Né en 2015, auto-fermé fin 2018, puis réouvert en 2023, le site Réseau Libre se croyait à l’abri de toutes poursuites, hébergé qu’il était sur des serveurs russes («pour éviter la censure collaborationniste française»). Erreur d’amateurs. Plainte collective a été déposée par le cabinet Brengarth & Bourdon auprès du Parquet de Paris pour « menaces de mort » et « provocation de commettre un crime ou un délit ». D’autres avocats sont sur le coup. De nombreux journalistes s’associent.
Le 3 octobre 2023, le site Réseau Libre publiait ceci: «les fouilles merde veulent être encore plus protégés»:
L’objet de la colère du torchon suprémaciste? Etre 180 journalistes, responsables politiques ou syndicaux, personnalités publiques, à avoir signé une tribune dans L’Humanité demandant «au gouvernement de protéger, pour tous les médias, le libre exercice de leur mission d’information». Parue la veille, la tribune pointait les intimidations à répétition exercées sur les médias enquêteurs en France (espionnage à distance, gardes à vue, perquisitions, saisies de documents, procédures bâillons). On en avait causé Au Poste avec Ariane Lavrilleux.
Pour Réseau Libre, c’en est trop. Un copié-collé de la liste des 180 signataires, un texte haineux et une proposition de «liste des candidats à la balle dans la nuque» est publiée:
L’appel au meurtre est même assorti d’une méthode (deux balles «dans une montée d’escalier»):
On pourrait sourire, hausser les épaules, devant ce mauvais remake façon OAS 117. Ce serait oublier ce que Médiapart révélait il y a cinq ans: «certains membres du site Réseau libre ont cherché à perpétrer des attentats visant la communauté musulmane». Ils étaient alors 800 membres, selon le quotidien, à auto-alimenter leurs peurs, leurs angoisses, leurs haines et leurs cibles.
Selon Libération, l’administrateur du site serait Joël Michel Sambuis, ancien militant d’extrême droite de 64 ans, condamné pour «détention d’armes», «escroquerie», «faux et usage de faux». Exilé en Russie en 1998 à l’aide d’un faux passeport, depuis protégé par le régime de Poutine, Sambuis est soupçonné d’être le fondateur de plusieurs sites phares de la fachosphère, type SOS-Racaille. Arrêté à Moscou en 2003, la Russie a refusé de l’extrader en 2004.
«Liste (très partielle) d’avocats à éliminer»
Tout s’accélère début juillet 2024. Réseau libre publie une nouvelle liste. Celle de 98 avocats «à éliminer» coupables, eux, d’avoir signé une tribune contre le Rassemblement national dans Marianne. Le site y ajoute Alexis Corbière, Manuel Bompard, Rachel Keke, Ian Brossat et l’avocat Yassine Bouzrou. L’affaire fait grand bruit. Jusqu’à la chancellerie. Le site disparait (blocage IP? auto-dissolution?) et promet de répandre sa bile ailleurs.
C’est alors que la valeureuse équipe de Forbidden Stories, «réseau international de journalistes dont la mission, unique au monde, est de poursuivre les enquêtes d’autres reporters qui ont été réduits au silence», va fouiller dans les archives de Réseau libre et tombe sur… la liste antérieure des 180 journalistes, jusqu’à alors passée plutôt inaperçue, au grand dam du «réseau des patriotes» en mal de buzz.
Depuis, la plainte. Le collectif. Les signatures qui s’accumulent.
On vous tiendra au courant.
On ne lâchera rien.
Merci infiniment pour votre solidarité.
David Dufresne