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Convoqué : Artières Philippe

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Historien chercheur
A la Contemporaine (Nanterre), nous avons retrouvé  les deux  co-commissaires  Franck Veyron conservateur  archiviste et l’historien Philippe Artières pour une visite guidée de leur exposition, Ripostes. 
Philippe Artières n’est pas un historien comme les autres. Né en 1968, il n’a jamais choisi les sentiers battus de la discipline. Là où beaucoup scrutent les grandes dates et les figures de pouvoir, lui tend l’oreille aux voix silencieuses, aux existences effacées, aux fragments d’écriture trouvés dans les marges des archives. Son terrain, ce sont les murs des asiles, les cellules des prisons, les papiers griffonnés des internés. Il ne cherche pas à faire parler l’Histoire en majuscules, mais à faire entendre ce que le récit dominant a négligé.
Formé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puis à l’École des hautes études en sciences sociales, il consacre sa thèse à l’écriture dans l’expérience de l’enfermement au XIXe siècle. Très tôt, il adopte une méthode qui le caractérise : travailler à partir de traces mineures, sans les surinterpréter, en leur laissant leur part de silence. Son intérêt se porte sur les dispositifs de contrôle, les institutions disciplinaires, mais toujours à hauteur d’individu. Il questionne : qui a le droit de parler ? Qui peut écrire sa propre vie ? Ses recherches sont traversées par une tendresse pudique envers celles et ceux que l’histoire officielle a ignorés.
Entré au CNRS en 2001, il est aujourd’hui directeur de recherche  au CNRS au sein de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) à l’EHESS (Paris). Il a été pensionnaire de la Villa Médicis, Académie de France à Rome (2011-2012) il remporte le Grand prix SGDL de la non-fiction en 2021. 
Il y mène un travail à contre-courant, entre histoire des sensibilités, anthropologie de l’archive et sociologie du quotidien. il ne se cantonne pas au monde académique : il collabore avec des artistes, des écrivains, des vidéastes, dans une approche du savoir comme art du montage, où les fragments font récit.
Son lien avec Michel Foucault est fondamental. Il a coédité avec Daniel Defert et François Ewald les Dits et Écrits, participé à la publication des cours au Collège de France, et préside le Centre Michel Foucault. Mais il ne s’agit pas pour lui de répéter Foucault : il prolonge son geste, en alliant rigueur théorique et attention concrète aux archives, aux objets, aux écritures ordinaires.
Son œuvre, marquée par une prose tendue, sobre, toujours accessible, comprend des ouvrages devenus essentiels. Tous interrogent les normes, les violences administratives, les formes d’existence que l’appareil d’État tente de contenir ou de faire taire.
Il enseigne, dirige des séminaires, accompagne de jeunes chercheurs, mais toujours en résistant aux injonctions de performance et de médiatisation. Il préfère la lenteur des archives à la vitesse du commentaire. Historien discret, mais engagé, il a su construire une œuvre profondément politique sans jamais hausser le ton, en donnant la parole à ceux qui ne l’avaient pas. Il n’a pas fait de bruit pour lui-même, mais ses livres résonnent, durablement.
Ouvrages principaux
Clinique de l’écriture. Une histoire de la psychiatrie au XXe siècle (1993, réédité en 2013, La Découverte
La police de l’écriture (2010, La Découverte)
Des vies enfermées. Les écritures carcérales au XIXe siècle (avec Michelle Zancarini-Fournel, 2004, Autrement)
Vies et morts de Paul Gény (2013, Le Seuil)
Le dossier sauvage (2021, Le Seuil)
La consommation dangereuse. Une histoire des drogues au XIXe siècle (2016, Payot)
Méchamment le peuple (avec Mathieu Riboulet, 2013, Verdier)
Archives de la folie. Trésors de l’hôpital du Bon Sauveur de Caen (dir., 2017, Les Presses du Réel)
La voix au chapitre. Une histoire de l’Assemblée nationale (avec Jean-François Chanet, 2018, La Documentation Française)
Michel Foucault, Dits et Écrits (1994, rééd. Gallimard, Quarto, 2001)
Participation à l’édition des Cours au Collège de France (Gallimard/Seuil)
Les co-commissaires: Philippe Artières, historien des XIXe et XXe siècles au CNRS (IRIS, EHESS) & Franck Veyron, responsable du département des archives de La contemporaine.
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«Ripostes! Archives de luttes et d’actions, 1970-1974» Visite guidée expo

C'est à un voyage dans le temps qu'Au Poste vous convie. Dans les «Archives de luttes et d’actions 1970 - 1974», auprès des immigrés, des violentés par la police, des maos et des situs, des gauchos et des anarchos, de Libé naissant et des utopies en armes. L'expo - superbe, faite de livres, de tracts, de calepins, d'affiches - se tient à la Contemporaine (Nanterre).
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