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Le ministère des Armées l’a dans son collimateur. La journaliste Lavrilleux, ancienne correspondante pour plusieurs médias en Égypte, en a révélé une belle: l’armée française oeuvre en secret pour le compte de l’armée égyptienne en lui livrant du renseignement militaire. Le problème ? « Ils (l’armée égyptienne) s’en servent pour bombarder des civils soupçonnés de contrebande. La France a donc soutenu une campagne d’exécutions sommaires », explique l’enquêtrice. La journaliste publie en novembre 2021, avec trois de ses confrères de Disclose, une série d’articles incriminant l’État français à propos de cette opération, baptisée « Sirli ». Elle encourt une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Les autorités ne se fixent aucune limite
Lorsque Disclose publie ses conclusions sur l’opération en Égypte, la question se pose pour les autorités françaises de l’origine de la fuite d’information. La DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) mène alors l’enquête et ne se fixe aucune limite pour retrouver les sources de Lavrilleux.
Elle est ainsi prise en filature pendant un an et demi, avant qu’intervienne la fameuse perquisition, le 19 septembre, à six heures du matin, chez elle. Quand débarquent neuf agents des renseignements flanqués d’une juge d’instruction et de deux greffières, le choc est total. Les agents infiltrent ses ordinateurs, fouillent ses placards, récupèrent ses carnets de notes. Elle s’oppose à la saisie des pièces, mais rien n’y fait: la journaliste est placée en garde à vue pendant quarante heures.
« Au moins six enquêteurs vont être mobilisés pendant des mois pour éplucher mes comptes bancaires sur plusieurs années, suivre mes déplacements, en avion, en train. Mon téléphone va être géolocalisé en temps réel […]. Ils m’ont suivi, physiquement, allant donner des cours, faire des courses, prendre le tram ».
Ariane Lavrilleux
Pour Disclose, qui dénonce le détournement des moyens attribués à la lutte antiterroriste, « un nouveau cap est franchi dans les pressions exercées contre les journalistes qui enquêtent sur des affaires d’État ». Alors qu’elle est en garde à vue, elle est interrogée plusieurs fois par des agents de la DGSI. Contrainte d’y passer la nuit, elle raconte avoir subi diverses tentatives d’intimidation entre les murs de l’hôtel de police de Marseille. Mais au bout du compte, le dispositif policier n’aura servi à rien: « Ça n’a pas constitué d’indices graves et concordants dans cette enquête puisque je n’ai pas été mise en examen », explique la concernée.
« C’est hyper violent d’avoir autant de policiers chez soi et de découvrir qu’on est épiée à ce point. J’étais révoltée à la fois d’être la cible de ça et que les moyens de l’État servent à ça. Il y a des agents de la DGSI à qui on a dit: ‘Mettez ce dossier antiterroriste en pause, on a une journaliste à espionner’. C’est terrifiant ».
Ariane Lavrilleux
Face au secret des sources, l’État oppose le secret défense
Si à l’issue de sa récente convocation, elle n’a pas été mise en examen, le mal est fait: par principe, il y a bien eu atteinte au secret des sources. Des sources qui, pour certaines, sont, par crainte, déjà moins enclines à communiquer avec elle. Si son avocat, spécialiste du sujet, n’avait jamais vu autant de mesures coercitives déployées contre une journaliste, le cas d’Ariane Lavrilleux n’est pas unique: « C’est déjà arrivé à d’autres et ça risque de se multiplier si le cadre légal ne change pas » témoigne-t-elle. Elle précise que depuis 2010, 27 journalistes ont été convoqués par la DGSI.
« On est des justiciables comme tout le monde, mais on a des protections supplémentaires pour protéger les personnes qui nous informent. On n’a pas le droit de nous forcer à révéler nos sources. C’est un droit fondamental qui vise à protéger les personnes qui prennent des risques. »
Ariane Lavrilleux
Pour agir et se prémunir de révélations, l’État revendique la protection du secret défense. « Le problème, c’est que beaucoup de choses sont secret défense », nuance l’enquêtrice, qui dénonce un usage galvaudé. Mais s’il est présenté par les autorités comme étant absolu, le secret défense ne l’est pas. Il est consacré dans la constitution à un niveau supérieur à la sécurité des sources, mais la liberté de la presse est protégée par la loi de 1881 qui fait partie du bloc de constitutionnalité.
Qu’Ariane Lavrilleux soit ressortie de sa convocation sans mise en examen est donc une victoire en soi du droit à l’information. Implicitement, le tribunal judiciaire de Paris reconnaît son travail journalistique comme étant d’intérêt public. « C’est une manche remportée contre le secret défense […] et une manière de redonner confiance à la profession », conclut-elle.
Au final, les actions des autorités auront eu pour conséquence de booster la carrière de Lavrilleux, maintenant à temps plein dans l’investigation qui a bénéficié d’un sacré coup de projecteur. Justement, ce lundi, plus de 80 organisations de presse, syndicats et une série de médias demandent au gouvernement de « garantir la protection du secret des sources ». Depuis la loi Dati, il est en effet possible de lever ce secret en invoquant un « impératif prépondérant d’intérêt public », qui est mal circonscrit. « Il est impératif de restreindre le champ » de cette notion, soulignent les organisations signataires. Oui, il y a urgence.
Disclose, tout comme Au Poste, est un média en accès libre qui subsiste grâce aux dons. Il est spécialisé dans l’investigation au long cours et se concentre sur certaines thématiques d’intérêt général: la délinquance financière, le changement climatique, les libertés fondamentales… Il met en outre à disposition du public des outils à destination des lanceurs d’alerte.
Ariane Lavrilleux était convoquée, vendredi 17 janvier 2025, en vue d’une possible mise en examen pour « appropriation et divulgation d’un secret de la défense nationale ». En cause, une enquête à laquelle elle a participé avec trois autres journalistes sur une opération des renseignements français pour le compte de l’armée égyptienne. Les informations produites par la France ont conduit à l’exécution arbitraire de centaines de civils égyptiens, le tout sur fond de vente d’armes.
L’expression encadre des sujets et des documents gouvernementaux auxquels les accès sont restreints pour préserver les intérêts et la sûreté de l’État. Ils sont par conséquent hors de portée du public. En France, la définition est très large et peu précise, ce qui facilite son application, considérée par certains comme abusive. Par exemple, Mediapart révélait en décembre 2024 qu’en 2022, le milliardaire Bernard Arnault avait demandé à ce que son dossier fiscal soit classé secret défense, échappant ainsi au contrôle parlementaire.
Depuis 2010, c’est la loi Dati qui régit le secret des sources. Son application, largement contournée, a eu pour conséquence de rendre possible de lever le secret des sources au prétexte d’un « impératif prépondérant d’intérêt public ». Les organisations coalisées demandent une restriction du champ de cette notion, réclament que tout acte d’investigation à l’encontre de journalistes soit approuvé préalablement par un juge indépendant et un élargissement des personnes concernées par le secret des sources.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est un texte fondateur définissant les libertés et responsabilités de la presse en France. Inspirée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle contribue à garantir la liberté d’expression tout en imposant un cadre légal aux publications.
- propagande https://bsky.app/profile/arialavrilleux.bsky.social/post/3lfyuxebdf22v & https://bsky.app/profile/auposte.fr/post/3lfwda6d7pg2x & https://bsky.app/profile/personnetoulemonde.bsky.social/post/3lfwe3dalkc2f
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- Secret des sources: la journaliste de Disclose Ariane Lavrilleux convoquée par la justice https://disclose.ngo/fr/article/secret-des-sources-la-journaliste-de-disclose-ariane-lavrilleux-convoquee-par-la-justice
- CNCTR | La Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement https://www.cnctr.fr/
- Secret défense : la journaliste Ariane Lavrilleux annonce échapper à des poursuites par Amaelle Guiton https://www.liberation.fr/economie/medias/secret-defense-la-journaliste-ariane-lavrilleux-annonce-echapper-a-des-poursuites-20250117_A2NPMBTXWRBX3GDMA72MDYZM5Y/
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- Réformer la loi sur le secret des sources https://bsky.app/profile/arialavrilleux.bsky.social/post/3lfw7r4p5ys2b
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- « Tout ça pour un article qui n’a absolument pas mis en péril la sécurité nationale, qui n’a pas mis en danger des militaires » https://bsky.app/profile/tristanlescot.bsky.social/post/3lfxr3y2h3k2h
- Moi, désobéir ? L’ombre d’un doute https://louiemedia.com/travail-en-cours/lombre-dun-doute
- SOS Chrétiens d’Orient, une ONG française au service du régime syrien https://www.mediapart.fr/journal/dossier/international/sos-chretiens-d-orient-une-ong-francaise-au-service-du-regime-syrien
- En Biélorussie, les sous-traitants d’Ikea profitent du système répressif de la dictature https://disclose.ngo/fr/article/bielorussie-sous-traitants-ikea-profitent-du-systeme-repressif-de-la-dictature