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États généraux de la presse indépendante

« Libérons l’information des pouvoirs politiques, des médias de la haine, des milliardaires ». Le 30 novembre, plus de 100 médias indépendants, organisations et collectifs de journalistes ont appelé à un sursaut. Une soirée co-présentée par Nora Bouazzouni (Paye ta pige) et David Dufresne (Au Poste).

Cette initiative, proposée par le Fonds pour une Presse Libre, est une réponse à des Etats généraux présidentiels de l’information voulus par l’Élysée.


L’extrême droite qui rafle la mise, partout. Les libertés fondamentales attaquées de toutes parts. Une gauche de gauche à reconstruire. Plus que jamais une presse réellement indépendante, et pas pareille, est nécessaire.

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Compte rendu de la soirée

Toute la soirée, un fil rouge : comment faire fonctionner une presse indépendante, dans le respect des journalistes ? Comment arracher l’information des mains des milliardaires, sans ajouter de la précarité à la précarité ?

Au début, on a demandé en s’excusant. […] Aujourd’hui, je n’ai aucune honte a demander de l’argent. personne ne s’excuse que Le Monde soit payant. Mais nous, demander de l’argent deux fois par an il faudrait qu’on s’excuse ? Ce sont les autres qui devraient s’excuser pour faire payer une information qui devrait être d’intérêt général. […] Faites-nous des dons pour faire chier les fachos.

Mathieu Molard, red chef de StreetPress

Pendant six semaines, quatre groupes de travail ont œuvré à faire émerger 59 propositions pour une presse libre et indépendante. Seize d’entre elles ont été retenues et présentées. Parmi elles, la refonte complète de la loi de 1986, en abaissant les seuils de concentration des médias. « Interdire à tout groupe industriel dont l’activité principale n’est pas l’information de devenir l’opérateur direct d’un média » : cette proposition, si elle pouvait être appliquée demain aurait de quoi faire bondir les milliardaires. Ils sont là d’ailleurs, Bolloré et Arnault, sur les masques qu’arborent Nora Bouazzani et David Dufresne.

L’indépendance se joue dans l’économie des médias mais aussi en interne, dans les rédactions. Pour parer à toute dérive, les groupes de travail ont imaginé un référent juridique attaché à la rédaction, avec un droit d’opposition en matière éditoriale « lorsque son indépendance est mise en cause par un actionnaire, la direction ou un annonceur », ainsi qu’un droit au suffrage pour l’équipe, afin qu’elle puisse refuser la nomination de la direction.

L’indépendance concerne aussi et avant tout les journalistes eux-mêmes, qui doivent pouvoir travailler sans crainte d’être poursuivis : pour cela, il est proposé de restreindre le champ d’application du secret des affaires, et de « limiter le champ des exceptions au secret des sources ou le motif de sécurité nationale ».

Isabelle Jarjaille, une de nos pigistes, a remarqué que sur le contrat qui lie l’Etat à la société constructeur et concessionnaire de l’A69, il n’y avait pas les annexes. Donc elle a fait une demande officielle, et on lui a répondu « vous pouvez venir, mais ce sera sur place, à la Défense, et vous serez accompagnée par un fonctionnaire du ministère […] Le 16 novembre donc, elle se retrouve devant une liasse de 550 pages, et découvre que l’essentiel des données chiffrées sont biffées, y compris des passages qui concernent le prix du péage, au nom du secret des affaires. Là où c’est fou, c’est que le prix du péage est public ! […] Au nom du secret des affaires, notion extrêmement floue, on peut tout censurer. 

Jacques Trentesaux, Médiacités

Il serait naïf de croire que protéger l’indépendance des médias se limite à protéger l’information. Les médias indépendants fonctionnent pour beaucoup grâce au travail de pigistes, payés au feuillet – représentant 1500 signes. Parfois ce tarif n’est même pas donné, ou varie à « la tête du client ». 

Je suis pigiste et ce mois-ci, j’ai travaillé 35/40h par semaine, et j’ai gagné 1600€. C’est peu. On fait le même boulot que les autres journalistes, et on est moins payés. Il faut augmenter ce tarif du feuillet, et rendre obligatoire sa transparence. C’est aussi important pour votre information, parce que notre précarisation c’est votre désinformation. Nous pigistes avons besoin de la presse indépendante mais elle aussi a besoin de nous. 

Malika Burzback, membre du CA de Profession Pigiste

Pour certains, augmenter les tarifs de piges ne résoudrait pas les problèmes d’indépendance. Il s’agirait par exemple de proposer la création d’un statut de journaliste indépendant similaire à celui de l’intermittence pour les artistes, pour permettre une indépendance envers les rédactions, mais aussi pour gérer le temps sur l’année, sachant que l’on a souvent des temps de travail très longs. 

Enfin, on ne saurait parler de pluralisme et d’indépendance sans lutter contre l’entre-soi, et à ce titre, il est proposé de « rendre obligatoire pour tous les responsables hiérarchiques des formations contre les discriminations racistes, LGBTphobes, sexistes ». Aucun média n’échappe à la mécanique raciste, même les médias indépendants, et s’il y a de plus en plus de journalistes racisés au sein des rédactions, ceux-ci occupent souvent les postes les plus précaires.

L’inclusivité des personnes racisées passe par des propositions de CDI, mais surtout, et ça c’est le nerf de la guerre, par le fait de rendre les annonces de postes publiques, et non plus diffusées de contact en contact. Cela va pousser les recruteurs à voir que ces profils existent. 

Rémi Kenzo-Pagès et Christelle Murhula (Association des Journalistes Antiracistes et Racisés)

Pour conclure, François Bonnet, président du Fonds pour une Presse Libre, s’avance pour annoncer une douzaine de réunions en région, et assurer que ces propositions seront envoyées aux parlementaires et à toutes les fédérations patronales de journalistes. « Il faut faire circuler ces propositions, parvenir à installer le débat dans la société pour ne pas le laisser aux mains des appareils de communication qui sont assez armés ». Derrière lui, tapis dans l’ombre, les masques de Bernard Arnault et Vincent Bolloré scrutent la salle, bras croisés.

L’appel

En réponse aux Etats généraux présidentiels de l’information, voulus par l’Elysée et lancés le 3 octobre 2023, cent médias et organisations (syndicats, collectifs de journalistes, associations de défense des droits) ont organisé en octobre et novembre, à l’initiative du Fonds pour une Presse Libre, des Etats généraux de la presse indépendante.

Leurs résultats sont présentés à l’occasion d’une grande réunion publique, le 30 novembre 202 à Paris (Espace Reuilly, 75012). Cette réunion sera suivie d’événements en régions, à Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Clermont-Ferrand, Vire.

Ces États généraux de la presse indépendante ont fait trois constats principaux.
Le premier est l’urgence de réformes ambitieuses de notre système d’information dont la dégradation ne cesse de s’accélérer.

Le deuxième est la nécessité de stopper les offensives multiples lancées par les puissances politiques et économiques contre un journalisme indépendant, d’intérêt public et au service des citoyennes et citoyens.

Le troisième constat est l’obligation commune de reconstruire une relation de confiance avec l’ensemble de nos publics. Une confiance aujourd’hui presque détruite par les liens de dépendance qui pèsent sur de trop nombreux médias.

Les États généraux de la presse indépendante formulent 59 propositions pour libérer l’information et renforcer cette liberté fondamentale qui est le droit de savoir des citoyennes et citoyens. Ces propositions ont été élaborées par quatre groupes de travail qui se sont régulièrement réunis durant six semaines. Ces groupes ont travaillé sur quatre thèmes jugés essentiels :

·Concentration des médias, actionnariat, droits des rédactions
·Renforcer le droit à l’information
·Lutter contre la précarisation de journalistes
·Réformer les aides publiques à la presse

Programme de la soirée

✅ 17h/17h30. Ouverture salle, vidéos. Pourquoi des Etats généraux de la presse indépendante (François Bonnet- FPL). Lancement par Nora Bouazzouni et David Dufresne.
✅ 17h30/17h55. La guerre israélo-palestinienne ou la nécessité d’une information indépendante. Hommage aux 60 journalistes tués. Intervenant.es : Sarra Grira (Orient XXI), Jean-François Corty (MDM), Elias Sanbar (ancien ambassadeur de la Palestine à l’Unesco).
✅ 18h/18h25. Financer la presse indépendante (abonnements, dons, réforme des aides publiques). Quatre exemles : Le Crestois (Laure-Meriem Rouvier), Streetpress (Mathieu Molard), La Déferlante (Marie Barbier), Splann ! (Sylvain Ernault).
✅ 18h30/18h45. Réformer les médias : lecture de 16 de nos propositions par Agnès Rousseau (Politis), Claudine Cordani (Les Cent Plumes), François Bonnet (FPL), Charlotte Clavreul (FPL), Clément Pouré (Profession Pigiste), Romary Daval (Un Bout des Médias) et d’autres.
✅ 18h50/19h15. Débat sur la concentration des médias, le pluralisme, les droits des rédactions. Caroline Fontaine (ex-Paris-Match), Alexandre Buisine (SNJ), Jean-Marie Leforestier (Marsactu), Pauline Perrenot (Acrimed).
✅ 19h20/19h30. Sortir d’une dépendance grandissante des Gafam et plateformes. Tribune de Cécile Dubois (SPIIL).
✅ 19h35/19h55h. Financer les journalistes. Comment lutter contre une précarité grandissante. Témoignages et propositions. Macko Dragan (Le Mouais), Camélia Kheiredine (ex-FTV Slash), Pablo Aiquel (CGT), Malika Burzback (Profession Pigiste)
✅ 20h/20h10. Audrey Vernon, humoriste : « Libérez les médias otages des milliardaires »
✅ 20h15/20h25. Intelligence artificielle, l’éléphant au milieu de la pièce. Tribune Gérald Holubowicz.
✅ 20h30/20h40. Racisme, discriminations, dans le journalisme aussi. Tribune de Rémi Kenzo-Pagès et Christelle Murhula (AJAR).
✅ 20h45/20h55. Le prix de l’indépendance. Tribune Edwy Plenel (Mediapart)
✅ 21h/21h25. Renforcer le droit d’informer. Explication de nos propositions. Jérémie Demey (INPD), Tiphaine Beau de Loménie (Sherpa), Leila Minano (Disclose), Jacques Trentesaux (Médiacités), Grégoire Souchay (Reporterre). Questionné.es par Valentine Oberti (Mediapart).
✅ 21h30/21h40. Le journalisme contre la dictature. Tribune Mortaza Behboudi, notre confrère franco-afghan libéré.

Liste des médias et organisations participants aux États généraux de la presse indépendante :

Médias

Au Poste, Usul, Reflets-info, Afrique XXI, AOC, Mediapart, La Déferlante, Premières Lignes, Off Investigation, Investigate Europe, Mediavivant, Grand-Format, Le Crestois, Le Mouais, Le Média, Rapportsdeforce, Médiacités, Orient XXI, Les Jours, Disclose, Politis, We Report, Le Poulpe, Alternatives économiques, Le Courrier des Balkans, L’Arrière Cour, Chabe !, Le Chiffon, Blast, Street Press, Terrestres, Reporterre, Rue89 Strasbourg, Rue89 Bordeaux, Rue 89 Lyon, You Press, MarsActu, Alterpresse68.info, Lokko, Pays, Médianes, Arrêt sur images, Splann !, Ritimo, CQFD, Le Moment, Guyaweb, Basta, Vert, Radio Parleur, Les Cent Plumes, Fakir, Radio BIP / Média 25, Collectif Hors Cadre, Mediacoop, Homo nuclearus, L’Agglorieuse, L’Âge de faire, Collectif La Friche, Sciences critiques, Collectif Les Incorrigibles , INDEX, Le Poing, Cerises la coopérative, Mag2Lyon, La Clé des Ondes, L’Empaillé, Socialter.

Organisations, syndicats, collectifs 

FPL (Fonds pour une Presse Libre ), SNJ, SNJ-CGT, UBDM (Un Bout des Médias), INPD (Informer n’est pas un délit), Acrimed, Sherpa, Prenons la Une, Profession pigiste, La Maison des lanceurs d’alerte, SPPP (Syndicat de la presse pas pareille), AJAR (Association des Journalistes Antiracistes et Racisé·e·s), Comité de soutien français à Julian Assange, Anticor, La GARRD (Guilde des Auteurs-Réalisateurs de Reportages et Documentaires)

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