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Charlotte Belaïch Olivier Pérou La meute AuPoste

«La Meute», ne Mélenchon pas tout

Avec Charlotte Bélaïch et Olivier Pérou, nous avons pris le temps ce lundi pour aller au fond des choses et de leur démarche. Nous avons essayé de comprendre ce que leur succès dit du monde politico-médiatique, pourquoi une bonne part de la gauche de gauche s’étrangle avant d’avoir lu la moindre page, pourquoi «La Meute» aborde si peu le fond et travaille tant les égos. Ce fut passionnant, et tendu, franc et direct.


Livre-événement, best-seller tout en haut de toutes les piles, prétexte médiatique à casser du LFI, objet vâchard, revenchard, et autrement plus précis que ce que la rumeur affirme, «La Meute» (Flammarion) est avant tout une enquête de deux ans. Ses auteurs, convoqués Au Poste pour la première fois, l’assurent dès les premières pages: Jean-Luc Mélenchon aurait cessé de leur parler quand il a eu vent de leur projet. Il leur parlait avant.


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« La France insoumise, c’est moi, et si vous n’êtes pas contents, partez ! » Cette phrase rapportée par Charlotte Belaïch claque comme un uppercut. Elle concentre, en quelques mots, l’esprit de l’émission. Deux journalistes — Charlotte Belaïch (Libération) et Olivier Pérou (Le Monde) — viennent présenter « La Meute », leur livre-enquête publié chez Flammarion sur les pratiques internes de la France insoumise. C’est un brûlot, affûté au fil de deux ans d’investigation : témoignages, messages internes, réunions, exclusions silencieuses. L’émiession, prévue sur deux heures, est écourtée de moitie sur un malentendu. Dès lors, la tension est de mise dès les premiers instants: il faut faire vite, il fraut trancher, quand Au Poste préfère approfondir, déambuler.

Dès les premiers échanges, le terrain est glissant. Dufresne interroge la posture des auteurs : Pourquoi cette retenue affichée de leur part («on ne fait pas de politique» avance Belaïch, «ce n’est pas un livre crituqe» assure Pérou)? Pourquoi ne pas assumer plus franchement la critique ? Charlotte répond, calme et ferme : « C’est fou qu’on doive encore se justifier pour avoir fait un travail journalistique. » Pérou insiste : ce ne sont pas des opinions, ce sont des faits.

Une enquête au cœur du pouvoir

Ils racontent un mouvement qui concentre les pouvoirs. Un fonctionnement qui marginalise ceux qui questionnent la ligne, même sans la contester frontalement. Dans les échanges internes, dans les boucles Telegram, dans les prises de parole coupées net, la verticalité devient méthode, et la critique, suspecte.

Le livre tire son titre d’une phrase de Jean-Luc Mélenchon lui-même. En réunion, il parle de « chasser en meute ». L’expression s’impose, elle devient concept. Elle donne à voir une logique politique. Celui qui ne suit plus est vu comme un traître. Pas comme un dissident. Pas comme un frère d’arme.

« Celui qui sort de la meute est vu comme un adversaire politique »
Olivier Pérou

Tension sur le plateau, tension dans le tchat

Les échanges sont tendus mais tenus. Chacun sent que quelque chose résiste. Les journalistes avancent prudemment, peut-être trop. Et le tchat ne s’y trompe pas. Il pousse, questionne, doute. Il critique leur retenue, leur choix de ne pas tout nommer. Il salue leur travail aussi, à d’autres moments. Le dialogue devient triangulaire. On parle à trois voix : auteurs, questions, public.

À plusieurs reprises, les questions s’accumulent : Pourquoi certains noms ne sont-ils pas cités ? Est-ce par loyauté ou par crainte ? Les auteurs invoquent l’anonymat promis, la rigueur de l’enquête. Mais la gêne affleure.

Le paradoxe insoumis

Ce que « La Meute » voudrait mettre au jour, c’est le paradoxe d’un mouvement fondé sur l’émancipation, et qui s’est structuré autour d’une forme de verrouillage. La critique interne ne serait pas permise, les désaccords pas mis en débat : ils sont gérés. Parfois effacés. Parfois mis à l’écart. Des figures emblématiques, parfois critiques, se retrouvent marginalisées. Pas pour trahison idéologique, mais pour un trop-plein d’indépendance.

« Mélenchon ne supporte pas la contradiction, même de ses proches »
Charlotte Belaïch

Ce qui ne se dit pas

Dans la dernière partie, les regards se croisent autrement. Il est question des silences du livre. De ces passages qui laissent deviner, sans tout dire. Jamais la tension n’aura vraiment quitté l’émission. Mais c’est justement cette tension qui la rend précieuse. À la fin, on  sait que tout le monde n’est pas d’accord. Mais que tout le monde a écouté.

Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par Rolland Grosso et la rédaction.

Après l’émission

il y a eu beaucoup de discussion sur les RS, par courriel, dans le Discord d’Au Poste. Sans parler des mille commentaires sur Youtube.

Florilège:

Je me permets de vous écrire suite au visionnage de l’entretien portant sur l’ouvrage « La Meute ». Je suis un spectateur assidu de votre média depuis un certain temps et je dois vous avouer ma déception face à ce dernier format qui, selon moi, n’était pas à la hauteur de l’excellence à laquelle vous nous avez habitué.

Je comprends que la contrainte de temps, que vous expliquez dans la seconde partie, a participé à rendre les discussions plus pressantes qu’à l’habitude mais il demeure toutefois un certain nombre de problèmes, et ce à plusieurs égards. J’ai eu le sentiment qu’il s’agissait d’un interview « polémique », éloignée de la bienveillance et de la lenteur réflexive qui constituent normalement la marque du format. Les auteurs n’ont pas vraiment pu présenter leur travail à cause d’une mise en posture défensive dommageable, les débats de fond ont été trop vite traités donc appauvris (la question du off, de l’analyse de la pratique politique versus idéologique…) et les commentaires semblaient finalement plus liés à la réception de l’ouvrage qu’à son contenu. J’ai trouvé par exemple assez déplacé les interpellations sur la question des VSS à LFI (« une autre époque » pour Coquerel, un « spécialiste de la police » pour Bernalicis), qui avaient un air de contradictoire mal préparé. Je crois comme vous que cet ouvrage questionne, c’est le moins que l’on puisse dire, mais j’aurais aimé qu’Au Poste soit précisément l’espace qui permette d’en débattre sereinement, sur le mode de la disputatio que vous maîtrisez si bien.

Voilà mes sentiments après ce visionnage qui n’enlève en rien la grande qualité de votre travail au quotidien, que je continuerai à suivre avec assiduité et admiration.

Je sais également le manque de moyens et le rythme acharné auxquels vous êtes soumis, ce message vise donc à donner un simple avis critique, en espérant qu’il saura vous trouver intéressé.

Bien à vous,

Léonard 

Sincèrement le temps m’a manqué. C’est l’attachée de presse qui a dit « on a une heure ». Je m’étais préparé pour 2.  J’aurais dû « faire mieux »: anticiper.

Davduf

Après la lecture du verbatim je reste encore sur une impression d’un livre qui n apporte pas grand chose sur les offs des partis politiques qui alimentent cet ouvrage, rien de bien nouveau sous le plafond de la salle des quatre colonnes Le fond n’y est pas souvent débattu il s´agit de faire du buzz pour alimenter les réseaux et les médias mainstream Au poste a essayé de donner un peu d’épaisseur mais trop de tensions sur le plateau et dans le chat dans un temps si court.

Rolland

Au Poste, d’une éthique, et du coup d’une correction irréprochable. Chapeau bas.

Lamantdagore

Je peux me tromper mais je pense que ce sont les invités qui avaient anticipé, à la fois tes questions sur le journalisme (investigation, utilisation du off, à charge, etc.) et l’agressivité dans le chat dont iels ont choisi les pires commentaires pour réagir (jamais les questions légitimes), et prévu donc d’asséner, dans un temps réduit de moitié au dernier moment par leur attachée de presse, leurs 3 éléments de langage: une pure enquête journalistique de 2 ans, LFI a un fonctionnement spécial pas en accord avec les valeurs de la gauche (ce qui voudrait dire en creux que le culte du chef et le mauvais traitement des VSS c’est normal ailleurs), et le fonctionnement sectaire autour de JLM se prouve aussi par les attaques de militants (dont l’agacement de voir la gauche sans cesse diabolisée dans les médias peut être compris). En tout cas je ne pense pas qu’une préparation et (/ou) un dispositif spéciaux soient des solutions, cela nuirait plus à Au Poste qu’autre chose. Mais il est clair aussi que quand le chat va trop vite parce que beaucoup de monde (et plein de messages qu’on ne verrait pas entre 9h et 11h le matin), il est impossible que les questions de plus de 10 mots ressortent du lot et cela demande un travail plus important pour les modos et celleux qui font remonter les messages du chat.

Supermurgman

Je comprends que le chat ait pu être agaçant. Mais en même temps ça fait 15 jours que les massmédia leur déroulent le tapis rouge sans contradiction, le chat avait besoin de vider son sac.

Je trouve que davduf a fait de son mieux dans le temps imparti, et probablement qu’une heure supplémentaire aurait permis de pacifier un peu les choses.

Mais au final, je ne comprends pas vraiment pourquoi ils ont accepté l’invitation… Ils avaient besoin d’une légitimisation de gauche ? C’est un peu naïf, je trouve.

KikiPasffuto

Je pense que pour les invités, le tchat était plus qu’agaçant. Il était rude. Aurais je dû l’anticiper? Est-ce que pour ce genre d’émission, il vaudrait mieux qu’on n’affiche pas le tchat aux invités et que je leur remonte seulement les questions (comme avant)? Question sincère. Alternative possible: on pourrait, en utilisant notre Glaudioapp, ne montrer que les messages remontés. C’est en effet une idée. Ça signifie qu’on voit avec @glaudioman comment faire et trouver quelqu’un pour remonter les questions.

Davduf

Je te remercie d’avoir invité les auteurs de La Meute, et d’avoir défendu ton choix de le faire à la fin de la vidéo. L’auto-critique est cruciale en ce moment. (…) Je comprends que tu ne sois pas aligné avec l’usage du OFF et je te remercie d’avoir donné du contexte à la fin de ta vidéo là dessus. En revanche je ne comprends pas l’insistance sur ce sujet pour ces journalistes en particulier. C’est pratiqué par la large majorité des journalistes contemporains, je trouve ça un peu injuste de les accabler eux deux de ce tort. Je trouve ça d’autant plus injuste au vu du nombre important de témoignages dans ce livre qui ne sont pas en OFF.

J’ai été particulièrement surpris par ton insistance à vouloir leur faire commenter la qualité du programme de LFI et la qualité du travail des hommes politiques incriminés. Je ne comprends pas le rapport avec le fond de leur enquête, à savoir les dysfonctionnements internes du parti. (…)

Je te remercie d’avoir relevé et dénoncé les commentaires dégueulasses sur le chat ce soir là, en particulier à l’encontre de Charlotte. Malgré le travail d’Euryale certains commentaires dénigrants et sexistes sont passés. C’était rempli ce soir là d’attaques ad-hominem ou de détournements de l’attention, sans aucune place pour l’écoute. Ça m’a un peu inquiété car je pensais partager des valeurs avec les spectateurs d’Au Poste. Ça remet un peu en doute pour moi la pertinence du chat que j’ai pu suivre sur d’autres entretiens. Peut-être que je n’y cherche moi-même que la confirmation de ce qui me convient.

Adrien

«On fait notre travail, on ne fait pas de politique !» La meilleure blague de l’année.

Francette

Bien qu’électeur convaincu de JLM (seulement depuis 2017,je précise), je suis persuadé que la plupart de ce qui est dit est vrai ou en tout cas a bien été rapporté par les uns ou les autres. Ma question porte plutôt sur le sens politique qu’on donne à ces faits. Il y a un postulat inconscient chez les 2 auteurs: celui qu’une organisation de gauche devrait être par essence vertueuse et sans contradictions (qui s’exprime chez les droitards par l’expression éculée « le camp du bien »). Mais justement, pour moi être de gauche aujourd’hui c’est comprendre que les travers de la société (sexisme, VSS, racisme, antisémitisme, bonapartisme « Ve république », violence verbale, clanisme, etc…) sont systémiques, transpartisans et présents dans toutes les couches sociales. On pardonnera donc aux militants et aux sympathisants comme moi de balayer tout ça: oui, il y a des problèmes à LFI, oui il faut en prendre conscience et tout faire pour améliorer la situation, non ces problèmes ne sont pas présents uniquement chez LFI mais dans tous les partis, non, ça n’est pas « plus grave » parce que ces problèmes apparaissent dans un parti de gauche. On aime pas LFI parce que ce serait une organisation vertueuse (elle ne l’est pas), mais parce que c’est une organisation qui travaille à la réussite d’un programme qu’on valide en grande partie. On aime pas Mélenchon parce que c’est un saint homme (il ne l’est pas), mais parce que c’est un politicien inspirant, intelligent et charismatique (ce qui est un atout dans le mauvais système de la Ve république). Les deux journalistes ont fait un travail sérieux, mais dans un angle qui ne me paraît pas pertinent politiquement (en tout cas, qui ne me fera pas changer d’avis sur ce mouvement, dans ses qualités et ses défauts). Comme dans toute organisation, la critique est mal reçue par la masse des commentaires. Les deux auteurs ont beau jeu de s’en plaindre, mais pas sûr que ça soit mieux ailleurs. Il faut quand même tenir compte du contexte: LFI bashé depuis des années, encore plus depuis le 7 octobre, et qui se mange le complément d’enquête + le livre + une commission parlementaire à peu près au moment où tout le monde prend conscience qu’ils avaient raison depuis le début sur Gaza… il y a de quoi faire perdre son sang-froid à n’importe qui. 

Arthur

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