Convoqué : Rancière Jacques
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Philosophe
Jacques Rancière est un philosophe français et professeur émérite de l’université Paris VIII. « Intellectuel total » aux approches multiples, il a joué un rôle central dans le développement des pensées critiques contemporaines, notamment sur des sujets comme l’émancipation ouvrière, l’égalité des intelligences, la démocratie radicale ou le partage du sensible.
Élève du marxiste Louis Althusser à l’ENS, il participe au fameux ouvrage Lire le Capital (Maspero, 1965). Après Mai 68, critique de l’élitisme des intellectuels marxistes, il s’éloigne de son mentor. Au début des années 1970, il enseigne à l’université expérimentale de Vincennes aux côtés de Foucault et Badiou. En 1975, il cofonde le collectif des Révoltes logiques, s’éloignant de l’approche structurelle et théorique pour s’intéresser aux groupes marginalisés. Parmi ses ouvrages incontournables, sa thèse, La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier (Fayard, 1981), où il conteste déjà la division traditionnelle entre ceux qui seraient destinés à penser et ceux qui seraient destinés à exécuter ; Le Maître ignorant (Fayard, 1987) où il défend l’égalité des intelligences ; Le Partage du sensible (La Fabrique, 2000) où il en voit en l’esthétique est un puissant outil politique qui transforme les perceptions et les relations sociales en rendant visibles des expériences et des voix jusqu’alors marginalisées.
En janvier 2022, venu prendre le café Au Poste pour discuter de son dernier ouvrage Les Trente inglorieuses (La Fabrique), il revient avec nous sur les “scènes politiques” des dernières années (1991-2021) et l’abandon, par les élites de gauche, de la démocratie aux “pouvoirs de droite et idéologies d’extrême-droite”. Un vrai moment “d’éducation populaire” autour de plus de trois cent personnes.
C’est que, dans ses travaux, comme La Haine de la démocratie (2005, La Fabrique) Rancière propose une vision radicale de la démocratie : une activité constante de contestation des inégalités et qui se manifeste par l’égalité de tous à participer aux décisions publiques. Il critique le mépris croissant des élites intellectuelles et politiques envers la démocratie et analyse comment elles perçoivent l’égalité et la participation populaire comme des menaces pour l’ordre social établi – d’où la réduction de la démocratie à des procédures électorales et des citoyens à de simples consommateurs ou observateurs, minimisant ainsi son potentiel émancipateur. Envers cette haine de l’égalité, il défend la capacité de chacun à contribuer à la connaissance collective et l’importance de l’accès universel au savoir.
De ce café avec lui, souvenons nous : «Ici, Au Poste, on met un peu de trouble dans l’ordre dominant».
- Dernier ouvrage : Les voyages de l'art
- Editeur : Seuil
- Année de parution : 2023
«Au Poste, on met un peu de trouble dans l’ordre dominant» — Jacques Rancière
On prend le café avec le philosophe pour ses « scènes politiques, 1991-2021 » (La Fabrique) : « Il y a trente ans les augures annonçaient le triomphe mondial de la démocratie et l’avènement d’un âge consensuel où la considération réaliste des problèmes objectifs engendrerait un monde apaisé. Si ces belles espérances ont été cruellement démenties, ce n’est pas seulement par l’agression de forces externes. C’est de l’intérieur que le consensus s’est révélé comme la violence d’un capitalisme absolutisé et comme une machine à fabriquer toujours plus d’inégalité, d’exclusion et de haine. » Un Vrai moment d’éducation populaire. Jusqu'à ce que le philosophe lâche: «Ici, Au Poste, on met un peu de trouble dans l'ordre dominant»
19 janvier 2022