Pour ce septième numéro de la « boîte noire », je vous propose de rencontrer deux journalistes d’investigation hors pair, Karl Laske, aujourd’hui à Mediapart, et durant longtemps à Libération, auteur de plusieurs ouvrages, notamment sur le dossier de la Libye, et Vincent Nouzille, journaliste free-lance, « indépendant », qui travaille depuis de nombreuses années pour différents médias, et lui aussi, auteurs de nombreux ouvrages, notamment sur la mafia corse, l’espionnage et les relations franco-américaines.
Et il fallait bien deux enquêteurs chevronnés comme eux pour enquêter sur un personnage qui n’avait pas encore dévoilé tous ses secrets, alors qu’il est clé dans les relations obscures entre la France et la Libye depuis une quarantaine d’années. Il s’agit d’Abdallah Senoussi, le maître espion de Mouammar Kadhafi, condamné pour terrorisme à Paris en 1999, et incarcéré en Libye depuis 2012.

Alors que l’actualité judiciaire de ces dernières semaines a été rythmée par le procès sur le financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, Laske et Nouzille ont ainsi décidé de « zoomer » sur ce personnage d’Abdellah Senoussi dans L’assassin qu’il fallait sauver aux éditions Robert Laffont. Les deux enquêteurs ont notamment travaillé à partir d’archives récemment découvertes qui recèlent de nombreuses surprises quant aux activités des services secrets libyens du temps de Kadhafi.

Rappelons que la Libye de Kadhafi a fait exploser le Boeing de la Pan Am au dessus de Lockerbie, le 21 décembre 1988, et le DC10 d’UTA, le 19 septembre 1989, en plein désert du Ténéré. « Un bilan de 440 morts », rappellent les auteurs. Face à ce terrorisme d’État, les puissances occidentales ont exercé durant de nombreuses années un embargo contre la Libye, jusqu’à la réconciliation avec les États-Unis dans les années 2000. C’est à cette époque-là que la France et la Libye entamèrent une lune de miel. « Selon les archives libyennes, l’entourage de Nicolas Sarkozy aurait alors proposé [à Senoussi] d’agir en faveur de la révision de son procès en France, et la levée de son mandat d’arrêt ».
Cette nouveau livre-enquête sera l’occasion pour moi d’interroger les deux auteurs sur la manière dont le journalisme d’investigation peut s’immiscer dans les affaires entre deux États, mais aussi sur son rapport aux archives et au secret-défense, à son rapport à l’histoire et à la géopolitique. On les interrogera aussi sur le procès Sarkozy-Libye en cours.
Marc Endeweld.

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