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Constance Rimlinger #AuPoste

Féministes des champs et écologie queer

Pendant sept ans, Constance Rimlinger a parcouru le monde, des États-Unis à la Nouvelle-Zélande en passant par la France, pour comprendre ce que signifie le retour à la terre dans un cadre écoféministe, souvent queer et radicalement alternatif.

Son livre, Féministes des champs, est un témoignage vivant et polyphonique qui donne à entendre les voix de celles qui font de la campagne un lieu d’émancipation, d’expérimentation et de résistance.


L’extrême droite qui rafle la mise, partout. Les libertés fondamentales attaquées de toutes parts. Une gauche de gauche à reconstruire. Plus que jamais une presse réellement indépendante, et pas pareille, est nécessaire.

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Les utopies à la campagne : échapper aux normes, recréer des liens

L’échange s’engage autour des origines de ce retour à la terre initié dans les années 1970 en Oregon. Ces « terres de femmes », ou « terres lesbiennes » se conçoivent comme un espace séparatiste pour des femmes en quête d’émancipation, loin du patriarcat.

La campagne est un espace d’émancipation pour nous, un refuge loin des structures oppressives de la ville.

Constance Rimlinger

Ces communautés se sont essaimées en Nouvelle-Zélande, en Europe, et même en France, où de nouvelles initiatives naissent depuis les années 2010. Constance Rimlinger a silloné nombre de ces alternatives, et revient avec nous sur leur diversité, tant au niveau du rapport à la terre qu’au féminisme et aux luttes, mais aussi aux activités pratiquées, au mode de gestion et à l’ambition du projet.

Trois configurations pour un seul but : émancipation et écologie

Après des années d’étude, Rimlinger identifie trois configurations qu’elle définit ainsi : les communautés différentialistes séparatistes, les initiatives queer intersectionnelles, et celles qu’elle qualifie d’holistiques intégrationnistes. Les premières, radicales, opèrent une non-mixité totale, dans la perspective de se construire à l’écart des structures masculines.

Les secondes, plus ouvertes, sont en non-mixité choisie, favorisant les minorités sexuelles et de genre, et de manière plus large, les personnes à la croisée des discriminations. La troisième configuration place au coeur de son enjeu la perspective écologique. Ancrée dans un territoire, cherchant à créer des liens avec les producteurs locaux et à intégrer les réseaux décroissants, elle fait du féminisme une voie d’émancipation autant que l’écologie, et cherche des voies communautaires sans injonction particulière à la non-mixité.

« Dans la ferme en Bretagne où j’ai enquêté, les femmes avaient à cœur de s’intégrer localement, de participer aux marchés, de s’engager dans la communauté rurale » explique Rimlinger. Ce besoin d’ancrage local et d’autonomie face aux grandes structures économiques revient comme un leitmotiv tout au long de l’émission. Ces initiatives à la marge sont au coeur de la création de nouveaux imaginaires écologiques.

Réinventer la non-mixité

« On parle beaucoup de la non-mixité comme d’une fermeture, mais pour ces femmes, c’est surtout une ouverture : une possibilité de se réinventer sans pression extérieure. » Les lieux que la sociologue a visité sont marqués par des pratiques différentes de la non-mixité : dans certaines communautés, il s’agit de vivre exclusivement entre femmes (cisgenres), tandis que dans les configurations queer intersectionnelles, la non-mixité est négociée.

Cette question résonne également dans le tchat, où Marion L., écrit : « La non-mixité, c’est se protéger, mais aussi se redécouvrir autrement ». La question de la place des hommes cisgenres dans ces espaces passionne le tchat dans des échanges vifs.

Le défi de l’autonomie : produire, accueillir, soigner

La conversation se recentre sur la question de la production et de la viabilité économique de ces communautés. Rimlinger explique que les fermes sont loin d’être simplement agricoles : « On y fait du maraîchage, oui, mais aussi du pain, des soins, de l’accueil ».

L’autonomie économique est l’un des rouages essentiels de l’émancipation recherchée. A travers un quotidien résilient et axé sur un modèle décroissant, les acteur.ices de ces alternatives s’émancipent de l’agriculture industrielle comme du salariat.

A travers chacune des configurations, on retrouve la nécessité de se réapproprier à la fois le corps, l’espace, les outils de production, l’alimentation, la vie en somme. A rebours de la spécialisation des tâches, chaque lieu est très polyvalent, et chaque personne se doit de l’être aussi. Le temps dévolu traditionnellement à l’espace domestique n’est plus séparé du temps ni même de l’espace de travail. Se nourrir par exemple, est un travail qui va de la terre jusqu’à l’assiette, faisant de l’agriculture et des tâches ménagères les étapes d’un même processus.

Émotion et résistance : les moments de vulnérabilité

Vers la fin de l’émission, l’animatrice demande à la sociologue ce qui l’a le plus marquée pendant ses années de recherche. « La vulnérabilité et la force de ces femmes m’ont souvent bouleversée. Quand on partage leur quotidien, on comprend que chaque geste est une forme de résistance » répond Constance Rimlinger, chez qui l’émotion est palpable. Le tchat quant à lui, exprime son admiration pour ces parcours de vie que nous a partagé notre invitée.

Trois questions clés

Pourquoi le retour à la terre est-il si important pour les communautés écoféministes ?

Le retour à la terre est une manière de fuir les structures patriarcales urbaines, d’expérimenter de nouveaux modes de vie autonomes et de réinventer un rapport direct avec la nature.

En quoi les communautés écoféministes se distinguent-elles des autres mouvements écologiques ?

Ces communautés intègrent une réflexion sur le genre et la sexualité, souvent en dehors des normes hétérosexuelles, et prônent la non-mixité comme outil d’émancipation.

La non-mixité est-elle toujours une règle dans ces communautés ?

Non, la non-mixité prend des formes variées : dans certaines, elle est absolue, tandis que dans d’autres, elle est temporaire ou choisie selon les besoins du groupe.

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