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Meriem Laribi #AuPoste

Gaza, la faillite des médias

« Gaza, le génocide et les médias ». Ce sous-titre claque comme un défi : celui que lance Meriem Laribi, journaliste indépendante, dans Ci-gît l’humanité (Éditions Critiques). Invitée d’Au Poste, elle raconte son engagement radical — au sens étymologique — dans une année de feu. Dès le 7 octobre 2023, elle documente chaque jour ce que la plupart des médias français taisent ou minimisent. Mieux : elle va confronter les porte-paroles du pouvoir sur leur propre terrain, à l’Élysée, au Quai d’Orsay, face caméra. Et si c’était ça, le vrai journalisme politique ?

« Je ne viens pas à l’Élysée pour faire la cour à un porte-parole. Je viens poser des questions. » Meriem Laribi n’a pas de bureau à Matignon, pas de badge presse permanent, pas d’oreillette reliée à une chaîne info. Ce qu’elle a, c’est une carte de presse, un courage têtu, et une colère froide face à ce qu’elle décrit comme « la faillite morale et professionnelle de la presse française » dans sa couverture du massacre de Gaza. Et surtout : une volonté farouche de ne pas se taire.

Dans Ci-gît l’humanité, elle raconte à la première personne une année de guerre, d’effondrement médiatique et de dissidence journalistique. Un journal de bord précis, documenté, porté par un regard anticolonial assumé. Dans l’émission, l’échange avec David Dufresne est dense, frontal, émouvant, souvent révoltant — et toujours salutaire.


L’extrême droite qui rafle la mise, partout. Les libertés fondamentales attaquées de toutes parts. Une gauche de gauche à reconstruire. Plus que jamais une presse réellement indépendante, et pas pareille, est nécessaire.

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Gaza, question taboue à l’Élysée

Tout commence le 12 décembre 2023. Meriem Laribi, poussée par l’urgence de la situation et inspirée par l’exemple d’un journaliste palestino-américain à Washington, s’accrédite au point presse de l’Élysée. Elle y entre sans illusion, mais avec la ferme intention de faire son travail : poser des questions précises, documentées, tenaces.

« Vous venez ici que pour faire des capsules vidéo », lui lancera plus tard une consœur excédée. À cela, elle répond simplement : « Ce n’est pas un talk-show, c’est une conférence de presse. » Dufresne applaudit : au fond, c’est ça, sa vraie prise de parole politique.

Avec Cemil Şanlı, autre journaliste indépendant elle va former un duo détonant. Relances, confrontations, refus du gloubi-boulga gouvernemental. Et rapidement, les représailles : remarques acerbes, regards noirs, caméras coupées. « Un ami m’a écrit : “On ne vous voit plus.” C’est là qu’on a compris : ils ont débranché l’image. »

Double standard et déshumanisation

Ce que l’émission révèle, c’est ce gouffre. Ce deux poids, deux mesures. Ce double standard médiatique et politique que Meriem Laribi démonte méthodiquement : « Ce n’est pas la complexité du conflit qui empêche de parler de Gaza, c’est la volonté d’invisibiliser. »

Elle rappelle ce moment où le gouvernement interdit toute manifestation pro-palestinienne au nom d’un « délai de décence ». Deux mois plus tard, 30 000 morts gazaouis. Toujours rien. « Quelle indécence que ce délai de décence », lâche-t-elle, la voix tremblante.

Son émotion culmine au Quai d’Orsay, face au porte-parole. Ce jour-là, après le « massacre de la farine », elle s’effondre. « Je n’ai pas pu parler. Trop, c’était trop. » Un moment déchirant, humain, qui tranche avec la mécanique froide de la réponse : « Israël a le droit de se défendre. »

« On n’a pas à choisir entre être journaliste et avoir une conscience. »
Meriem Laribi

« Tu n’es pas du sérail »

À mesure que ses passages à l’Élysée se répètent, l’ambiance se tend. Une journaliste lui lâche : « Vous êtes désagréable. Vous ne faites pas le même métier que nous. » Elle, elle observe, note, encaisse. « C’est un journalisme de cour, oui. Mais moi, je ne suis pas une courtisane. »

Ce n’est pas tant la confrontation avec le pouvoir qui la blesse. C’est l’hostilité de certains collègues. Leur volonté de préserver une forme de ronron, comme le dira l’un d’eux, lucide : « Avant vous, c’était plié en 20 minutes. »

Et puis il y a cette photo. La porte-parole du gouvernement français, tout sourire, dans les bras d’un ex-porte-parole de l’armée israélienne. Meriem voit rouge : « Comment voulez-vous croire à leur impartialité après ça ? »

La voix des absents

Son livre est aussi celui d’un silence. Celui d’une voix absente des plateaux télé, d’un récit « désoccidentalisé », comme elle l’écrit. À l’écran : Enthoven, Fourest, Aram, Pina. Mais qui donne la parole aux Rony Brauman, Alain Gresh, Norman Finkelstein ou aux journalistes palestiniens ?

« Qui représentait nos voix cette année-là ? », demande-t-elle. À ce moment de l’émission, le tchat explose de messages : « Merci pour votre courage », « Vous êtes indispensable », « On a besoin de vous ».

Gaza en direct, mais toujours hors-champ

« Tout est en direct. On voit les images, les enfants, les hôpitaux. Et pourtant, rien ne change. » Dufresne s’interroge : pourquoi l’effet Vietnam ne fonctionne-t-il pas ? Pourquoi l’image ne provoque-t-elle pas la rupture cette fois-ci ? La réponse est cruelle : « Il ne s’agit pas de vérité, mais de post-vérité. »

La stratégie israélienne, dit-elle, a un nom : Hasbara, littéralement « explication ». Une communication huilée, reprise en chœur. « À chaque fois qu’on braque le projecteur sur les Palestiniens, ils le déplacent sur les Israéliens. »

« La Shoah est instrumentalisée pour justifier l’injustifiable. Ça ne l’honore pas. »
Meriem Laribi

Une parole à la fois intime et politique

Elle parle aussi d’elle, souvent. De ses parents nés dans l’Algérie colonisée. De son enfance dans une culture anticolonialiste. De son basculement, à partir du 7 octobre. « J’ai compris qu’un génocide allait se dérouler sous nos yeux et que le journalisme, ici, n’était pas à la hauteur. »

Alors elle a pris sa plume sa voix et son micro.

Une voix nécessaire, un livre bouleversant

Avec Ci-gît l’humanité, Meriem Laribi livre plus qu’un journal de guerre. C’est une archive, une charge une tentative de réparation.

« Une autre vision du monde existe », dit-elle. Elle est là, sur ce plateau, fragile et déterminée.

Pourquoi parler de « génocide » à Gaza est-il encore tabou dans les grands médias ?

Parce que l’usage même du mot est immédiatement retourné contre ceux qui l’emploient. Il devient une accusation de « franchissement d’un seuil moral », selon les mots du ministre français. L’effet : un silence généralisé.

Le journalisme de cour existe-t-il encore à l’Élysée ?

Oui, et Meriem Laribi en fait une démonstration éclatante. Ce n’est pas seulement une question de connivence, mais de rituel, de confort et de non-dérangement. Elle et d’autres en sont les perturbateurs.

En quoi la voix de Meriem Laribi est-elle singulière ?

Parce qu’elle parle depuis un « point de vue désoccidentalisé », assumé, anticolonial. Elle ne cherche pas la nuance molle mais la précision politique. Elle documente, contextualise, confronte.

Pourquoi cette perspective est-elle controversée ?

Parce qu’elle interroge les fondements de notre propre narration occidentale. Parce qu’elle bouleverse les repères, les alliances, les affects. Et parce qu’elle montre que le journalisme peut encore être un acte politique.

Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.

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