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Simon Assoun & Arié Alimi #AuPoste

Etre juif et de gauche dans la France qui implose. Second débat.

Simon Assoun, porte-parole du collectif juif décolonial Tsedek, et Arié Alimi, auteur de Juif, français, de gauche… dans le désordre (La Découverte) ont tenu parole. Après un premier débat Au Poste, le 6 mai dernier, qui a vu se confronter leurs points de vue, les voilà de retour — comme promis. Et cette fois, en public.

Pour cette seconde joute, on a évoqué longuement l’antisémitisme à gauche, les accusations qui lui sont faites, à tort, à travers, et à raison aussi, l’ombre grandissante du Rassemblement National. Bien entendu, la discussion a glissé sur la redistribution des cartes avec le Nouveau Front Populaire. Un immense merci au public, venu en nombre.

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«Il est plus que jamais nécessaire de comprendre ce qui nous oppose à gauche, notamment sur la question de l’antisémitisme» lance Arié Alimi. La discussion s’enflamme autour d’un thème récurrent : l’instrumentalisation de l’antisémitisme. Pour l’avocat, «les accusations d’antisémitisme sur une partie de la gauche sont fondamentales dans la recomposition politique actuelle.»

Face à lui, Simon Assoun rappelle  que «l’instrumentalisation n’a fait qu’augmenter depuis des décennies», et est aujourd’hui utilisée comme un «rayon paralysant» pour discréditer la gauche radicale, notamment La France Insoumise. Ce faisant, elle viendrait étouffer les véritables débats et détournerait l’attention des luttes sociales. Alimi, lui, refuse de réduire cette question à une manipulation politique : «On ne peut pas tout expliquer par une instrumentalisation, l’antisémitisme existe, et il faut le reconnaître, y compris à gauche.»

Dire que l’antisémitisme est partout, c’est dire qu’il n’est nulle part. Cette espèce d’ubiquité qu’on veut prêter à l’antisémitisme est complètement désarmante pour ceux qui veulent identifier et lutter contre l’antisémitisme.

Simon Assoun

Assoun va plus loin en qualifiant de «panique morale» le discours actuel sur l’antisémitisme, un concept sociologique qui vise à rétablir l’autorité de l’État en désignant un ennemi de l’intérieur. Alimi, tout en reconnaissant certains aspects de cette analyse, insiste sur la réalité de l’antisémitisme en France, et l’augmentation des actes antisémites en particulier après le 7 octobre.

Le Nouveau Front Populaire : la gauche face à ses contradictions

Le débat ne se limite pas aux questions identitaires. La recomposition de la gauche et la montée du Nouveau Front Populaire sont au centre des échanges. Assoun se montre optimiste quant à la dynamique du mouvement, malgré les critiques : «Il est vital de créer un espace de débat à gauche, malgré nos divergences.» Pour Alimi, le NFP reste fragile et ne doit pas ignorer les tensions internes. Il avertit : «Le danger est réel. Nous risquons de voir pour la première fois un gouvernement d’extrême droite depuis Vichy. La gauche ne peut se permettre de se diviser sur ces questions.»

Nous avons aujourd’hui une gauche qui est en recherche de crédibilité, et cela passe par une prise en compte des ressentis, mais aussi par un vrai programme politique.

Simon Assoun

Les Juifs et la recomposition politique

Une des questions centrales du débat est celle du positionnement politique des organisations Juives. Alimi s’inquiète de voir une majorité de Juif.ves français.es tenté.es par le vote Rassemblement National, comme en témoignent les résultats des scrutins en Israël. «La communauté juive se sent de plus en plus en danger, et beaucoup se tournent vers l’extrême droite par crainte», souligne-t-il. Assoun, quant à lui, critique les prises de position du CRIF et de la LICRA, qu’il accuse d’avoir dérivé vers la droite et l’islamophobie.

Les deux hommes sont d’accord sur un point : la division des communautés juives et musulmanes ne fait que renforcer le discours de l’extrême droite. 

Opposer l’antisémitisme et l’islamophobie est une erreur politique.

Arié Alimi

Vers une solution ?

En fin de débat, Dufresne interroge ses invités sur les solutions possibles. Comment la gauche peut-elle sortir de l’impasse actuelle ? Pour Assoun, la solution passe par un renforcement des luttes antiracistes et anticapitalistes, et par une clarification du programme politique du Nouveau Front Populaire. Alimi, quant à lui, appelle à une «prise de conscience collective» à gauche : «Nous devons reconnaître nos erreurs et admettre que certaines de nos actions ont pu heurter des communautés, notamment la communauté juive»

La discussion se termine sur une note mitigée, entre espoir de réconciliation et conscience des fractures profondes qui traversent la gauche.

Trois questions clés

Comment le Nouveau Front Populaire peut-il éviter les divisions internes ?

Pour les deux intervenants, le Nouveau Front Populaire doit créer un véritable espace de débat et clarifier son programme politique pour ne pas se laisser piéger par les accusations externes.

Pourquoi Simon Assoun parle-t-il d’instrumentalisation de l’antisémitisme ?

Assoun considère que l’antisémitisme est utilisé pour discréditer la gauche, notamment La France Insoumise, et détourner l’attention des véritables luttes sociales.

Pourquoi Arié Alimi estime-t-il que l’antisémitisme existe aussi à gauche ?

Alimi reconnaît que l’antisémitisme est une réalité en France. Si elle est consubstantielle à l’extrême droite, selon lui elle existe aussi à gauche. Refusant de réduire ce phénomène à une simple instrumentalisation politique, il invite la gauche à faire son examen interne.

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