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Ladj Ly et Giordano Géderlini

Ladj Ly et Giordano Géderlini convoqués Au Poste!

La scène qui ouvre le film est d’une rare puissance. Dans la cage d’escalier du Batiment 5 de Clichy-Montfermeil, personne ne sait trop comment porter un cercueil encombrant. Le lieu sera bientôt évacué, sur ordre anticipé d’un maire facho comme pas deux. Ce cercueil, c’est une idée (encombrante) de la banlieue (encombrante). «Bâtiment 5» est le second long métrage de Ladj Ly, après son tonitruant «Les Misérables» (Prix du Jury à Cannes, et 4 César dont Meilleur film).

Que faire du deuil? De sa jeunesse (le film est largement autobiographique)? Que faire quand il s’agit de réaliser son deuxième film? Ladj sera avec son complice Giordano Géderlini, et ça va être un beau dimanche. Le film, avec une excellente Anta Diaw dans le rôle principal, sort le 6 décembre. Expropriations, enclavement et absence de volonté politique : le mal-logement est un fléau dans les banlieues françaises. Intimiste, rendant hommage à la solidarité des quartiers et aux femmes qui les portent, Bâtiment 5 s’attaque à cet enjeu qui concerne 4 millions de personnes.


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 Quand mes parents sont arrivés dans les années 80 à Montfermeil, ils ont acheté, et au bout de 20 ans ils ont été expropriés de leur appartement, que l’Etat a racheté pour une bouchée de pain » raconte Ladj Ly. Pour son second long-métrage, le réalisateur se penche sur une problématique qu’il a connu intimement, et qui concerne 4 millions de personnes : le mal-logement, quand l’urbanisme « sert à trier, à choisir qui on garde, qui va devoir partir, et à user des familles pour qu’elles s’éloignent. »

Cet enclavement spectaculaire des banlieues est intentionnel. Entrer et sortir est difficile, c’est ce que raconte tout le début des Misérables. Ce sont des îles où tout a été fait pour qu’il n’y ait pas de ponts avec la capitale.

Giordano Gederlini

Les évènements du film ont lieu dans deux villes fictives: Montvilliers – mix de Montfermeil et de Villiers le bel – et les Grands Bosquets – référence directe aux Bosquets. Pour Gederlini, la ville fictive est « l‘endroit où l’on peut témoigner, provoquer du débat, mais en s’adressant à un plus large public que celui des militants, tout en prenant une distance et une liberté. » 

Pour le second film j’avais envie de mettre en avant un personnage féminin, noire, musulmane, voilée. Ce sont des personnages qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir au cinéma, et c’est aussi une façon de rendre hommage à toutes ces femmes qui se battent. Elles ont un rôle super important, elles militent, elles se battent, elles gèrent les assos, les problèmes de toute la famille, quand les mecs font des conneries ce sont toujours elles qui sont derrière, ce sont elles qui gèrent les avocats, les parloirs… Malheureusement, on n’entend jamais parler d’elles, ou on a tendance à parler à leur place. J’avais envie de les mettre en avant, d’expliquer leur rôle.

Ladj Ly

Si l’univers des Misérables est plutôt masculin, c’est que l’intrigue se déroule au pied des immeubles, une zone tenue par les hommes. « Avec Bâtiment 5, on n’est plus au pied de l’immeuble, on entre dans l’immeuble. Le film est plus intimiste, et forcément plus féminin » explique Gederlini. Entrer dans les immeubles, c’est aussi « raconter le village » que sont ces lieux d’échanges, de solidarité, d’humanité, comme ce restaurant clandestin où les habitants se réunissent pour manger pour quelques euros.

Dans chaque ville où on fait une projection, on rencontre une Haby. Son rôle touche énormément de jeunes filles. Je pense que le rôle d’Haby, qui incarne l’espoir, qui se bat, est parfait pour aider cette génération à avoir des exemples.

Ladj Ly

« J’encourage tous les jeunes à monter des listes » lance le réalisateur, qui a manqué à une époque de prendre la mairie de Montfermeil « à 150 voix près. » Si Ladj Ly a longtemps milité, son cinéma n’est pas un cinéma de solutions, mais un cinéma de problèmes. « Je ne suis le porte parole de personne » rappelle ce dernier, conscient néanmoins que son parcours éveille un espoir chez une jeunesse qui rêve de cinéma, sans venir de ce milieu. 

Dernièrement, Macron a commandé un énième plan sur les banlieues, qui a fini à la poubelle. Il n’y a pas de volonté politique pour changer les choses, c’est assez dramatique. […] Macron a vu Les Misérables, il a demandé à ses ministres de se positionner pour trouver des solutions. Et finalement rien n’a été fait, comme d’habitude.   

Ladj Ly

À ceux qui voient dans le cinéma de Ladj Ly une caricature des rapports entre le pouvoir et les habitants, le réalisateur rétorque: « Parfois la réalité dépasse la fiction […] Et aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il n’est pas bon de parler de la réalité.”»

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