Média 100% indépendant, en accès libre, sans publicité, financé par ses 1272 donatrices et donateurs ce mois-ci !

Faire un don
Autour de Nicolas Lebourg sera présent le duo de choc Marylou Magal, de l’Express, et Nicolas Massol, qu’on lit dans Libération, notamment via l’excellente newsletter Frontal. Les deux signent une enquête costaude L’extrême droite, nouvelle génération chez la maison Denoël

Enquête au cœur de la jeunesse identitaire

Pour ce second numéro d’Extrêmorama, notre thème central est la jeunesse «identitaire», combien de divisions ? Bardella, Marechal, Lejeune, Knafo, Rigault, Gentillet: depuis leur adolescence, ils partagent des soirées, des réunions, des lieux de socialisation.

«Nous sommes aux portes du pouvoir» clame Bardella. Qui, comme les autres, croit dur comme fer qu’ils travailleront un jour tous ensemble. On évoquera aussi ce qui se passe en Italie, des liens entre les fachos FR et l’étranger.

Autour de Nicolas Lebourg sera présent le duo de choc Marylou Magal, de l’Express, et Nicolas Massol, qu’on lit dans Libération, notamment via l’excellente newsletter Frontal. Les deux signent une enquête costaude L’extrême droite, nouvelle génération chez la maison Denoël (parution ce mois ci). Également de la partie: Marion Jacquet-Vaillant, docteure en science politique et maître de conférences à l’Université Paris Panthéon Assas, qui a réalisé sa thèse sur le mouvement identitaire français. Ses recherches portent sur la question de la violence politique et d’autre part, sur les évolutions de l’extrême droite dans le champ électoral.

Extrêmorama est un nouveau rendez-vous régulier #AuPoste. Il est co-animé par Nicolas Lebourg, historien bien bien réputé des extrêmes droites, et bien bien connu de nos services. Un club de la presse focus sur les fascismes, et qui va réunir les meilleurs chercheurs et chercheuses, journalistes, historiennes et historiens de France et de Navarre.

Merci!

Article en accés libre grâce aux donatrices & donateurs.
Je donne pour

Soutenir un site 100% autonome
Renforcer le débat public sur les libertés publiques
Bénéficier de 66% de réduction d'impôt

Et je ferai un don plus tard (promis!)

Sans médias indépendants, pas de riposte.

Libertés publiques, politique, cinéma, Histoire, littérature & contre-filatures. #AuPoste invite chercheur·es, écrivain·es, philosophes, sociologues, avocat·es, punks et punkettes, cinéastes, artistes et hacktivistes, écoterroristes, féministes.

Crée en 2021, #AuPoste pose un regard critique sur le monde, puisant dans l'histoire, les sciences sociales, les actions et réflexions engagées. L'émission traque les coups de boutoir fait, comme jamais depuis 50 ans, aux libertés individuelles et fondamentales. Vigie autant qu'aiguillon, #AuPoste nourrit le débat public sur les libertés publiques. En nous aidant, vous le renforcez à votre tour.

#AuPoste n’a ni propriétaire milliardaire ni actionnaires. Sans publicité, sans intérêt financier, vos seuls dons sont notre seul rempart. Aucune force commerciale ni politique n'a d'influence sur notre travail.
Chaque contribution compte, même modique. A prix libre, chacun contribue à la hauteur de ses moyens, et de ses besoins (et anonymement, si souhaité). Les dons récurrents sont le moyen idéal pour nous nous permettre de pérenniser notre travail de fond. Chaque année, nous publions un bilan complet.

Chaque don contribue à maintenir nos contenus disponibles / par tout le monde / à tout instant et partageables. Nos enquêtes, nos émissions, nos podcasts: tout est en gratuit. Mais coûteux à produire.

Déductions fiscales

Je fais un don #AuPoste et, si je le souhaite, je deviens un Bernard Arnault de la contre-information:

Je suis un particulier: je bénéficie d'une réduction d'impôt à hauteur de 66%. Ainsi un don de 100€ me revient à 34€.

Mon reçu fiscal m'est directement envoyé par J'aime l'info, l’organisme d’intérêt général, qui collecte les dons pour #AuPoste.

Mes nom et adresse ne seront jamais divulgués. Les dons se font de manière entièrement privée. A tout moment, je peux suspendre, annuler ou ajuster mes dons.


A quoi servent vos dons

Préparation et animation des émissions, salaires (journalistes, modératrices, développeurs), locaux et frais courants, graphistes, supports techniques, matériel (tournage, montage), abonnements-soutiens à la presse indépendante.

Toutes les infos dans DONS, et dans le bilan complet 2023 #AuPoste.

La rencontre en quelques mots

Au poste, on veut comprendre, comprendre les problèmes de son, et surtout comprendre la physiologie de la peste brune. Ce 23 avril 2024, c’est le second Extrêmorama #2, club de presse des extrêmes-droites animée par Nicolas Lebourg. Il reçoit Marylou Magal, (l’Express) et Nicolas Massol (Libération) pour la sortie de leur enquête «L’extrême droite, nouvelle génération» chez Denoël. Au fringant duo s’ajoute Marion Jacquet-Vaillant, docteure en science politique et maître de conférences à l’Université Paris Panthéon Assas, qui a réalisé sa thèse sur les identitaires français. Chacun rappelle l’historique d’un courant, précise un fait, nuance un concept, dans une ambiance bon enfant. Ils exposent les conditions qui ont amené à ce que ce soit désormais les mêmes à droite et à l’extrême droite et ils pressentent  la recomposition du paysage des droites au Parlement européen.

L’unification des droites par l’expérience communautaire d’une génération

C’est d’abord un phénomène de jeunesse qui se retrouve dans des bistrots et qui dissémine ses spores de CNews à LR, en passant par le et les identitaires ou . Une génération qui a grandi en regardant Zemmour et «On n’est pas couché». C’est en 2010 qu’on assiste au début de fréquentation de ces groupes qui étaient auparavant peu ensemble.

Depuis plus de 10 ans, les jeunes qui composent cette génération partagent des soirées, des réunions, des formations, des lieux de socialisation, de lutte et un corpus idéologique commun. Ils se sont mêlés en 2013, dans les cortèges de la manif pour tous. Puis ont crû pour la plupart aux vertus du souverainisme pour casser les anciens clivages et rompre le cordon sanitaire qui enserrait l’extrême droite. La plupart ont vécu les attentats de 2015 comme une alerte et une épiphanie. Et si au fond, ce qui les rassemblait tous n’était pas le rejet du mariage homosexuel ou de l’Union Européenne mais celui de la menace islamiste, et plus généralement de la présence de l’Islam en France. Identitaires, ils le sont presque tous devenus.

Marylou Magal et Nicolas Massol

De la porosité entre droite et extrême droite à l’émergence d’un écosystème médiatique

La perméabilité des droites s’est réalisée par la génération Carayon (Guilhem de son prénom), chef des jeunes LR, biberonnée à Zemmour sur les plateaux télé. Le vote Zemmour a fait une forme d’union idéologique des droites à travers la synthèse de la position économique de Pécresse et des valeurs de Marine Le Pen. Zemmour a aussi réussi à rallier à lui des catholiques et des cadres qui n’avaient jamais voté à l’extrême droite auparavant. Via l’Europe, cette union a brisé l’impératif moral qu’est le cordon sanitaire et a réuni des personnalités, même de gauche. Les moins de 30 ans de LR, du RN et des identitaires se sont liés, ils réalisent déjà l’union des droites et des extrême droites car ils ont la même idéologie et recomposent déjà l’échiquier politique qui émergera demain.

Si leur génération arrive au pouvoir, ils travailleront ensemble. Néanmoins, Marion Jacquet-Vaillant pointe qu’à tellement vouloir faire l’union, ils se sont divisés. De deux partis, ils sont maintenant trois. L’association SOS Chrétiens d’Orient a aussi soudé toute une génération après la manif pour tous. Des médias ont réalisé l’union des droites en propulsant Zemmour, via Livre noir, la chaîne Youtube créée par Erik Tegnér et via les médias de Bolloré . On retrouve aussi Geoffroy Lejeune, proche de Zemmour et de Marion Maréchal Le Pen, à Valeurs Actuelles dès 2013. Désormais il y a l’IFP2 pour se former, où l’on retrouve des identitaires radicaux et des LR. Ensuite ils vont travailler à CNews et au JDD. En 10 ans un écosystème médiatique s’est construit où on produit les gens qu’on veut qui vont produire ce que l’on veut.  

L’historique des mouvements d’extrême droite

Nicolas Lebourg distingue deux orientations à l’après-guerre, qui coexistent chez les radicaux autour du référent régional : le socialisme européen qui vise à démembrer l’Europe au bénéfice des régions ethniques et le nationalisme européen qui veut une Europe avec des états nations. Dans les années 2000, les identitaires reprennent le «tout ce qui est identitaire est nôtre» inspiré de Charles Maurras, en d’autres termes, c’est une génération avec querelles de doctrines mais unie face à la menace de l’islamisation qui passe avant tout pour eux. Ils sont globalement européistes3, ethnoracialistes4, renchérit Nicolas Massol. L’idéologie commune est identitaire, souligne Marylou Magal, à travers le manifeste de Génération Identitaire, repris notamment par Bardella. La priorité a été redéfinie, mais ils ont encore des points de divergence, Zemmour et le RN sont toujours considérés comme trop assimilationnistes par les identitaires.

Mais qu’est-ce qu’un identitaire ?

Marion Jacquet-Vaillant s’y colle et donne les 2 sens de l’adjectif : un premier qui est synonyme d’extrême-droite, mais c’est un usage extensif et abusif. Le second situe le terme au moment où au sein d’Unité Radicale1, en 2002, apparaît un conflit qui distingue la moitié de ses membres comme «identitaires». Ils ont une vision culturelle et ethnique de l’identité : le nationalisme ethnique. Ils se conçoivent comme une aristocratie militante, explicite Nicolas Massol. Ils ont des camps d’été de formation. À la différence des RN peu politisés, les identitaires ont lu. Ils sont d’une idéologie de chimiquement purs, dit Marylou Magal. Une valeur de transmission les soude : quand tu deviens identitaire, tu as fait tes preuves. Les jeunes militants instillent aussi une nouvelle stratégie de communication inspirée de Greenpeace. Afin d’être visibles, comme ils sont très peu, et contre les stratégies des anciens, ils optent pour une stratégie de com’  avec des actions visuellement marquantes et ils contactent la presse.

Objectivement il faut quand même être conscient que c’est des gens pour lesquels la xénophobie, voire le racisme, et cette espèce de haine profonde de l’Islam est globalement la seule conviction qu’ils aient. Franchement, en vrai, Bardella n’a aucune conviction économique.

Nicolas Massol

Les identitaires sont réunis autour d’une vision ethnodifférencialiste5 de l’identité – à côté, les positions économiques ont peu d’intérêt à leurs yeux.  C’est une génération qui s’intéresse moins à l’idéologie, qui est plus sur la culture du buzz, sans référent. Ils sont néopaïens, attachés à des traditions panthéistes. L’intérêt de ces gens là est relativiste. Il n’y a pas de transcendance, donc pas d’universel catholique, de partagé. L’identité c’est ce qui est d’ici

Sous l’influence de son ancien trotskiste de mentor, Bardella a compris tout le profit politique qu’il pourrait tirer de sa jeunesse de petit blanc de cité. La légende commence à s’écrire, celle d’une mère assistante en maternelle, logée dans une cité HLM qui peine à boucler ses fins de mois. D’une enfance passée à baisser les yeux et à regarder les petites filles voilées entrer et sortir de l’école coranique, en bas de la tour. Il y a du vrai dans tout cela, Bardella s’attarde moins sur son père, patron d’une petite entreprise de distributeurs automatiques, qui lui offre une Smart car son fils a horreur de prendre le métro.

Marylou Magal et Nicolas Massol

Avant de se colorer d’idéologie identitaire, Bardella s’est formé auprès de plusieurs mentors qu’il lâche quand ils ne lui servent plus :  Aurélien Legrand, venu du NPA, puis Philippe Vardon et Pascal Humeau. Il sort avec la fille de Châtillon, il s’entoure progressivement de radicaux, revendiquant peu d’idéologique et d’économie. Il peut tout dire et son contraire, puisqu’il n’y a pas de publication doctrinale et que les journalistes ne pointent pas les contradictions du parti. Le cœur du RN se fout des questions de frontières, il inaugure le mariage des problèmes sociaux et de la xénophobie, comme lancé par François Duprat «un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop».

Ceux qui n’ont pas accès aux coulisses politiques n’ont pas conscience du degré de copinage en vigueur entre les élus de toutes les droites, encore tabou il y a quelques années.

Marylou Magal et Nicolas Massol

Les droites et les extrêmes droites au Parlement Européen

ID «Identité et »  le groupe réduit dont est membre le RN, est cerné d’un cordon sanitaire de la part des autres partis d’extrême droite, du fait de ses alliés russophiles. Il est notamment composé de l’AFD allemand, du FPO autrichien et de la Lega italienne.

ECR «Conservateurs et Réformistes Européens», créés par les tories (conservateurs britanniques) et les polonais d’extrême-droite du PIS, ont rallié Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni et seront rejoints par Zemmour. Atlantistes, et très libéraux sur le plan économique, ils votent les accords de libre-échange, c’est une des différences entre ID et ECR, avec la question russe.

PPE «Groupe du parti populaire européen» est composé du centre-droit et des droites française et allemande. Les français de Renew – les macronistes – essaient de ne pas trop voter pour ECR mais de fait, ils travaillent ensemble. Sur les élections à venir, reprenant le politiste Cas Mudde, Marion Jacquet-Vaillant évoque la possibilité d’une recomposition des groupes et de leurs idéologies. Les droites, avec l’extrême droite, pourraient avoir la majorité au Parlement mais ne gouverneraient pas forcément ensemble. C’est l’autrichien,  Martin Sellner, ami de Damien Rieu, qui a été formé en France auprès des identitaires, trilingue, qui a exporté l’idéologie identitaire en Autriche, en Allemagne et en Angleterre.

La violence de droite, elle est un sujet obsessionnel dans les milieux de la radicalité de gauche, elle est un non-sujet sur l’ensemble la société française.

Nicolas Lebourg

La violence meurtrière de l’extrême droite

Les jeunes zemmouriens pensent que Génération Z permet de canaliser la radicalité de certains. Génération Identitaire se dit non-violent et prétend mépriser le GUD, néanmoins les liens sont  permanents. Les médias reproduisent le non-dit et ne parlent pas de la violence de l’extrême droite.

La violence d’extrême droite se dirige d’abord contre les personnes, la violence d’extrême gauche  d’abord contre les biens.

Marion  Jacquet-Vaillant citant Nicolas Lebourg

Et le pognon ?

Le RN n’a pas de grand financier, il peine traditionnellement à contracter des emprunts suspects. Ce qui n’est pas le cas de Reconquête pour qui les banquiers Julien Madar et Jonathan Nadler – macronistes d’extrême droite – ont levé des appels de fonds importants. En 2022, c’est 9 millions d’euros, dont des financements publics.

L’émission s’achève sur la question de la joie partagée autour de si graves inquiétudes politiques et la joyeuse équipe d’enquêteurs conclue que ce plaisir découle de la nature et collective et politique de cet espace de pensée. Bel élan du vivant qui s’engage face à ce qui manoeuvre à travers la haine et la domination.

(1) Unité Radicale : organisation politique d’orientation nationaliste révolutionnaire créée en juin 1998,  dissous après l’attentat d’un de ses membres – Maxime Brunerie – sur Chirac en 2002. 

(2) L’Institut de Formation Politique, créé en 2004 à Paris par Alexandre Pesey, Jean Martinez et Thomas Millon.

(3) favorable à l’unification de l’Europe.

(4) relatif à la race et à l’ethnie.

(5) modèle introduit par l’extrême droite néofasciste selon lequel des régions indépendantes divisées par ethnies devraient être établies.

Quatre questions clés

Qu’est-ce que le cordon sanitaire ?

Pratique politique belge, instaurée en deux étapes en 1989 et 1992, visant à exclure les partis politiques d’extrême droite de toute majorité politique. 

Qui est Charles Maurras ?

Un journaliste, essayiste, homme politique et poète français. Il dirige le journal L’Action française, fer de lance du mouvement homonyme, d’inspiration royaliste, nationaliste et contre-révolutionnaire qui devient le principal mouvement intellectuel et politique d’extrême droite sous la Troisième . Sa doctrine prône une monarchie héréditaire, tout en se réclamant antisémite d’État, antiprotestante, antimaçonnique et xénophobe.

Qu’est-ce que l’ethnolibéralisme ?

Une logique ethnique dans un marché libre compensé par des discriminants nationaux, type préférence nationale.

Qu’est-ce que le GUD ?

Le Groupe union défense est une organisation étudiante française d’extrême droite réputée pour ses actions violentes, et très active dans les années 1970. En perte de vitesse depuis les années 1980, le mouvement entre en sommeil en 2002, et est à nouveau réactivé en 2022. 

Plus que jamais! Si Au Poste vous aide à tenir, aidez Au Poste à tenir!
Faire un don
Total
0
Share