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28 03 24 Pierre Plottu, Franck Johannès & Nicolas Lebourg

«Marine Le Pen est la version adoucie du RN; Bardella, la jambe droite du duo»

#AuPoste est fier de lancer son nouveau rendez-vous régulier : Extrêmorama, co-animé par Nicolas Lebourg, historien bien bien réputé des extrêmes droites, et bien bien connu de nos services. Un club de la presse focus sur les fascismes, et qui va réunir les meilleurs chercheurs et chercheuses, journalistes, historiennes et historiens de France et de Navarre.

Pour ce premier numéro, notre thème central était: un scénario à la Bruno Megret est-il Bardella possible ? On se souvient du «félon» Mégret qui quitta, avec pertes et profits, le FN de Le Pen Père, créant une sacrée sauce dans le parti. Cela soulève toute la question du «compromis nationaliste» et des articulations Zemmour-Bardella.

Pour en causer avec Nicolas Lebourg, le dénommé Pierre Plottu, qui sévit à Libération, notamment avec l’excellente newsletter Frontal; et un invité suprise.

Au menu également: les grandes manœuvres des Européeennes, qui est Malika Sorel-Sutter, numéro 2 de la liste RN, Zemmour le multi-récidivisite, les révélations du Monde sur Jean-François Achilli et son travail supposé sur l’autobio de Bardella.

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Nicolas Lebourg commence par souligner la difficulté, dans le monde universitaire français d’aujourd’hui, de travailler sur l’extrême-droite. Auto-censure ? Pierre Plottu, qui partage son point de vue de journaliste, constate un mouvement récent, une habitude prise par certaines rédactions de médias bien en vue : celle de ne plus associer le Rassemblement National (RN) avec l’extrême-droite, si bien que cette opinion est en train de devenir mainstream. Postuler l’inverse semble quasiment un acte militant. Pourtant, une analyse sérieuse de l’évolution de leur programme indique que rien ne permet ce glissement sémantique. Le Conseil d’État a d’ailleurs rendu une décision en ce sens en date du 11 mars 2024 (1). Mais à mesure que le parti de la famille Le Pen prend une part importante dans la vie politique du pays, il ne suffit plus de l’étiqueter pour le disqualifier. D’autres rédactions ont fait le choix de mettre des moyens journalistiques dans le suivi de l’extrême-droite, comme Libération et sa newsletter Frontal.

Il y a énormément de cadres de l’extrême-droite « classique », celle qu’on essaie de nous faire passer pour n’étant pas l’extrême-droite, qui viennent [de Génération Identitaire]. Ils y ont été accueillis avec leurs obsessions parce qu’elles étaient compatibles. Ils ont aussi importé leurs méthodes. Suivre les marges est alors indispensable pour la bonne compréhension de ce mouvement.

Pierre Plottu

Une dédiabolisation en marche

Force est de constater que Marine Le Pen arrive à se faire passer pour n’étant pas raciste, que des influenceurs d’extrême-droite font rire des millions de personnes en se faisant passer pour présentables ; d’où la nécessité de renforcer le travail journalistique. « Il faut mener cette lutte, parce que les gens ne sont pas d’extrême-droite par nature » mais « peuvent se retrouver happés dans des discours qui les mènent vers » l’extrême-droite, estime Plottu.

Depuis sa création en 1972, le Front National devenu Rassemblement National a une histoire émaillée de scissions, de « combats des chefs », qui ont tous, sans exception, tourné à l’avantage de Le Pen père ou fille. L’exemple le plus retentissant est celui de Bruno Mégret, numéro 2 du parti avant de le quitter en 1999, puis d’échouer largement dans son duel à distance avec Jean-Marie Le Pen lors des élections présidentielles de 2002. Avec l’adoption de Jordan Bardella à la tête du RN, et donc la cohabitation de deux « figures charismatiques » que sont Marine Le Pen et lui-même, la question se pose: un scénario à la Mégret est-il  probable? Répondant par la négative, Nicolas Lebourg comme Pierre Plottu expliquent que contrairement aux précédents, Bardella est adoubé par la cheffe, qui prépare avec lui « l’éventuelle sortie du parti de la dynastie familiale ». Leur duo fonctionne très bien : elle joue l’apaisement dans le discours et grignote vers la droite dite « républicaine », lui assume la radicalité des thèses qui nourrissent le parti depuis ses débuts. Ces mêmes thèses constituent de manière encore plus claire les discours de Reconquête, le parti fondé par Éric Zemmour, dont l’esthétique bourgeoise sert de proxy auprès d’un électorat peu touché auparavant, avec le soutien plus qu’appuyé des médias du groupe de Vincent Bolloré.

Le candidat Bardella

Bardella connaît l’historique de sa formation et sait ce qu’il risquerait en s’opposant à Marine Le Pen. Mais il sait surtout que sans le soutien de cette dernière, nombreux sont ceux en interne qui lorgneraient sur le rôle de dauphin. Pour le RN, il est de bon ton de valoriser une figure issue du plus bas de l’appareil militant, qui y a en quelque sorte fait toutes ses gammes, là où pourtant le parti semble privilégier une politique de « prises de guerre » dans d’autres formations passant pour plus fréquentables, à commencer par Les Républicains, ou bien Debout La France d’où est issu Jean-Philippe Tanguy par exemple.

Selon Franck Johannès, journaliste pour le Monde et invité mystère de ce premier numéro d’Extrêmorama, cette stratégie va dans le sens de la normalisation de l’image du parti mais présente un risque pour le renouvellement des militants à plus long terme, ainsi que pour son implantation territoriale. Le FN/RN n’a d’ailleurs jamais été un mouvement qui forme beaucoup de têtes pensantes, et ne travaille pas non plus à la construction d’un appareil militant de masse, préférant recourir à des groupes autrement plus radicaux pour mener campagne. C’est un parti qui reste fidèle à sa vocation d’origine, l’agrégation sous une bannière électorale unique de la constellation des mouvements d’extrême-droite. À l’heure où il fournit plus de députés et de collaborateurs que jamais, il devient important de comprendre en quoi le RN trouve son intérêt dans le refus de créer une « offre politique ». Nicolas Lebourg l’exprime ainsi :

Ce qui structure le vote FN, ce n’est pas son offre politique, c’est la demande sociale. Une demande socio-culturelle autoritaire, les problèmes d’aménagement du territoire qui donnent le sentiment d’abandon dans un pays de culture centralisatrice – « Paris nous abandonne » – et la question égalitaire. […] Nicolas Lebourg

Si le RN se nourrit du vide, c’est parce que les partis dits de gouvernement, à la tête du pays en alternance depuis plus de quatre décennies, génèrent ces impasses politiques et démocratiques. L’historien continue sa démonstration : la politique de métropolisation, mère de bon nombre de frustrations dans l’électorat situé hors des grandes villes, n’a jamais fait l’objet d’aucun débat démocratique. Et là où les Républicains comme le Parti Socialiste se tiennent ostensiblement absents, le vote FN/RN arrive comme une promesse d’écoute. Une promesse seulement.

(1) Le Rassemblement national peut être rattaché à l’extrême droite, confirme le Conseil d’Etat – Le Monde – 11 mars 2024 – https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/11/le-rassemblement-national-peut-etre-rattache-a-l-extreme-droite-confirme-le-conseil-d-etat_6221404_823448.html

Trois questions clés

Qui est Bruno Mégret ?

Bruno Mégret est un haut-fonctionnaire et homme politique français, passé notamment par le RPR puis par le FN avant de fonder son parti, le Mouvement National Républicain en 1999. Il soutient la candidature d’Éric Zemmour aux élections présidentielles de 2022.

Qui est la tête de liste du Rassemblement National aux élections européennes de 2024 ?

La tête de liste du Rassemblement National est Jordan Bardella, député européen sortant et président du parti depuis 2022.

Qu’est-ce que le GUD ?

Le Groupe Union Défense est une organisation étudiante néo-fasciste. Plusieurs de ses anciens membres sont passés par le Front National et son ancien président, Frédéric Châtillon, s’est impliqué dans plusieurs campagnes politiques du Rassemblement National même si les liens sont officiellement rompus avec le parti depuis 2017.

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