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Bastien Le Querrec

Loi «Narcotrafic»: comment l’Etat organise la surveillance de masse

Bastien Le Querrec, de la Quadrature du Net, nous a tirés par la manche – et il a bien fait! Comment passer à côté d’une des lois les plus liberticides depuis 20 ans?

Le juriste est donc venu nous causer de la loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » (prisons spéciales, création d’un parquet spécialisé), bientôt débattue à l’Assemblée nationale. Cette PPL est, par ailleurs, et en sous mains, un texte gravissime pour nos libertés, sous couvert de lutte contre la drogue: activation à distance d’objets connectés, portes dérobées dans les services de messagerie chiffrée, suppression du mécanisme d’autorisation avant un partage de renseignement entre services, possibilités étendues pour la justice de transmettre des éléments judiciaires aux services de renseignement, spywares, extension des boites noires, nouvelles possibilités de censures, nouvelles techniques de surveillance judiciaires, actes de procédure judiciaires secrets («dossier coffre»), drones en prison. Une loi qui dit comment l’Etat veut organiser la surveillance de masse, en criminalisant à tout va. Aprés avoir été adoptée à l’unanimité par le Sénat (Socialistes, ecolos et communistes compris!), elle sera en discussion le 17 mars 2025 dans l’hémicycle. Au Poste sera là.


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La causerie

« C’est un piège tendu à la gauche. » Dès les premières minutes, Bastien Le Querrec pose le décor. La loi dite « narcotrafic » n’a rien à voir avec une volonté de lutte efficace contre les trafics de stupéfiants. Elle sert un tout autre objectif : généraliser des outils de surveillance extrême, jusqu’ici réservés aux affaires de terrorisme, et les étendre aux militants, aux opposants politiques, à tous ceux qui gênent le pouvoir.

Dufresne enchaîne : « Cette loi a été votée à l’unanimité au Sénat, par la droite, par la gauche, par les écolos. Ils ne l’ont même pas lue ? » Le Querrec acquiesce. Une manipulation politique a fait croire à une urgence absolue. Résultat : tout le monde a validé un texte truffé de mesures ultra-répressives.

Un arsenal de surveillance inédit

« Ce qui nous inquiète le plus, c’est l’activation à distance des objets connectés », insiste Le Querrec. En clair : police et renseignement pourraient allumer à distance votre téléphone, votre ordinateur, voire un babyphone, pour écouter et filmer. Une mesure censurée l’an dernier par le Conseil constitutionnel… et qui revient aujourd’hui.

Autre danger : les boîtes noires. Ces algorithmes placés sur les réseaux internet permettent d’analyser les métadonnées de tout le monde, sous couvert de traquer des comportements suspects. « Ces outils existent depuis 2015 pour la lutte antiterroriste, mais on ne sait même pas s’ils ont servi à quelque chose. Là, ils veulent les généraliser. »

Et puis il y a le TAJ, ce fichier de « traitement des antécédents judiciaires ». 19 millions de fiches, 7 millions de visages… et demain, encore plus de policiers autorisés à y accéder sans contrôle. « On y retrouve des relaxés, des victimes, des témoins… impossible de sortir de ce fichier. »

Le retour des portes dérobées

Dans le tchat, ça fuse : « Mais ils ne vont jamais arrêter avec leur obsession de casser le chiffrement ? » Dufresne relance : « Bastien, c’est quoi cette histoire de backdoor dans WhatsApp et Signal ? »

Le Querrec soupire : « On connaît la rengaine. Ils veulent forcer les messageries chiffrées à intégrer une porte dérobée pour accéder aux conversations. Mais une faille, c’est une faille pour tout le monde : États, hackers, entreprises privées. Signal l’a dit : si cette loi passe, ils quittent la France. »

« Les narcos ne chattent pas sur WhatsApp à côté du babyphone »

Le Querrec le martèle : cette loi ne gênera en rien le trafic de drogue. « Les vrais criminels savent déjà contourner ces dispositifs. Qui sera surveillé ? Nous. Vous. Tout le monde. »

Le plus dingue ? C’est que cette loi est votée avec les voix de la gauche. Dufresne s’emporte : « Ils n’ont pas retenu les leçons de la loi sécurité globale ? » Silence.

Le Querrec sourit, amer : « L’extrême droite applaudit des deux mains. Et dans quelques mois, ils auront un cadre légal tout prêt pour aller traquer leurs opposants politiques. »

La mobilisation s’organise

Alors, on fait quoi ? « On appelle les députés », tranche Le Querrec. La Quadrature du Net a mis en ligne un outil pour trouver les contacts. Il faut inonder leurs permanences, leur dire qu’on refuse ce texte.

Dans le tchat, les réactions pleuvent :

  • « Je vais appeler mon député lundi matin. »
  • « Marre de leur rhétorique sécuritaire, on ne va pas se laisser faire ! »
  • « Il faut une pétition, une manif, quelque chose. »

Dufresne conclut : « On sera en direct pour le vote à l’Assemblée. On continue le combat. »

Pourquoi la loi Narcotrafic est-elle si dangereuse ?

Elle généralise des mesures de surveillance de masse initialement réservées à la lutte antiterroriste, et les applique à une notion floue de « criminalité organisée ». En clair, demain, un militant écologiste pourrait être surveillé comme un narcotrafiquant.

Si on n’a rien à cacher, on n’a rien à craindre, non ?

Faux. Quand on sait qu’on est surveillé, on s’auto-censure. C’est le « chilling effect » : moins de débats, moins de liberté d’expression. Et puis, qui décide de ce qui est suspect ? Aujourd’hui, ce sont les narcos. Demain, ce sera qui ?

Comment agir concrètement ?

– Appeler son député. Tous les contacts sont sur le site de la Quadrature du Net.
– Envoyer un mail, expliquer en quelques phrases pourquoi ce texte est dangereux.
– Faire du bruit sur les réseaux sociaux, en parler autour de soi.

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