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Jeu #Antifa retiré: le monde du jeu est-il dépolitisé ?

Censurer «Antifa le jeu», en le décrédibilisant parce que jeu, était-ce une façon de « dépolitiser un domaine de la vie publique » ? Le point de vue de Romaric Briand, responsable de La Cellule.

En complément de l’émission sur le retrait par la Fnac d’Antifa, le jeu avec Hervé (concepteur du jeu), Charlotte et Nicolas (éditeurs de Libertalia). Romaric Briand (auteur indépendant de jeux de société, de jeux de rôle, podcasteur) était au Poste pour donner sa version des faits : quelques précisions sur le traitement médiatique de cette affaire et le monde du jeu.

Après avoir publié un article sur son site La Cellule : AntiFa, un échec collectif pour le monde du jeu, dans lequel il tentait d’élargir la focale avec ce constat : « Nous avons réduit cette polémique à une lutte entre la police et les libertaires, à une censure des idées libertaires par l’extrême droite. » Romaric Briand questionne le médium visé, en l’occurrence un jeu et ce que cela implique selon lui : « dépolitiser un domaine de la vie publique. » 

Dans cette affaire, le créateur de jeu indépendant, souligne que le mot jeu est mis entre guillemets, afin d’en dévaloriser le contenu, et provoquer son retrait, ce qui n’aurait pas eu les mêmes effets pour un livre. 

Romaric Briand explique que cette déconsidération du jeu entraîne des attaques sur son parti pris subversif et politique (notamment son emballage), ce qui a provoqué la réaction de la Fnac. L’auteur nous raconte qu’au cœur de cette controverse, il y a un débat autour de la conception du jeu : loisir (au sens du divertissement pascalien) ou média (être un loisir qui défend des idées, soulève des questions existentielles, et suscite des émotions). 

Romaric Briand prend l’exemple de jeux indépendants tel que Dog Eat Dog de Liam Niwanag Ce jeu parle de discrimination, plus particulièrement du pouvoir oppressif d’un groupe de colonisateurs sur un peuple colonisé. ou encore TACEO du projet-EvasionsJeu de société où l’on doit résister à un interrogatoire de police., pour décrire des mécaniques de jeu, tout aussi militantes, dans lesquelles les parties deviennent centrales car motivées par un objectif précis dont le propos ou la cause est important pour celles et ceux qui y participent. 

Par ailleurs, il nous explique la différence en terme de design éditeur, entre des jeux créés comme des produits, en fonction d’un marché, orienté vers un public type et se voulant ludique, et des jeux plus philosophiques et citoyens, soutenus par un fondement politique. Un contexte qui en conséquence engendre une dépolitisation du jeu : « si on avait défendu le jeu comme un média, on aurait pas eu ce genre de censure, puisqu’il n’y a pas de censure sur un livre libertaire. »

La critique de Romaric Briand porte surtout sur la défense du jeu et déplore le manque de réactions de la part des acteurs du métier, alors que pour lui, c’est un objet culturel qui s’étiole peu à peu : « dans sa volonté de se présenter comme un divertissement, c’est-à-dire dans sa fuite des questions existentielles ou politiques au lieu de se présenter comme un média le jeu s’est apolitisé, il s’est décrédibilisé. »

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