Il publie ces jours ci un livre court et incisif, «La dernière guerre ? Palestine, 7 octobre 2023 – 2 avril 2024» (Tracts/Gallimard). Dans ce texte d’intervention, il surnomme son peuple «les Peaux rouges de Palestine», et Gaza, une «Réserve indienne» dont le sort est connu. Hier le bilan de la guerre à Gaza a dépassé les 35 000 morts et les 78 000 blessés, selon le Hamas.
«La dernière guerre ?» commence par ces mots, en écho à ceux de l’écrivain Amos Oz («aidez nous à divorcer»): «Pour divorcer, il eût fallu avoir été déjà mariés, quand ce conflit était né dans l’impossibilité même d’une union.»
Elias Sanbar a accepté notre convocation #AuPoste et c’est un honneur.
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La rencontre en quelques mots
Elias Sanbar a quatorze mois quand lui et les siens sont forcés à l’exil, de Palestine vers Beyrouth. En pleine guerre entre populations juives et arabes, à la veille de la proclamation de l’État d’Israël, l’année 1948 reste dans la mémoire collective palestinienne gravée sous le nom de Nakba, « catastrophe ». L’État d’Israël est proclamé en mai de cette année, et au sortir de la guerre, environ 80% de la population palestinienne a fui ou a été chassée de son territoire, quand ils n’ont pas été massacrés.
Infatigable conteur, l’historien nous propose de cheminer entre souvenirs personnels, éléments d’Histoire, analyses politiques de ce qu’est le moment du conflit pour la Palestine que nous vivons.
La Nakba
Parce qu’il s’agit bien, avant même la théorisation du sionisme, d’un conflit pour le territoire de Palestine. La question du re-venir en Palestine se pose pour les Juifs dès le XIXe siècle, avec la forte montée de l’antisémitisme en Europe et le besoin de trouver une terre dans laquelle ils seront en sécurité. Le sionisme tel qu’exprimé par Theodor Herzl à la toute fin du siècle vient étayer cette idée de terre des Juifs, en lui donnant la forme d’un État-nation d’inspiration occidentale : un territoire avec ses frontières, sa langue, sa culture, sa religion. Le choix de la Palestine, ou Sion, est guidé par la tradition juive et cimente ainsi le récit sioniste dans toutes ses composantes. Les Arabes palestiniens, par leur seule existence et présence sur ce territoire, représentent alors un danger fondamental pour le projet (1).
Les sionistes menèrent en 1948 une guerre fondée sur un droit divin et absolu, qui leur octroyait un droit de présence exclusive, qu’ils défendaient avec la conviction de jouir d’une moralité absolue. Ils furent en cela aidés par le fait que la création de l’État d’Israël, au lendemain de la guerre et de la défaite de la barbarie nazie, était pour une grande partie du monde l’expression d’un bien absolu. La naissance d’Israël n’était-elle pas la réponse adéquate au mal absolu qu’était le nazisme ? […] C’est sur cette histoire d’absolu que Deleuze m’a le plus éclairé. Il m’a rendu méfiant vis-à-vis de tous les absolus.
Elias Sanbar
Sous mandat britannique, le territoire est le théâtre de frictions entre les deux populations dès 1896. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’immense tragédie que fut la Shoah précipite les événements pour la Palestine. Le projet sioniste est vu d’un bon œil par des puissances occidentales qui culpabilisent, et en même temps trop heureuses de pouvoir externaliser le problème. Le 29 novembre 1947, l’ONU approuve un plan de partage de la Palestine dans lequel un État juif est crée sur 56% du territoire. La guerre civile éclate immédiatement, et tourne rapidement au désavantage des Arabes palestiniens, contraints à l’exil. Les britanniques cessent leur mandat et quittent le territoire six mois plus tard, le 15 mai 1948. L’État d’Israël devient une réalité.
À propos de l’exode des Palestiniens, Elias Sanbar dénonce « une forme de trahison complète » par les nouveaux régimes arabes voisins, fabriqués par les anciens colons britanniques et français dans la région. Mais, au-delà du jeu artificiel des nations, le fait palestinien a su perdurer à travers sa diaspora dans la mesure où les Palestiniens ont été « expulsés chez eux » : les pays voisins, le Liban, la Syrie, la Jordanie partagent une langue, une culture communes, une « arabité » commune finalement.
Les Palestiniens qui arrivent [dans les pays voisins, en 1948] sont accueillis avec une solidarité magnifique par les peuples, mais une terrifiante inquiétude par les pouvoirs, que ces perturbateurs vont changer un ordre des choses qui vient à peine d’être constitué.
Elias Sanbar
Le génocide en cours
Elias Sanbar a le « sentiment d’être revenu à une case départ » depuis le 7 octobre 2023. Le conflit actuel est le premier à présenter les trois caractéristiques de la guerre civile de 1947-1948 ayant précédé la proclamation de l’État d’Israël : c’est à la fois un conflit qui ne met en jeu que les communautés juive et palestinienne, qui s’étend à tout le territoire palestinien, et qui représente un enjeu existentiel pour les deux belligérants. Comme en 1948, Israël ne propose à la population palestinienne rien d’autre que « l’absence ou la mort ». À la différence qu’aujourd’hui, les Palestiniens ont compris que le départ est sans retour.
Si cette population était persuadée que pour vivre ou survivre, il fallait qu’elle bouge, elle aurait traversé la frontière d’Égypte – il y a eu beaucoup d’appels en ce sens. Qu’est-ce qui fait qu’ils ne bougent pas ? Ils ont compris ce qui nous est arrivé. Quand vous partez comme ça, vous ne revenez pas.
Elias Sanbar
Membre de la délégation palestinienne à la conférence de Madrid en 1991 et aux rencontres suivantes ayant débouché sur les accords d’Oslo en 1993, Elias Sanbar connaît parfaitement les enjeux diplomatiques autour de la résolution du conflit. Il relève que pour la première fois, avec la saisie de la Cour Internationale de Justice par l’Afrique du Sud, « les Suds » prennent en main la défense des droits fondamentaux, là où les pays du Nord ont jusque là donné la règle pour mieux la contourner au besoin. Son analyse nous éclaire sur le cynisme et l’incohérence des positions des États-Unis, des puissances européennes dont la France. Constatant l’échec des accords de Madrid et d’Oslo il y a plus de trente ans pour garantir la paix, il se montre méfiant vis-à-vis de la solution à deux États « présentée comme le Graal ». Le mal est plus profond qu’un nombre d’États : tant que le fait colonial y reste autorisé, il n’y aura pas de paix en Palestine.
J’ai le sentiment qu’Israël est en train d’aller à sa perte, de façon consciente ou pas. […] Est-il encore possible pour Israël de remplacer le « toi ou moi » par le « toi et moi », c’est-à-dire de recommencer à penser qu’il faut l’égalité – sans égalité, il n’y a pas d’accord – mais également que si ils vont vers la justice, ça ne signifie pas leur disparition.
Elias Sanbar
[1] Être juif et de gauche dans la France d’aujourd’hui – Au Poste – 13 mai 2024 – https://www.auposte.fr/etre-juif-et-de-gauche-dans-la-france-daujourdhui/
Trois questions clés
Elias Sanbar a publié «La dernière guerre ? Palestine, 7 octobre 2023 – 2 avril 2024» dans la série Tracts chez Gallimard.
Elias Sanbar est un historien, traducteur et essayiste palestinien installé en France. Militant pour la paix, il a à plusieurs reprises occupé des fonctions diplomatiques pour la Palestine auprès de l’ONU et des institutions internationales, ayant notamment participé aux accords de Madrid en 1991.
Les accords d’Oslo contiennent la « reconnaissance des droits politiques mutuels et légitimes » des deux communautés, et posent le cadre d’un processus de paix ainsi que d’un auto-gouvernement temporaire des régions palestiniennes de Gaza et de la Cisjordanie. Les accords n’ont jamais réellement été appliqués par la suite.
- propagande https://twitter.com/AuPoste1/status/1788512234186133596 & https://twitter.com/davduf/status/1788982888668581930 & https://twitter.com/davduf/status/1786788868387184761 & https://twitter.com/AuPoste1/status/1789762414952464581 live complet https://video.davduf.net/w/1NThX1uKZTf1jVh9APGf2z
- Elias Sanbar https://fr.wikipedia.org/wiki/Elias_Sanbar
- La dernière guerre? – Palestine, 7 octobre 2023-2 avril 2024 par Elias Sanbar https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/La-derniere-guerre
- Tribune – “La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes” 10 avril 2024 https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/10/la-france-doit-interdire-le-commerce-avec-les-colonies-israeliennes_6226984_3232.html
- Figures du Palestinien – Identité des origines, identité de devenir par Elias Sanbar https://www.folio-lesite.fr/catalogue/figures-du-palestinien/9782073070913
- SentierBattant: Sur cette période regarder le film “Les Dupes” du réalisateur syrien Tewfiq saleh https://youtu.be/ZCY19ge1OFI
- Éloge de la différence et anti-universalisme par Jean-Jacques Cambier https://www.leddv.fr/analyse/eloge-de-la-difference-et-anti-universalisme-20211012
- Gilles Deleuze https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Deleuze
- Deux régimes de fous – Gilles Deleuze sur Israël et la Palestine 1983 https://blogs.mediapart.fr/yvan-najiels/blog/030814/gilles-deleuze-sur-israel-et-la-palestine-dans-deux-regimes-de-fous-1983
- Gideon Levy https://fr.wikipedia.org/wiki/Gideon_Levy
- Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le conflit israélo-palestinien, à Paris le 7 février 2017 https://www.vie-publique.fr/discours/202114-declaration-de-m-francois-hollande-president-de-la-republique-sur-le
- Tweet énervé https://twitter.com/davduf/status/1787925461751730226
- Opération 20000 abonnés Youtube https://twitter.com/AuPoste1/status/1789590468969259218