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Ritchy Thilbault, Lise Foisneau, Dylan Schutt & Anina Ciuciu #AuPoste

Identifier et combattre l’antitsiganisme

Le 16 Mai 1944, les hommes et les femmes du « camp des familles tziganes » d’Auschwitz II-Birkenau se soulèvent. Dans le cadre de la fête de l’insurrection gitane, Ritchy Thibault nous invite à identifier et combattre l’antitsiganisme.

Avec notamment Lise Foisneau, anthropologue, chercheuse au CNRS, dont les recherches portent sur les persécutions “anti-nomades” et la résistance des collectifs voyageurs et romani. Dylan Schutt, Sinto, militant contre l’antitsiganisme et engagé dans l’association La voix des Roms. Anina Ciuciu, autrice de l’ouvrage ”Je suis Tsigane et je le reste”, avocate du collectif Da So Vas et marraine du collectif École Pour Tous.
Et concert du rappeur manouche Baro Syntax.

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La rencontre en quelques mots

La communauté romani, plus grande minorité ethnique d’Europe avec environ 12 millions de personnes, est une mosaïque de peuples, de langues, de cultures et d’histoires qui n’ont parfois pas grand chose à voir entre elles, notamment dans leur rapport à l’espace européen. Ce qui les unit – mis à part une lointaine origine commune dans le sous-continent indien – tient finalement plus du regard que les sociétés « occidentales » leur portent. Elles vivent une même situation de stigmatisation, d’invisibilisation et de violation de leurs droits les plus fondamentaux. Cette situation découle d’une longue histoire, séculaire, faite de persécutions, d’expulsions, de discriminations mais aussi de résistances, atteignant son paroxysme pendant la Seconde Guerre Mondiale, où les populations romani ont subi un génocide encore largement ignoré.

La célébration du 16 mai 1944 devient un symbole de puissance et de vitalité de la communauté romani, en tant que sujet politique. C’est un moyen de « donner une définition active de sa résistance et construire son combat dans le présent », selon Anina Ciuciu. Lise Foisneau complète : « Le 16 mai, c’est le jour du refus catégorique des Roms et des Sintés de mourir ».

En tant que jeunesse romani, c’était extrêmement difficile de se construire, et d’être dans l’action, uniquement à partir d’une image de victime. Avec ce qui va avec, l’image d’un État salvateur qui serait venu sauver ces victimes des actes horribles qu’elles ont subi ; ce qui, malheureusement, ne correspond pas à la réalité, puisqu’à la fin de la guerre, il y a eu une continuité de ces persécutions contre les personnes d’origine romani.

Anina Ciuciu

Les témoignages de Dylan Schutt, d’Anina Ciuciu et de Lise Foisneau ouvrent une fenêtre trop rare dans l’espace médiatique sur la réalité d’être romani dans notre pays, hier comme aujourd’hui. En France, depuis 1926, ceux que l’on a appelé les « nomades » et désormais les « » sont couverts par un statut administratif à part, banalisant les mauvais traitements qui leur sont accordés. Avant-guerre, les communautés voyageuses vivaient sous le coup d’une suspicion de criminalité permanente : pointage à la gendarmerie, fichage systématique dès la naissance. C’est ce même fichier qui sera utilisé par les polices française et allemande pour les interner massivement pendant la guerre, dans des camps comme ceux de Linas-Montlhéry ou de Montreuil-Bellay. Nombre d’entre eux vont s’insurger, rejoindre la Résistance et les corps d’armée de libération. Cette insoumission des peuples romani s’incarne dans la figure de Raymond Gurême, interné et évadé à de multiples reprises en France comme en Allemagne avant de devenir résistant, et ayant par la suite consacré sa vie à la lutte contre l’antitsiganisme.

Encore de nos jours, l’antitsiganisme est structurel, c’est-à-dire qu’il se traduit dans la loi et dans les institutions. Les violences policières, le manque d’accès à la justice, à la santé, le refus des maires d’inscrire à l’école les enfants issus de communautés voyageuses, le environnemental qui caractérise les aires d’accueil dont 90% sont en zone polluée ou subissant de fortes nuisances, font partie des symptômes du statut de sous-citoyens qui est le leur. « Quand on parle d’antitsiganisme, on dit concrètement que des enfants sont privés d’avenir », dépeint Anina Ciuciu. Des associations comme Da So Vas, dont elle est l’avocate, et La Voix des Roms dans laquelle Dylan Schutt est engagé, portent une voix importante pour visibiliser ces luttes. Les soutenir, s’informer, repenser nos regards, interpeller les représentant.e.s de la Nation sont des premiers pas pour contrer l’antitsiganisme, la forme de racisme qui recule le moins.

Trois questions clés

Que s’est-il passé le 16 mai 1944 ?

Le 16 mai 1944, ou à une date proche, les Roms et Sintés internés dans le « camp des tziganes » d’Auschwitz II-Birkenau ont refusé de sortir de leurs baraquements, faisant reculer les SS venus pour les évacuer en vue de leur liquidation.

Qu’est-ce que l’association Da So Vas ?

Face au durcissement des politiques de la métropole lilloise à l’égard des communautés voyageuses, l’association Da So Vas est fondée par des femmes vivant sur l’aire d’accueil d’Hellemmes-Ronchin, qui se battent pour l’amélioration des conditions de vie sur les terrains d’accueil.

Qu’est-ce que le collectif La Voix des Roms ?

La Voix des Roms est une organisation antiraciste fondée en 2005 par des étudiants roms de différentes nationalités, qui dénonce le racisme structurel que subissent les roms et les communautés voyageuses. Elle œuvre notamment aux côtés de jeunes en difficulté pour faire valoir leurs droits, et propose des actions pour perpétuer la mémoire de l’histoire romani et des persécutions que ces populations ont subi.

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