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Paul Conge Nadia Sweeny Nicolas Lebourg #AuPoste

Où en est l’Extrême droite radicale ?

Le GUD a été dissout cet été, dans un contexte de montée de l’Extrême droite radicale. Mais la violence n’est plus seulement celle des groupuscules. Depuis 2017, 13 attaques ont été déjouées par les services de renseignement, et plusieurs procès ont eu lieu ou vont avoir lieu.

Ce 16 septembre s’ouvre ainsi le procès en appel du groupe WaffenKraft, première affaire terroriste d’ultra-droite ayant été jugée aux assises et ayant donné lieu en première instance à des peines d’une à dix-huit années de prison. Pour comprendre où va l’ultra-droite, on en cause avec deux journalistes qui la suivent depuis des années : Nadia Sweeny, journaliste au Média et Paul Conge, journaliste à Marianne.

PS: on a aussi parlé du livre «Paris Moscou: un siècle d’extrême droite» (Le Seuil) d’Olivier Schmitt et d’un dénommé… Nicolas Lebourg, tenancier d’Extremorama et historien spécialiste de l’extrême droite.

Dans l’ambiance tamisée du studio, Nicolas Lebourg, d’une voix posée, lance la discussion. « On a affaire à une présence dans la ruralité, à des gens diplômés. ». Assis sur sa chaise, penché vers ses invités, l’historien évoque l’image (révolue?) du skinhead des années 80 et 90. Les profils des nouveaux radicaux d’extrême droite sont maintenant plus variés. Ayant répondu présente au Poste malgré un mauvais rhume, Nadia Sweeny captive l’attention des aupostien.nes par sa connaissance fine des profils, dont elle a lu et relu les comptes-rendus d’audition pour l’occasion.

Ce sont plutôt des gens avec de vraies fractures personnelles […]. L’idéologie d’ultradroite est venue apporter une raison idéologique à quelque chose qui préexistait un peu.

Nadia Sweeny

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“Extrême droite” ou “ultradroite” ?

Les qualificatifs, eux aussi, se sont diversifiés. « Les gens d’ultradroite diront qu’ultradroite une formule de journaliste, ceux d’ultragauche que c’est une formule de flic : les deux ont tort », s’amuse Nicolas Lebourg, campant le rôle de professeur. Plongé dans la discussion, il en oublie les caméras et, se balançant, manque de sortir du champ. L’apparition du mot dans l’espace public remonte à l’affaire Merah. Un document des Renseignements généraux avait fuité. Le public s’en empare, et voilà que le terme “ultradroite” se répand partout. 

Le mot est évité par certains médias, remarque Paul Conge : « ça crée une distinction [avec l’Extrême Droite] qui est souvent artificielle ». Mais le journaliste, qui s’est assuré de disposer du plus possible de stylos pour prendre des notes durant l’émission, est plus nuancé. Lui-même emploie le terme, ce qui n’est pas envisageable pour Nadia Sweeny. Quelles que soient leurs positions, tous les trois finissent dans le fil de la conversation par employer presque indifféremment les deux termes.

Il y a une problématique à trop les distinguer, parce que leur projet est violent. Parce qu’ils s’attaquent à une partie de la population. […] C’est dit à la TV avec un grand ‘smile’ et un petit costard, donc évidemment, on n’a pas l’impression que le mec va sortir sa kalash, mais la finalité de leur discours est violent.

Nadia Sweeny

La question de la distinction s’impose aussi quand il faut qualifier ou non ceux qui passent à la de terroristes. Dans certaines affaires relatives à l’extrême droite, le Parquet national antiterroriste a décidé de ne pas se saisir. Nadia Sweeny relève que le réflexe est plus rapide concernant les djihadistes : « On met tout le monde en ‘terro’ dès qu’il y a un lien avec Daesh ».

Des points communs avec le djihadisme

Réactif comme à son habitude, le tchat s’empare de la causerie. Fbae75 interpelle : « Ne peut-on pas considérer Daesh comme ayant une idéologie d’extrême droite, mais étrangère ? ». « C’est un sujet qui m’intéresse, je pense la même chose ! » s’exclame Nadia Sweeny, qui en a oublié la fatigue et son rhume. L’extrême droite française, qui se positionne face au djihadisme, avance au fond dans la même direction. 

Les jeunes qui se radicalisent à l’extrême droite sont fascinés par Daesh. Ils ne veulent pas du tout les combattre, ils veulent les remplacer.

Nadia Sweeny

Les points communs sont d’autant plus prégnants dans le cas des incels qui revendiquent leur détestation des femmes. Dans le discours des djihadistes, la question du contrôle du corps des femmes est très présente. Comme le précise Sweeny, pour l’extrême droite, il y a cette idée que l’islam serait « plus antiféministe que le reste », mais dans le même temps des influenceur.euses comme Thaïs d’Escufon installent eux-mêmes un discours ré-ré (rétrograde et réactionnaire).

Du discours aux actes

Pour Paul Conge, le risque terroriste en provenance de l’extrême droite reste moins considéré que le risque djihadiste dans l’opinion publique. En France, la justice fait usage du principe d’association de malfaiteurs terroristes, qui permet d’arrêter les gens avant qu’ils ne passent à l’acte, en foulant parfois le droit et la Défense.

Ça génère dans l’opinion publique une forme d’incompréhension, parce qu’on leur dit “treize attentats déjoués, mais aucun attentat commis”. Il y a un problème de prise au sérieux de la menace d’extrême droite.

Paul Conge

Il y a néanmoins ces dernières années peu de passages à l’acte en France en provenance de cette mouvance. Nadia Sweeny l’explique en partie par l’absence de “transcendance” : « Il y a le manque d’un terrain de guerre qui corresponde au récit de l’extrême droite. » Le conflit russo-ukrainien ne peut jouer ce rôle. Comme le conclut Nicolas Lebourg, si l’impérialisme russe a pu séduire de prime abord, il se retourne aujourd’hui contre l’extrême droite, parce qu’il fait de la Russie un empire multiethnique face à une nation blanche.

Trois questions clés

Qui est Nadia Sweeny ?

Nadia Sweeny est une journaliste chargée enquêtes et de la déontologie au Média, anciennement chargée de la police-justice à Politis, membre de l’association des journalistes pour la transparence. Nadia Sweeny a suivi plusieurs affaires judiciaires liées à l’extrême-droite.

Qui est Paul Conge ?

Paul Conge est une journaliste à Marianne, il est reporter chargé de la police-justice. Il s’intéresse de près aux mouvances radicales et au terrorisme. Il est l’auteur du livre Les grands remplacés, sur les paniques des nouveaux identitaires, paru en 2020.

De quoi traite Paris-Moscou, le livre de Nicolas Lebourg et d’Olivier Schmitt ?

L’instigateur d’Extrêmorama publie avec son complice Olivier Schmitt Paris-Moscou. Bien avant l’ascension de Vladimir Poutine, certains voyaient déjà dans la Russie un rempart contre le “multiculturalisme”. L’ouvrage met en perspective les liens qui unissent ce pays et l’extrême droite française depuis un siècle. 

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