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Médias indés: derniers remparts contre le pire

Face aux crises politiques, démocratiques et écologiques, les médias indépendants ont pris position. Comment se distinguent-ils de la presse mainstream par leurs priorités éditoriales, leur manière de traiter l’information, leurs engagements et leurs initiatives publiques ?

Lors de ce meeting organisé par le Fonds pour une presse libre à l’Espace Reuilly, les acteur.ices clés de l’indépendance médiatique – de Mediapart à La Déferlante – ont débattu des défis de leur époque devant 800 personnes venues témoigner leur soutien.

« L’État de droit, ce n’est plus intangible ni sacré », lance Mathilde Larrère en joyeuse et révoltée animatrice de la soirée. Si le gouvernement actuel a fait le choix de s’attaquer à ce qui garantit nos libertés fondamentales, il est crucial de bâtir des remparts contre le pire. Et c’est précisément pourquoi nous sommes là ce soir.

L’évènement ne cache pas ses ambitions : parler haut et fort pour défendre la liberté de la presse. « Se mobiliser pour une information libre et de qualité reste le meilleur moyen de revitaliser notre démocratie », ajoute François Bonnet, président du Fonds pour une Presse Libre résolument optimiste, mais réaliste sur les combats à mener.

Le Fonds pour une presse libre, qui organise cette soirée, a permis en cinq ans d’aider 37 médias à hauteur de 700 000 €. L’enjeu n’est pas seulement médiatique mais démocratique : il s’agit de préserver une information indépendante, face à la poignée de magnats qui détiennent aujourd’hui la majorité des titres de presse.

« En 1944, on croyait à la défense de la liberté de la presse, à son indépendance à l’égard de l’État et des puissances de l’argent », rappelle Mathilde Larrère. Aujourd’hui, nous sommes bien loin des espoirs du Conseil National de la Résistance. La concentration massive des médias se fait chaque jour un peu plus totalitaire.


L’extrême droite qui rafle la mise, partout. Les libertés fondamentales attaquées de toutes parts. Une gauche de gauche à reconstruire. Plus que jamais une presse réellement indépendante, et pas pareille, est nécessaire.

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La concentration médiatique : un ennemi commun

François Bonnet est clair : l’empire Bolloré, omniprésent, diffuse un discours marqué à l’extrême droite, et cette hégémonie culturelle contribue à la diffusion de discours réactionnaires, de haine sociale et de racisme. Mathilde Larrère rappelle qu’il ne s’agit pas seulement de dénoncer ces pratiques mais aussi de proposer une alternative viable, où chaque voix trouve sa place : « La multiplication des chaînes de télé, bien plus coûteuses qu’un journal indépendant, a permis à ces grands patrons de tisser une toile puissante qui pèse sur la liberté de chacun. »

L’indépendance médiatique est la clé. Successivement sur scène, StreetPress, Rue89 Lyon, ou encore La Déferlante partagent leurs expériences, témoignant comment les luttes locales, les enquêtes acharnées, et la détermination face aux procès-bâillons étaient des preuves de leur engagement inébranlable. « Nous n’avons rien à perdre, tout à gagner, en résistant », s’exclame un journaliste de Politis, évoquant les tentatives de censure judiciaire qu’il a subies.

Seule une presse libre peut empêcher l’illusion d’un consensus imposé par la peur.

David Dufresne

Les attaques contre les journalistes : une réalité quotidienne

«Aujourd’hui, un journaliste peut se faire violenter en pleine rue, et cela devient presque la norme. La France, pays de la liberté de la presse ? Plus tellement, quand on voit les classements internationaux » lance Larrère.

L’historienne rappelle que les journalistes ne sont pas seulement confronté.es aux pressions économiques mais aussi à la violence directe des forces de l’ordre. Elle évoque ces cas de journalistes convoqué.es par la police, intimidé.es pendant les manifestations.

S’organiser contre la concentration des pouvoirs médiatiques, contre la censure et pour une véritable information citoyenne qui refuse de se plier aux impératifs du profit. Ce soir, l’enjeu est clair : réaffirmer le rôle essentiel d’une presse émancipatrice dans un monde en proie à des dérives autoritaires.

Mathilde Larrère

La colère est latente, tout comme une forme de solidarité parmi les participant.es. Dans le tchat, les réactions fusent : «C’est nous tous qu’ils essaient de faire taire» écrit CamilleT. Un autre commente : «Bravo pour ce que vous faites, vous nous donnez une voix.» La communauté prête à soutenir et à défendre les médias indépendants est active, et ne compte rien lâcher.

L’urgence écologique au cœur de l’engagement éditorial

Les Jours et Reporterre explorent la crise écologique, dénonçant les contradictions du traitement médiatique mainstream qui en minimise l’urgence. « Comment parler de transition écologique quand on est financé par les lobbys industriels ? », s’interroge un journaliste de Reporterre. Basta! et Vert nous rappellent que la lutte écologique est aussi une lutte pour la vérité scientifique. Lorsque celle-ci est clouée au pilori par les pressions économiques, le devoir journalistique est de résister.

Revendications et innovations des médias présents

La soirée met en lumière non seulement les revendications des médias indépendants, mais aussi leurs innovations pour se réinventer face aux obstacles multiples. Les acteur.ices présents ont expliqué comment, par leurs méthodes, ils entendent lutter contre la crise d’information qui touche nos démocraties.

La Déferlante insiste sur le rôle crucial de la parité et de la diversité dans ses équipes éditoriales. « L’information doit refléter la réalité de toutes les couches de la société, en particulier les femmes et les minorités. On ne peut se contenter de raconter le monde à travers des lunettes uniformes, souvent masculines et blanches », souligne une des cofondatrices.

Les Jours, pour leur part, innovent avec des «obsessions», des séries documentaires qui plongent le public au cœur des thématiques sur le long terme. « Nous avons choisi de rompre avec l’actualité jetable, en racontant l’histoire au fil du temps, parce que tout n’est pas résolu en un seul article », revendique l’un des intervenant.es. Ces sagas thématiques explorent des sujets complexes, de l’extrême droite aux enjeux climatiques, offrant ainsi une profondeur de traitement souvent absente des médias classiques.

Rue89 Lyon a développé des partenariats locaux, avec des associations et des collectifs de citoyens, pour produire des enquêtes de terrain qui répondent aux besoins des communautés locales. « L’information se construit aussi dans la rue, auprès des habitants, loin des grandes rédactions parisiennes, » explique un membre de la rédaction évoquant la force du journalisme de proximité, palliant au déficit de couverture des régions par les grands médias nationaux.

Carine Fouteau, la présidente de Mediapart, insiste sur l’importance de maintenir une approche rigoureuse et indépendante de l’investigation. « Nous devons enquêter là où les autres ne vont pas, même quand les pressions se multiplient », affirme-t-elle.

Reporterre détaille son engagement sur le terrain de l’écologie, soulignant l’importance de ne jamais accepter de partenariat avec des entreprises qui participent à la dégradation de l’environnement : « Notre seule source de financement, c’est vous, nos lecteurs. Les collectes publiques nous permettent de mener des enquêtes qui mettent en lumière des vérités dérangeantes, notamment sur les pratiques des grands groupes industriels. »

Splann!, média breton d’investigation présente sa nouvelle initiative : un réseau de correspondant.es bénévoles pour capter les problématiques locales et les porter à la connaissance du grand public. « Nous souhaitons développer un maillage territorial pour être au plus près des citoyens et rendre compte des réalités souvent invisibilisées, » précise une intervenante, en insistant sur l’importance de l’ancrage régional pour une couverture de qualité.

Les innovations numériques comme boucliers

Les médias présents discutent des innovations numériques qui leur permettent de résister. Arrêt sur Images met en avant son utilisation d’une plateforme vidéo indépendante, évitant ainsi les algorithmes de censure de YouTube ou Facebook, tandis que Vert raconte avoir opté pour une newsletter hebdomadaire qui diffuse des analyses détaillées et des contenus engagés sans intermédiaire.

L’espace de rencontre et d’échange

A l’Espace Reuilly règne une atmosphère chaleureuse et militante. Dans le hall, un grand nombre de tables sont dressées pour accueillir les différents médias qui proposent leurs journaux, revues, affiches, goodies. Mais la richesse de la soirée tient surtout dans ce qui est au coeur des médias indépendants : la rencontre entre journalistes et citoyen.nes, rendue possible par cette rencontre, et ces discussions passionnées, sur la démocratie, la production de l’information, les dangers qui nous guettent et les résistances qui nous attendent.

Les stands de StreetPress, La Déferlante, Rue89 Lyon, et bien d’autres encore, ne désemplissent pas et témoignent du vif intérêt des 800 participant.es pour la lutte pour la presse indépendante.

La confrontation avec l’extrême droite : une bataille nécessaire

François Bonnet clôture son intervention en évoquant l’engagement du Fonds pour une presse libre dans la lutte contre l’extrême droite : « Nous allons lancer un nouvel appel à projets pour financer des enquêtes spécifiques sur le Rassemblement National et d’autres groupes identitaires. La meilleure façon de lutter contre l’extrême droite, c’est de produire une information rigoureuse, des enquêtes de fond qui ne laissent aucune place à l’ambiguïté.»

La détermination est tangible, tant dans la salle que dans le tchat. Une journaliste des Jours témoigne : « On se bat avec nos moyens, mais c’est la bataille qui compte ».

Trois questions clés

Pourquoi les médias indépendants sont-ils essentiels en période de crise ?

Les médias indépendants sont les seuls à pouvoir proposer une information non biaisée, affranchie des intérêts des grandes entreprises qui possèdent la plupart des médias mainstream.

2. Comment se financer quand on refuse l’argent des puissants ?

Les médias indépendants dépendent principalement des dons des lecteurs, des financements participatifs et d’organisations comme le Fonds pour une presse libre.

3. La concentration des médias : pourquoi est-elle dangereuse ?

La concentration des médias dans les mains de quelques grands patrons limite la diversité de l’information, favorise la censure indirecte, et étouffe les voix dissidentes, ce qui affaiblit la démocratie.

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