition : un site web pour permettre aux utilisateurs de retrouver leur réseau d’abonnés et d’abonnements sur Mastodon et Bluesky. Chavalarias précise: s’enregistrer pour la bascule est rapide, quelques minutes tout au plus.

« Le 20 janvier, on va activer la plateforme et reconnecter tout le monde. On va commencer à reconstruire le tissu social sur Mastodon et Bluesky de manière automatique, en important les communautés. »
_Chavalarias

L’idée, c’est de créer une dynamique et que ceux qui n’auront pas encore fait le choix de partir, voyant d’autres passer le pas, se mobilisent à leur tour. Au bout du compte, X perdrait de son intérêt et de son influence par la même occasion. HelloQuitteX, c’est un collectif: plusieurs organisations, médias et personnalités se sont déjà jointes au mouvement.

« Au nom de quoi ? » : Le moment du choix

Sur scène, les témoignages se succèdent: le choix n’est pas clair pour tout le monde. Sandrine Rousseau, longtemps victime de cyberharcèlement, hésite encore: s’il a amplifié le phénomène, Twitter était toxique avant Musk. « Au nom de quoi ce serait aux féministes, aux antiracistes, à la gauche de quitter ce réseau et de s’affaiblir dans le débat politique ? » Aussi, les grands médias sont encore sur Twitter: s’en priver, c’est se priver d’un outil de communication de première importance.

Olivier Faure, s’il n’est pas présent, a envoyé un message à l’équipe en ce sens: « À force de quitter les lieux où les gens ne pensent pas comme nous, on ne s’adresse plus qu’à nous-mêmes ». Frédéric Petit aussi hésite : « Mon rôle, c’est d’aller perdre ce match s’il faut le perdre. » Malgré les réticences, les politiques sont d’accord: si leurs pairs passent le pas, ils quitteront le réseau avec eux.

D’autres, comme Anne Hidalgo qui nous a envoyé son témoignage en vidéo, se sont libéré du réseau il y a un moment: « Il ne faut pas avoir peur de prendre sa liberté. Ce n’est pas une liberté d’être sur X. » Malgré la perte de ses 1,5 million d’abonnés, la maire de Paris affirme ne pas avoir souffert de perte de visibilité. Au contraire, elle souligne y avoir gagné en santé mentale.

« Fuck Elon Musk » : La rupture nécessaire

Face aux risques d’effondrement du débat démocratique, de nombreux acteurs institutionnels ont déjà pris position. Greenpeace, Oxfam France, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris: tous ont décidé de quitter X. « Nous refusons de cautionner une plateforme qui promeut la désinformation scientifique et médicale », souligne sur scène Isabelle Jourdan de l’APHP.

« En restant sur X, on nourrit l’algorithme d’Elon Musk et donc on alimente la machine pour nous détruire. »
_{Carine Fouteau}

Chez certains journalistes aussi, progressivement, la bascule s’opère. Carine Fouteau, de Mediapart, rappelle que rester sur X, c’est alimenter « un réseau social d’extrême droite dont la mission est de tuer la liberté d’informer ». Pablo Aiquel, secrétaire général de la SNJ-CGT qui vient de quitter X, souligne que l’inaction des journalistes encourage l’inaction des politiques. « On a une mission qui est d’être un aiguillon. (…) Il faut aller vers des espaces que nous maîtrisons mieux. »

Les premiers résultats sont encourageants : HelloQuitteX recense les connexions de plus en plus de personnes prêtes à migrer. Entre temps, Sandrine Rousseau s’est convaincue : elle tweete sur scène un appel au départ: « Qui me suit ? », avant de lâcher le micro: « Fuck Elon Musk ! ». Le message est passé.

__

Bluesky Threads Facebook Courriel