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Pascal Blanchard Florence Beaugé Pauline Perrenot Youmni Kezzouf Tristan Berteloot

Passé colonial, présent empoisonné : la République silencieuse

Ils viennent briser le silence, bousculer l’oubli. Pascal Blanchard, historien, et Florence Beaugé, journaliste de terrain, celle qui a révélé le poignard du jeune Le Pen en Algérie, ravivent une mémoire que la France voudrait anesthésier : celle des Colonies. Dans leur besace, ils viennent avec une somme sur “le prince de l’ambivalence” (Mitterrand, le dernier empereur) et la réédition augmentée de «Algérie, une guerre sans gloire» pour l’autre.

Archives déterrées, blessures ouvertes, vérités qui dérangent, face à l’aveuglement officiel, leur parole dérange, interroge, réveille. Un dialogue intense, et nécessaire. Car tant que ce passé-là n’est pas regardé en face, il continue de hanter le présent.

En seconde partie, notre club de la presse et le tour express de l’actualité de l’Extrême droite mondiale avec Youmni Kezzouf (Mediapart), Pauline Perrenot (Acrimed), qui reviendra sur la dinguerie médiatique autour des condamnations de Le Pen & Co, et Tristan Berteloot (Libération), à propos du procès que Bardella lui a intenté, et perdu.

Deux heures en direct, sur Mediapart et Au Poste


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« Mitterrand, c’est l’homme qui a menti toute sa vie sur son rapport à l’Empire », lâche Pascal Blanchard, sans détour. Dès les premiers échanges, le ton est donné. Ce soir-là, dans Au Poste, on remonte le fil colonial jusqu’à nos démocraties d’apparence. L’historien, épaulé par la journaliste Florence Baugé, démonte méthodiquement les mythes d’un passé qui ne passe pas. Il y est question de mémoire empêchée, de mensonges d’État, de grandeur fantasmée, de récits manipulés. Et surtout d’une gauche qui a bien souvent préféré l’amnésie à l’inventaire.

L’historien détaille : Mitterrand, de l’Expo coloniale à Vichy, de la SFIO à la Françafrique, n’a jamais rompu avec l’idée impériale. « Il a réécrit sa propre histoire, dès les années 50 », explique-t-il. La parole est dense, documentée, charpentée. Loin d’un procès à charge, c’est un démontage clinique : « Il a même réussi à faire croire qu’il avait toujours été un homme du Tiers Monde », s’amuse l’historien. Mais l’affaire est sérieuse : l’ancien président incarne à lui seul le déni colonial de toute une génération politique, jusqu’à son soutien aux régimes africains les plus autoritaires.

La journaliste  de son côté, raconte son enquête fondatrice : le poignard de Le Pen, retrouvé dans la casbah d’Alger, preuve d’une nuit de torture. « Quand j’ai vu ce couteau, j’ai su que je devais aller au bout », confie-t-elle. Pendant des années, elle mène l’investigation, affronte les menaces, déjoue la censure. Et obtient, enfin, la reconnaissance judiciaire de la parole des victimes. Son récit bouleverse le tchat. JeanMehdi écrit : « On en pleure, c’est bouleversant. Merci pour cette parole courageuse ».

« On n’écoute pas les colonisés, jamais. C’est la règle. » 
Pascal Blanchard

Leur dialogue expose une vérité brutale : l’histoire coloniale n’a jamais été soldée. Elle continue d’irriguer les représentations, les discours, les votes. « La gauche a fabriqué l’empire autant que la droite », martèle Blanchard. Et Florence Beaugé d’ajouter : « Ce n’est que lorsque Le Pen a parlé qu’on a cru les témoignages algériens. » À ce moment-là, c’est toute la hiérarchie du savoir et de la légitimité qui vacille.

L’extrême droite, les médias et la mémoire coloniale : la suite explosive

La deuxième partie d’« Au Poste » prolonge ces constats dans le champ médiatique et politique. Pauline Perrenot (Acrimed), Tristan Berteloot, et Youmni Kezzouf (Mediapart),  dressent  tousle même constat : l’extrême droite sature l’espace médiatique, même condamnée, même discréditée. Et surtout, elle réécrit l’histoire à son avantage, comme l’a fait Mitterrand en son temps.

« Il y a un illibéralisme en germe dans les discours RN, et il s’installe » 
Youmni Kezzouf

Procès de Bardella, fake news sur l’islamophobie, blanchiment de Jean-Marie Le Pen, les invités décryptent la banalisation accélérée du RN. Perrenot s’emporte : « Quelle autre personne condamnée aurait droit à un 20h de TF1 pour se justifier ? » Un tchat s’agite : ZinedineZ résume : « Le RN est devenu mainstream sans rien changer de son logiciel. »

Les journalistes présents dénoncent une stratégie de séquençage médiatique redoutable, une réécriture continue qui trouve un terreau dans la faiblesse des contre-pouvoirs. Pauline Perrenot conclut : « Ce n’est pas une fatalité. C’est une construction. Et elle peut être déconstruite. »

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Pourquoi Pascal Blanchard affirme-t-il que Mitterrand a « menti toute sa vie » sur la colonisation ?

Parce que ses recherches montrent que l’ancien Président de la République a systématiquement réécrit son rôle dans la décolonisation, dissimulant ses responsabilités à Vichy, en Indochine, en Algérie, jusqu’à sa politique africaine une fois président. Cette construction narrative, savamment entretenue, lui a permis d’apparaître comme un homme de gauche, malgré un parcours colonial très lourd.

Quel est l’impact du poignard retrouvé par Florence Beaugé sur la mémoire de la guerre d’Algérie ?

Ce poignard, identifié comme ayant appartenu à Jean-Marie Le Pen, constitue une preuve matérielle inédite d’un acte de torture. Son histoire, relayée par Beaugé dans une enquête minutieuse, a permis de crédibiliser des témoignages longtemps ignorés. Mais sa non-exposition au musée des Moudjahidines illustre encore les blocages politiques autour de cette mémoire.

En quoi les médias participent-ils à la banalisation de l’extrême droite aujourd’hui ?

Selon Pauline Perrenot, la couverture médiatique actuelle privilégie la logique du spectacle et de la personnalisation. Le RN impose ses « séquences » narratives, et les médias mainstream les relayent, souvent sans distance. Cette dynamique offre une exposition massive, même après des condamnations judiciaires, et gomme la radicalité réelle du parti.

Pourquoi l’histoire coloniale reste-t-elle un sujet aussi explosif en 2025 ?

Parce qu’elle n’a jamais été pleinement traitée. Ni musée national, ni mémorial officiel, ni consensus scolaire. Pour Pascal Blanchard, cette absence de traitement historique laisse un vide exploité par l’extrême droite. Et tant que les colonisés ne seront pas reconnus comme sources légitimes de l’Histoire, le récit restera déséquilibré et conflictuel.

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Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.

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