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Élisabeth Bouchaud (née Tibi) est une physicienne, actrice et dramaturge française, née le 1er mars 1961 à Tunis. Elle a été salariée du Commissariat à l'énergie atomique et a enseigné à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI). Depuis 2015, elle dirige le théâtre de la Reine Blanche à Paris. Elle a créé en 2019 le théâtre Avignon-Reine Blanche en Avignon, et l'école de formation de l'acteur La Salle Blanche, avec Florient Azoulay et Xavier Gallais. L'ensemble de ces deux théâtres et de cette école constitue les Scènes Blanches.

Elisabeth Bouchaud : aux grandes Femmes, la science reconnaissante!

Elisabeth Bouchaud est une personnalité rare : physicienne, comédienne, metteuse en scène, dramaturge… Lauréate de plusieurs prix scientifiques dont celui de l’Académie des Sciences, Bouchaud a été membre du Commissariat à l’énergie atomique, et a enseigné à l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI).

Depuis 2015, elle dirige le théâtre de la Reine Blanche à Paris, tel un laboratoire du théâtre scientifique, une scène « des arts et des sciences », un lieu où faire épanouir ses deux passions.

S’y joue actuellement la nouvelle création d’Elisabeth Bouchaud : « Les fabuleuses », une trilogie qui rend justice aux femmes scientifiques qui ont changé le cours de l’Histoire… avant que leur travail, puis leur mémoire ne soit spoliée par leurs collègues masculins.
Les hommes triomphent, les femmes pardonnent. Les femmes oublient. Ce temps est révolu. Sur les planches de la Reine Blanche, aux grandes femmes la science reconnaissante !

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À travers son travail de metteuse en scène, Elisabeth Bouchaud nous emmène dans les rouages du monde feutré que sont les sciences. Loin d’être anecdotiques, les parcours de Liz Geithner, Jocelyne Bell et Rosalind Franklin, narrés dans la trilogie « Les Fabuleuses », révèlent un vécu commun, malgré les écarts d’époques et de pays, qui nous font toucher du doigt le systématisme du dénigrement des carrières scientifiques entreprises par les femmes.

Si le nom de ces femmes n’a pas été retenu, ce n’est pas qu’elles n’ont pas fait de découvertes majeures, mais parce qu’elles ont été poussées dans les oubliettes de l’histoire par un système patriarcal qui efface le nom des femmes ; dans quelque soit le domaine, mais en particulier en sciences qui reste un domaine très, très masculin.

Elisabeth Bouchaud

Les femmes invisibilisées

Les contextes sont différents, les processus aussi. Mais le résultat est le même : l’invisibilisation, la spoliation du travail de femmes par des hommes. En situation de supériorité numérique et socialisés comme tels, ces derniers exploitent la faiblesse de la situation de leurs collègues féminines pour s’accaparer leurs travaux.

À qui donne-t-on les postes les plus en vue ? Qui est autorisé à publier dans les revues scientifiques ? Qui sait se mettre en avant dans une éventuelle nomination au Prix Nobel ? Dans cette compétition permanente à la reconnaissance et à la lumière, inhérente au milieu, les filtres sociaux se dressent les uns après les autres entre le travail de recherche et la publication de résultats. Les femmes scientifiques vivent avec un syndrome de l’imposteur qui les empêche de se battre à la hauteur de leur contribution. Et quand elles ont le malheur d’avoir une « double tare », comme la judaïté de Liz Geithner dans l’Allemagne des années 1930 ou l’origine irlandaise de Jocelyne Bell dans les milieux universitaires du Sud de l’Angleterre, elles se retrouvent d’autant plus exposées aux bassesses de ceux qui sont en position de force. Ce phénomène d’invisibilisation des femmes scientifiques a été nommé « effet Matilda ».

Je pense qu’il faut arrêter de se priver de la moitié de l’intelligence du monde. C’est évident que chaque personnalité, et en particulier les femmes, va apporter une vision différente de la science, et donc découvrir des choses nouvelles. […] Au-delà des femmes, l’inclusion des minorités ethniques ou sociales est loin d’être une réalité, et encore une fois, quand on a des backgrounds culturels différents, on peut voir des choses différentes et découvrir ce qui ne serait pas découvert par des gens qui ont tous peu ou prou le même bagage culturel.

Elisabeth Bouchaud

Une spoliation ordinaire

Elisabeth Bouchaud raconte dans le détail comment, tantôt consciemment et de manière éhontée, tantôt de manière plus subtile voire inconsciente, ces opérations de spoliation ont eu lieu. Qu’ils le veuillent ou non, les hommes et les femmes vivent avec des assignations de genre qui les poussent à se conformer à ce qu’on attend d’elles et eux. Se retourner, relire l’Histoire de la science avec ce regard critique, y reconnaître à sa juste valeur l’apport des femmes, est un préalable si l’on veut se débarasser des dynamiques sexistes qui entravent l’avancée scientifique, et avant toute chose, polluent les carrières des femmes en fonction aujourd’hui, comme peut en témoigner directement notre invitée. 

Quand on est une femme, il faut travailler deux fois plus pour être crédible. Donc ça, je pense que c’est général et ça s’est appliqué à moi comme à bien d’autres. […] Tant que j’étais étudiante ou jeune chercheuse, j’avais des remarques sexistes sans arrêt, mais ça n’a pas entravé le cours de mes recherches… jusqu’au moment où je suis devenue chef de service. Alors là, ça a été très compliqué pour certains hommes de supporter qu’une femme soit leur chef, dans ce domaine scientifique où les femmes sont minoritaires.

Elisabeth Bouchaud

Selon elle, le mouvement #MeToo a au moins permis d’établir le problème, de faire surgir certains noms de femmes scientifiques jusqu’alors inconnus. Malgré tout, l’évolution des moeurs reste très lente, surtout à l’intérieur de la communauté scientifique, où, comme soulevé dans le tchat, « toutes les personnes du milieu ont pu observer des relations d’emprise et de harcèlement entre directeurs de thèse et thésardes ».

Avant même d’arriver à faire de la science, dès le cours préparatoire, on constate une autocensure des jeunes filles, alimentée par le manque d’exemples connus mais aussi par un système éducatif qui prône la compétition de plus en plus tôt, à travers les réformes successives du baccalauréat : aujourd’hui, le nombre de femmes qui se lancent dans un cursus scientifique en France est en train de régresser. Pour faire évoluer les mentalités, le théâtre peut être un outil. Le témoignage d’Elisabeth Bouchaud aussi.

La colère, il ne faut pas la retenir. Il y a des colères saines. Et il faut que les femmes se fassent entendre. On disait tout à l’heure que les hommes se battent et les femmes pardonnent : ça, c’est une assignation de genre. Il faut refuser les assignations de genre si elles nous font souffrir, si elles mènent à l’invisibilisation des femmes. Je crois que j’encouragerais aussi les hommes à refuser l’agressivité comme assignation. Et ce n’est pas forcément ce que, au niveau individuel, les hommes souhaitent. Et s’ils ne le souhaitent pas, il faut le refuser. Donc il faut exprimer cette colère.

Elisabeth Bouchaud

Trois questions clés

De quelles femmes parle la trilogie « Les Fabuleuses » ?

Le premier épisode des « Fabuleuses » retrace la vie de Liz Geithner, physicienne autrichienne née à la fin du XIXe siècle et qui a largement contribué à la découverte de la fission nucléaire ; le second retrace la vie de Jocelyne Bell, astrophysicienne irlandaise ayant découvert les pulsars ; le troisième épisode relate celle de Rosalind Franklin, physico-chimiste britannique dont les travaux sur l’ADN sont à l’origine de la biologie moléculaire moderne.

Où peut-on voir les pièces d’Elisabeth Bouchaud être jouées ?

Le troisième épisode des « Fabuleuses », écrit et mis en scène par Elisabeth Bouchaud, est joué au théâtre La Reine Blanche, à Paris, du 07 mai au 09 juin 2024, et les trois premiers épisodes seront joués au festival Off Avignon 2024 du 03 au 21 juillet 2024.

Y’aura-t-il d’autres épisodes dans la série « Les Fabuleuses » ?

Une quatrième pièce est en préparation autour de l’histoire de Marthe Gautier, pédiatre française ayant découvert la trisomie 21. Une cinquième pourrait voir le jour au sujet de Katalin Karikó, chercheuse hongroise à l’origine de l’utilisation de l’ARN messager pour les vaccins.

Bonjour colère 22 avril 2024  avec  Elisabeth Bouchaud    

Retranscription: Rolland Grosso / Trint

Aux grandes femmes la science reconnaissante

Pauline Todesco[00:00:13] 

Bonjour, les aupostiens amis du café des féminismes, amis de la science, amies des femmes scientifiques qui ont eu le courage, à travers l’histoire, d’œuvrer dans un monde aussi masculin et qui ont aussi le talent pour sonder les mystères de l’univers et des atomes. Bienvenue sur Bonjour Colère, notre nouvelle émission mensuelle dédiée aux luttes féministes et nous avons le plaisir d’accueillir ce matin madame Elisabeth Bouchaud. Bonjour Élisabeth, Merci d’être avec nous aujourd’hui. 

Elisabeth Bouchaud [00:00:44] 

Bonjour Pauline, bonjour les aupostiens es. 

Pauline Todesco[00:00:48] 

Alors, Elisabeth Bouchaud, vous avez eu deux vies. Vous êtes d’abord physicienne, spécialisée dans la mécanique de la rupture. Vous avez publié plus d’une centaine d’articles scientifiques. Vous êtes lauréate de plusieurs prix scientifiques. Vous avez travaillé à Haut Commissariat à l’énergie atomique et depuis fin 2018, vous avez stoppé cette carrière pour vous consacrer à plein temps à votre seconde passion depuis toujours le théâtre. Vous êtes donc aujourd’hui dramaturge, comédienne, metteuse en scène et directrice du théâtre La Reine Blanche à Paris, où vous mêlez vos deux amours pour créer ce que vous appelez un théâtre scientifique qui, comme dans un laboratoire, cherche à rendre visible l’invisible, non pas par les sciences, mais par la scène. Et c’est particulièrement ce qui est en jeu dans votre trilogie Les Fabuleuses qui se joue en ce moment et qui rend justice à des femmes oubliées, méconnues, qui ont pourtant changé la face du monde. Alors pourquoi pouvez-vous nous raconter en quelques mots de quelle femme parlent ces trois pièces et pourquoi avoir choisi ces trois là en particulier? 

Elisabeth Bouchaud[00:01:51]

 Alors le premier épisode retrace la vie et l’œuvre de Liz Geithner, qui était une physicienne autrichienne née à la fin du XIXᵉ siècle et qui a compris le mécanisme de la fission nucléaire. C’est à dire que les noyaux des atomes peuvent, sous impact d’un neutron, se casser en deux en libérant une énergie considérable. Alors elle a un destin rocambolesque. Tout à fait tragique pendant la deuxième guerre mondiale, c’est une femme qui a un niveau moral et éthique très supérieur à la moyenne puisque, bien qu’étant une physicienne très reconnue pendant la deuxième guerre mondiale et bien sûr du côté allié, elle a refusé de faire partie du projet Manhattan parce qu’elle ne voulait pas œuvrer à une arme de destruction massive de l’humanité. Enfin, c’était une femme exceptionnelle, à beaucoup de points de vue, mais en particulier pour sa découverte et elle a collaboré pendant très longtemps avec un chimiste allemand qui s’appelait Auto Hahn, qui lui a eu le prix Nobel de chimie pour la découverte de la fission nucléaire. Elle a été présentée 49 fois aux prix Nobel et elle ne l’a jamais eue. En revanche, elle qui a refusé de fabriquer la bombe, on l’a appelée la mère de la bombe atomique. Et comme elle était juive, on l’a même appelée la mère juive de la bombe atomique. Évidemment, quand il y a un monstre, il faut une mère, il faut une femme à l’origine de tout ça. Donc c’était elle qui était la victime désignée de cette de cette opprobre. Donc voilà, c’est un destin à la fois tragique et extraordinaire, une personne tout à fait hors du commun et finalement la fission nucléaire et fait partie des découvertes qui ont complètement changé la face du monde. Il y a eu un avant et un après. Donc il me paraissait absolument nécessaire que le public connaisse cette femme et connaisse cette histoire et les conditions de la découverte de cette fission nucléaire. Donc c’est pour ça que c’est mon premier épisode, ça s’appelle Exil intérieur. 

 Le deuxième épisode de la série est consacré à une astrophysicienne irlandaise qui a aujourd’hui 80 ans et qui est toujours avec nous. Qui s’appelle Jocelyne Bell et qui, à la fin des années 60, pendant qu’elle faisait sa thèse à l’université prestigieuse de Cambridge, a découvert un phénomène astrophysique d’une très grande importance qui s’appelle les pulsars, qui sont des signaux envoyés par les étoiles à neutrons. Et pour cette découverte qui était la sienne, dont elle a eu beaucoup de mal à convaincre son patron de thèse, Anthony Uche. Eh bien, c’est Anthony Roy qui a eu le prix Nobel de physique en 1974. 

Pauline Todesco[00:05:13]

 Alors peut être qu’on peut mettre la bande annonce si c’est si c’est tout bon. Donc, de la deuxième pièce qui s’appelle Prix Nobel no apostrophe Bell, le nom de famille de de la fille de l’astrophysicien. Oui, c’est bien ça. 

David Dufresne[00:05:32] 

La régie est prête. Bref, vous ne l’entendez pas? 

Speaker 2 [00:05:44] Ok. 

Elisabeth Bouchaud[00:05:45] 

D’accord. 

Bande Annonce

 C’est fou. Mais ça se lit parfaitement. Oui, c’est comme ça que ça faisait si mal à cause de sa structure. 

 Par contre, les nouveaux n’y comprennent quoi que ce soit. Ça ne sert à rien. Nous venons de faire une. découverte majeure des objets cet étranger. 

Ce sont des écoles. de  Physique à Cambridge s’intéresse à la. Comme si cette découverte était la sienne. Comme si je n’existais pas. Les femmes scientifiques sont véritablement des extraterrestres. La petite femme dit. 

 C’est notre projet de fonder une famille. Vous devez. Suivre son cours. 

 Tu comprendras l’intelligence. C’est son prix. Le professeur A. Je viens de recevoir le prix Nobel. Mon refus de moi a toujours été le signe.  

Pauline Todesco [00:07:18]

 Donc voilà, on vient de voir la bande annonce du deuxième volet. Comme je le disais, s’appelle le prix Nobel. Et. Et donc la troisième n’est pas encore en représentation, mais très bientôt. Et alors? De qui parle t elle?

Elisabeth Bouchaud[00:07:33]

 Alors la trois, le troisième épisode qui sera créé à la Reine Blanche le 7 mai prochain concerne Rosalind Franklin Rosalind Franklin était une physico chimiste britannique qui était spécialiste des rayons X et qui a travaillé sur la structure de l’ADN. C’est elle qui a découvert la structure en double hélice de l’ADN et c’est une découverte évidemment tout à fait fondamentale, qui est à l’origine de toute la biologie moléculaire moderne. Et cette fois, c’est une histoire encore plus terrible que les deux précédentes, parce qu’on lui a volé, mais vraiment volé. Deux résultats majeurs issus de ses expériences qui ont permis à Maurice Wilkins, Francis Crick et James Watson d’obtenir le prix Nobel de médecine pour une découverte qui était celle de Rosalind Franklin  La structure encore une fois en double hélice de l’ADN. Ils ont obtenu le prix Nobel de médecine en 1962, alors Rosalind Franklin , qui ne se protégeait pas et qui travaillait sans arrêt avec ses rayons X, est décédée en 1958. Mais à l’époque, on aurait pu lui décerner le prix Nobel à titre posthume. C’est donc un choix délibéré du comité Nobel de ne pas l’avoir fait, puisque la règle en vertu de laquelle il est impossible de décerner un prix Nobel à titre posthume date de 1974. 

Pauline Todesco[00:09:08]

 Alors pour commencer à. Développer ensemble ces différents processus et ces différentes fois qui sont si nombreuses où des femmes ont été spoliées de leurs travaux. Pour commencer, comme on dit. Une question un peu provocatrice Mais voilà, pour entrer dedans, que peut on répondre à ceux qui disent que si l’histoire n’a pas retenu beaucoup de noms de femmes scientifiques, on y reviendra plus tard. Mais c’est que les femmes, c’est tout simplement que cela correspond à la réalité et que les femmes n’ont pas joué un rôle majeur dans la science. Là, on vient d’évoquer trois exemples, mais on va dire de manière plus, plus systémique, plus globale. Que peut-on répondre à quelqu’un qui penserait ça? 

Elisabeth Bouchaud[00:09:54]

 Mais je crois qu’il faut montrer que c’est totalement faux. Donc il faut aller faire des recherches sur ce qui s’est réellement passé. Et je trouve que c’est très important de dire l’inverse de ce que vous venez de dire, c’est à dire de montrer que si le nom de ces femmes n’a pas été retenu, ce n’est pas qu’elles n’ont pas fait de découvertes majeures, c’est parce qu’elles ont été poussés dans les oubliettes de l’histoire par un système patriarcal qui efface le nom des femmes, quel que soit d’ailleurs le domaine, mais en particulier en science qui reste un domaine très très masculin. Et je trouve que ça, et c’est une de mes motivations pour avoir entrepris cette série théâtrale. C’est très important pour les filles qui ont envie de faire des sciences et qui souvent s’autocensurent parce qu’on les persuade qu’elles n’en sont pas capables parce que ce sont des femmes. Et ça, c’est totalement faux. Et ce qui m’intéresse dans la série aussi, c’est que a évoqué ces trois, ces trois premières femmes, il y en aura d’autres, c’est que elles ont vécu finalement dans des environnements très différents, à des époques assez différentes, dans des pays différents. Et pourtant l’histoire est toujours la même. On voit des hommes qui se battent pour obtenir la première place, parfois honnêtement, parfois beaucoup moins honnêtement. Et puis des femmes qui sont réduites au silence en fait. Parce que vous savez bien que si une femme se met à dire C’est moi qui ai fait cette découverte, je me bats pour me faire reconnaître. Elle est tout de suite hystérique, acariâtre. Enfin voilà, ce n’est pas du tout ce qu’on attend d’une femme, ce n’est pas cette attitude là. En tout cas, c’est ce qu’on attendait. Heureusement, on a fait quelques progrès, mais voilà. Et finalement, regarder les choses d’un peu haut, c’est à dire regarder la série et non pas chaque épisode particulièrement, nous permet de voir que c’est un système qui réduit les femmes au silence, à l’invisibilité

. Parce qu’on peut toujours dire Lise n’a pas eu le prix Nobel. Ah bah oui, être juive en 1938, ce n’était pas forcément facile possible. On a été étudiantes, on va donner le prix Nobel à une étudiante Rosalind Franklin. Bah elle est morte. Donc on peut toujours trouver des circonstances particulières au fait que ces femmes ont été évincés. Mais je crois qu’en regardant l’ensemble de ces histoires, on se rend compte que c’est simplement un système qui invisibilité ces femmes. 

Pauline Todesco [00:12:55] 

Mais justement, en parlant de système, une fois que l’on a vu les trois pièces, alors je n’ai pas pu voir la troisième. Mais en en prenant connaissance comme vous dites, on réalise qu’il n’y a pas forcément que les histoires ne sont pas les mêmes, que ce qui se produit au final est le même. En revanche, j’ai l’impression, là, la façon dont ce dont cette invisibilisation s’opère n’est pas la même à chaque fois. Déjà parce que, comme vous le disiez, ce n’est pas toujours la même situation. Dans la première, il y a tellement ce contexte d’antisémitisme énorme que ça a sa place, évidemment dans un contexte peut être le plus particulier possible et la seconde dans le second. Elle est étudiante. Dans le troisième, en revanche, elle n’est. Comment dire? Elle est une scientifique respectée et elle n’a pas ce statut d’étudiante. Donc on réalise qu’il n’y a pas forcément le même procédé qui s’applique à chaque fois pour cette spoliation. C’est un peu plus subtil. Pouvez-vous nous raconter de quelles différentes façons dans ses pièces? Et peut être si vous avez d’autres exemples, c’est bienvenu aussi comment de différentes façons, on arrive au même point. Ce lieu où le travail d’une femme n’est plus vraiment le sien en fin de compte. 

Elisabeth Bouchaud [00:14:18]

 Alors dans la première pièce, donc limitée, elle travaille à Berlin avec son collaborateur ottoman qui est chimiste et il travaille d’abord sur la radioactivité. Ils travaillaient ensemble pendant 30 ans. Alors elle arrive en fait à Berlin en 1907 et en 1933, Hitler devient chancelier d’Allemagne. Sa situation elle est juive d’origine, elle est convertie au protestantisme. Et ça, pour les nazis, la conversion n’a que peu d’importance. Donc il la considère comme juive. Elle se sent protégée quand même par plusieurs choses. Elle est autrichienne, elle n’est pas allemande. Elle travaille dans un institut qui s’appelle l’Institut Wilhelm Kaiser, qui est un institut de droit à la fois privé et public. Donc ce n’est pas exactement comme les universités où c’est que dès avril 1933, tous les professeurs juifs ont été démis de leurs fonctions des universités allemandes. Et puis elle a servi pendant la Première guerre mondiale du côté austro allemand, enfin, finalement en étant infirmière sur le front en 1915 et 1916. Donc elle se sent protégée, elle ne part pas et elle met en place des expériences où on bombarde des noyaux atomiques avec des neutrons. C’est elle la tête pensante de la mise en place de ces expériences. Mais en 1938, elle est vraiment. Après l’Anschluss, après l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne en mars 1938, elle est vraiment obligée de partir. Elle est vraiment en danger et des physiciens à l’échelle internationale essayent de comprendre comment on peut exfiltrer Liz maintenant d’Allemagne. Donc elle s’enfuit. Avant que les résultats de ses expériences soient analysés. Ils sont analysés par Autobahn et Fritz Grassmann qui est un chimiste qu’elle et Autobahn ont recruté pour travailler avec eux. Et puis Auto Rahn lui rapporte des résultats. Très étonnant ses expériences qu’il ne comprend pas et il lui demande à elle d’y réfléchir. Elle y réfléchit et en discutant avec son neveu qui est aussi physicien, Otto Robert Frisch, eh bien elle arrive à comprendre cette chose impensable à l’époque que les noyaux des atomes peuvent se casser en libérant une énergie considérable. C’est la fission nucléaire. Donc elle intervient à deux niveaux la mise en place des expériences et la compréhension du mécanisme. Donc elle aurait eu droit à avoir le prix Nobel, mais le comité Nobel en 1944 décide de l’octroyer aux seuls Ottomans. Et ça, c’est une question incroyable. Comment on a pu aussi donner le prix Nobel à quelqu’un qui est resté avec l’Allemagne nazie qui n’était pas nazie lui même, il n’a jamais eu sa carte du parti nazi, etc. Mais tout de même, il y a un personnage assez ambigu et ne pas le donner à Liz maintenant donc. Voilà les circonstances de cette de cette chose là. Je pense qu’après la guerre, si elle avait si elle n’avait pas été une femme, on aurait peut être reconnu son mérite et on lui aurait donné le prix Nobel de physique. On avait donné le prix Nobel de chimie à Hans. On aurait pu. Mais comme, comme dans beaucoup de cas, elle avait une double tare elle était juive et elle était femme. Et elle n’a jamais été récompensée, en tout cas à ce niveau là, pour ses découvertes. Donc voilà les premières circonstances. En ce qui concerne Jocelyne, bel et bien. Après avoir mis un certain temps à convaincre son patron de thèse, Anthony Which que ce résultat a. Le résultat qu’elle avait obtenu était intéressant. Eh bien, une fois qu’il a été convaincu, il a écrit un papier, un article dans la prestigieuse revue Nature. Où son nom à lui apparaît en premier, celui de Jocelyne Bell en deuxième. Donc. Il se met en avant. C’est lui qui donne les conférences et Jocelyn Bell, petit à petit, est effacé complètement. Et ce qui est intéressant, c’est que jusqu’à la fin de ses jours, il nous a quittés. Il y a, je crois, deux ans à peu près, en tenue rouge jusqu’à la fin de ses jours. Il disait Il ne faut pas confondre l’équipage et le capitaine. Quand Christophe Colomb a découvert l’Amérique, c’est Christophe Colomb qu’on a crédité de cette découverte et non pas à la vigie qui, en haut du mât, a dit Terre terre. Donc voilà, sa comparaison voyait du travail de chasse imbécile et de sa position à lui, ce qui est quand même relativement scandaleux. Donc voilà d’autres circonstances, mais en fin de compte, on a eu des hommes odorants d’un côté et Anthony rouge de l’autre, qui se sont mis en avant sans scrupule, sans non plus voler les résultats. On ne peut pas dire qu’il y a eu vol de résultats et un comité Nobel qui a ignoré le travail de ces femmes et ces femmes, qu’est ce qu’elles ont fait l’une et l’autre? Elles ont dit Oh, il y a il y a plus grave dans la vie. C’est peu, ce n’est pas important. Une belle a dit Je suis très heureuse parce que c’est la première fois que le comité Nobel reconnaît l’astrophysique. Et pourquoi elles ont réagi comme ça? Parce qu’une femme ne peut pas réagir, en tout cas à l’époque, ne pouvait pas réagir autrement. Parce que on les aurait traité de tous les noms d’hystériques. Voilà. Il faut, il faut s’effacer, il faut pardonner, Il faut être gentil, Pas papa, pas crier sa colère. Aujourd’hui, on peut espérer que les choses ont changé. En tout cas, on peut crier. Mais à l’époque, c’était que c’était ça. Et elles ont eu des réactions dans des circonstances très différentes et absolument similaires. 

Pauline Todesco[00:21:40]

 Oui, ça c’est le point commun, comme on disait. Le processus de spoliation, si on peut dire ça comme ça, n’est pas le même et les réactions sont vraiment les mêmes. Et quand on voit les pièces, on peut même être un petit peu frustré. Mais j’imagine que c’est aussi voulu parce que ça, ça suscite l’intérêt. Être frustré par le je le dis durement pour. Pour marquer la chose, mais par le manque de combativité et parce qu’on se dit elles sont tellement incroyables, ont tellement fait, elles devraient être tellement sûres d’elles et au final. Alors pas forcément chez Liz maintenant, mais chez Jocelyne Bell qui est étudiante à ce moment là. Qu’est ce qu’on ressent? Un manque de haine, un sentiment chez elles? De manque de légitimité? Je Presque. Je ne suis qu’une Irlandaise, Je le suis. Je ne suis qu’une étudiante. Voilà. Je ne suis pas assez quelqu’un pour me mesurer à lui. Et puis il y a le manque d’assurance. Je n’ose pas, je n’ose pas lui en parler. Donc c’est même au delà peut être de ce truc de euh. Comme vous dites. De peur d’être traitée d’hystérique, c’est à dire même simplement de se dire, on a l’impression qu’elle doute même que c’est grâce à elle que l’article a été écrit. Par exemple, elle en vient à douter de ce qu’elle a produit. 

Elisabeth Bouchaud [00:23:08] 

Absolument. Alors je disais tout à l’heure que souvent ces femmes ont une double tare. Je suis une belle Irlandaise du Nord, se considérait comme pas à sa place à l’université de Cambridge parce que les Anglais du Sud considèrent les Irlandais un peu comme des sauvages. Et donc, elle, elle avait cette. Ce double syndrome de l’imposteur d’être finalement socialement pas à sa place et d’être, d’être un aliène pour employer un terme anglais, parce que c’était une femme dans un milieu presque exclusivement masculin. Donc beaucoup, beaucoup de femmes, dont beaucoup de chercheurs de manière générale, pour être honnête, ont ce syndrome de l’imposteur parce qu’on passe son temps à ne pas comprendre. Et une fois qu’on a compris, on a l’impression que c’est évident. Donc on a l’impression de ne pas être bon. Et c’était une des probablement un des aiguillons de la carrière des chercheurs. Mais les femmes, dans les milieux en tout cas très masculins, comme la physique, les mathématiques, se sentent, se sentent tellement différentes de leur entourage qu’elles se sentent déplacées et elles ont ce syndrome de l’imposteur. Qu’est ce que je fais ici? Je n’appartiens pas au monde où j’évolue. 

Pauline Todesco [00:24:47] 

Et derrière ce syndrome de l’imposteur, on pourrait se dire je ne sais pas qu’il est simplement. Alors simplement, c’est pour aller vite, mais qu’il est simplement issu de la socialisation en général des femmes. Mais justement, par exemple, dans la seconde pièce, prix Nobel, elle raconte, et c’est assez poignant, comment elle a été traitée à l’université par ses camarades masculins. Est ce que vous pouvez décrire ça? Et en quoi c’est totalement lié en fait, le syndrome de l’imposteur parce qu’il a été créé de toute pièce très de façon très tangible.

Elisabeth Bouchaud [00:25:22] 

Tout à fait. Alors elle raconte qu’elle était la seule fille à faire de la physique à l’université de Glasgow, parce qu’avant Cambridge, elle a eu son on pourrait dire son master à l’Université de Glasgow. Et quand elle entrait dans un amphi pour aller suivre ses cours, tous les garçons se mettaient à taper des pieds. Et elle se sentait pour le mieux. Pour le moins. Elle ne se sentait pas bienvenue dans cet amphi. Elle sentait qu’elle n’était pas à sa place. Elle n’était pas admise par ceux qui auraient dû être ses pairs et qui la considéraient comme une intruse. Et ce qui était pire encore, c’est que les profs faisaient semblant que rien ne se passait, donc personne ne leur disait rien, à ce garçon qui tapait des pieds. Donc elle se sentait délaissée de toute part, en proie à sa propre solitude. Enfin, on peut imaginer comment une jeune femme d’une vingtaine d’année peut se sentir dans une danse dans ces circonstances là. Et pourtant, elle a continué à travailler et elle a si bien réussi qu’elle a eu une bourse pour partir à Cambridge. 

Pauline Todesco [00:26:41] 

C’est ça? Et justement, au même, à ce moment là, elle confie à son ami qui est le troisième personnage de la pièce et qui rajoute vraiment un côté très humain, parce que c’est ça aussi Tout l’enjeu, c’est qu’on parle d’astrophysique pendant toute la pièce, et en même temps, il faut passer par l’émotion, comme vous expliquez souvent. Et donc ce personnage est vraiment là pour ça, pour humaniser le tout. Donc ce personnage de son ami qui s’appelle Jeannette lui dit euh pardon. Jocelyn Bell dit à Jeannette oui, j’ai une bourse, mais justement ils acceptaient parce que j’ai la bourse. Et quand ils se rendront compte que je suis une imposture, ils vont me virer. Et ce qui est absurde, si t’as eu une bourse, si c’est justement que ton travail méritait d’être là. Mais en fait, c’est limite l’argument pour s’inquiéter de sa prochaine et future comme on dit. Il faudrait qu’elle se réveille prochainement. 

Elisabeth Bouchaud [00:27:38] 

Oui, oui, tout à fait. C’est parce qu’elle a eu une bourse irlandaise, donc elle arrive à Cambridge gratuitement. Finalement pour ses profs, c’est de la main d’œuvre gratuite. Donc elle le dit main d’œuvre gratuite venant des contrées reculées du pays. Ils m’ont accepté. Mais en fait quand ils vont se rendre compte que je ne suis pas au niveau, ils vont me virer. Donc elle a travaillé, mais comme une folle. Tout le temps, absolument tout le temps. Mais il n’y a pas que le fait de travailler qui l’a amenée à ses résultats. Il y a l’intelligence de remarquer qu’il y a un signal bizarre que ce n’est pas la première fois qu’elle le voit. Il y a la ténacité qui fait qu’elle, elle ne veut pas laisser tomber. Elle aurait pu se dire bon, ce n’est pas ce que je cherche, je m’en fiche de ce signal bizarroïde. Moi je cherche un autre type de signal, c’est le sujet de ma thèse. Et donc je continue à faire les recherches pour lesquelles j’ai été recrutée finalement. Et je me fiche de ce petit signal, non. Elle a eu cette ténacité, cette curiosité et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. C’est un. C’est vraiment sa personnalité à elle, c’est son talent. Et ça, elle le minimise tout le temps. En tout cas, elle le minimisait à l’époque. 

Pauline Todesco [00:29:14] 

Et justement, à propos de ce regard différent. Donc il y a ce syndrome de l’imposteur dont on parle, mais à un moment donné, je crois que c’est vers le milieu fin plutôt fin de la pièce. Elle dit que si elle a réussi à voir ce qu’elle a vu, c’est aussi alors je sais plus elle ou c’est cette Jeannette qui le dit, mais c’est de cette voix sont toutes les deux que si elle a réussi à avoir ce qu’elle a vu, c’est aussi parce qu’elle était porteuse justement de ce regard différent d’Irlandais, comme a dit fille de Quakers. Est ce que le fait qu’il y ait une minorité moins de femmes que d’hommes dans les milieux scientifiques, mais surtout qui non seulement moins de femmes, mais peut être pas assez issus de milieux différents, est un frein à la recherche scientifique, selon vous? 

Elisabeth Bouchaud [00:30:02] 

Moi je pense qu’il faut arrêter de se priver de la moitié de l’intelligence du monde. C’est évident que chaque personnalité. Et en particulier les femmes, vont apporter une vision différente de la science, vont regarder les choses autrement et donc vont découvrir des choses nouvelles. Et il faut arrêter de se priver de cette dose, de cette richesse immense pour la science. Et c’est vrai que Jocelyne Bell, donc, qui n’a pas eu le prix Nobel, a eu des prix de tout. Catégorie. Moi, j’ai eu la chance de la rencontrer et de l’écouter quand elle a eu le Grand Prix de l’Académie des Sciences française qui est la distinction la plus élevée qu’on puisse donner à un étranger ou à une étrangère. Et elle a eu aussi le break surprise américain qui est accompagné de la modique somme de 3 millions de dollars. Eh bien, cette grande dame n’a pas touché 0,01 € de ces 3 millions de dollars. Elle a donné à l’Institut de physique pour créer des bourses de thèse pour les étudiants issus des minorités, les femmes, mais pas qu’eux. Parce que, effectivement, il faut bien dire que l’inclusion des minorités au delà des femmes, minorités ethniques ou minorités sociales, des gens qui viennent de milieux plus défavorisés, eh bien cette inclusion est loin d’être une réalité et il faut l’encourager. Parce qu’encore une fois, quand on a. Des backgrounds culturels différents, on peut voir des choses différentes et découvrir ce qui ne serait pas découvert par des gens qui sont dans le mainstream, qui ont tous peu ou prou le même bagage culturel. Donc. Elle a raison et elle dit je l’ai fait, je l’ai fait. Pas seulement par générosité, mais pour encourager les gens qui ne sont pas inclus en général par la science et qui vont avoir un regard différent. 

Pauline Todesco [00:32:30] 

Dans ce processus où. L’histoire avec un grand H ne nous retient pas, nous retient pas encore et pas assez. Les femmes scientifiques. Il y a quelque chose qui qui a un nom qui s’appelle l’effet Matilda et qui j’imagine, concerne ces trois femmes dans la trilogie. Est ce que vous pouvez nous en parler? 

Elisabeth Bouchaud [00:32:58]

 Oui. Alors l’effet Matilda qui a été. Nommé par une journaliste américaine, Eh bien, c’est justement l’invisibilisation des femmes scientifiques au profit de leurs collègues masculins. C’est. C’est exactement ce dont ont souffert Liz Metzner, Jocelyne Bell, Rosalind Franklin et d’autres. Et c’est Si on a donné un nom à ce phénomène, c’est qu’il est justement extrêmement courant, malgré les circonstances particulières de cette de cette invisibilisation. Suivant les époques, suivant les pays, suivant les circonstances particulières, l’âge de la capitaine et la vitesse du vent. 

Pauline Todesco [00:33:56]

 C’est important de parler d’aspect systémique, parce que du coup, quand on regarde les trois pièces. Donc encore une fois, dans l’ensemble, on a l’impression alors peut être pas certaine personne dans la troisième pièce, notamment Watson Wilkins aussi d’ailleurs, qui met Watson est vraiment un personnage extrêmement antipathique et extrêmement beauf. En fait, il est très. Je ne sais même pas comment vous pouvez dire. Il est très méprisant, condescendant, paternaliste avec Rosalind Franklin, mais dans les deux premières pièces Auto et et les Witches, ils n’ont pas l’air, comme on dit, fondamentalement mauvais, mal intentionnés, et on n’a pas l’impression que ce sont les mauvaises personnes. Et pourtant, il arrive que ce que nous avons décrit, voilà, c’est cette espèce de spoliation. Qu’est ce que vous qui avez écrit ces pièces qui avaient travaillé sur ces histoires, Qu’est ce qui se passe selon vous? Qu’est ce qui se joue pour eux dans leur conscience? Est ce qu’ils sont conscients de faire ce qu’ils sont en train de faire? Est ce que c’est intentionnel? Est ce qu’ils ne s’en rendent pas compte? Est ce que pour eux, c’est normal? Qu’est ce que vous pensez de ces de ces hommes là? 

Elisabeth Bouchaud [00:35:16]

 Je pense que c’est tout à fait normal. On parlait tout à l’heure de ce que je disais sur Christophe Colomb et la vigie en haut du mât. Pour lui, c’est tout à fait normal, c’était le chef. Finalement, c’est à lui que vont les honneurs. C’est tout à fait normal. Et il l’a. Il est très paternaliste. Vous l’aurez vu dans la pièce, c’est un bon papa qui lui dit Il faut choisir entre une vie de famille et une carrière scientifique quand on est une femme. Moi qui suis un homme, évidemment, je peux faire les deux puisque j’ai une femme à la maison qui va s’occuper des enfants, des courses, du ménage, du chien, de tout. Donc, c’est un. Il l’aime bien, Jocelyne Belle. Il reconnaît qu’elle a du talent, lui, il est. Et lui, dans son discours Nobel, il la cite abondamment mais comme un bon papa. C’est quand même. C’est quand même grâce à lui que tout arrive, quoi. Et quant à Otto Hahn, il a beaucoup de respect pour Popo, pour les mineurs scientifiques. Il lui demande son avis. Il veut qu’elle réfléchisse à ce qu’il a trouvé, que lui ne comprend pas et qu’elle finit effectivement par comprendre. Donc il n’est pas méchant, mais il est conscient que quand même, c’est un homme et on le voit au début de la pièce, c’est lui qui lui apprend qu’elle a été nommé professeur première femme en Allemagne. C’est lui qui lui dit Je suis fier de toi. Quoi? Il est fier d’elle? C’est il va pas été fier d’elle, ce n’est pas lui qui l’a fabriqué. C’est. Voilà. C’est un système dans lequel ils sont englués. Donc ils se disent pas du tout c’est mal ce que je fais. Au contraire, je suis gentil, je donne des conseils, je suis fier de. De ma collègue et en quoi je lui offre des fleurs pour la féliciter. Enfin voilà. 

Pauline Todesco [00:37:38]

 Ils ont peut être même l’impression de lui donner une chance, notamment. Et oui, avec Jocelyne Bell qui est son étudiante, je lui ai permis de se révéler. Mais par contre, dans la troisième pièce qui est si je ne dis pas de bêtises, l’époque la plus moderne, c’est ça? 

Elisabeth Bouchaud [00:37:55] 

Euh non, non, c’est la deuxième, C’est la deuxième. 

Pauline Todesco [00:37:59] 

Mais. Je me trompais. Mais en revanche, cette fois, on n’est pas dans un cas comme on vient de le décrire, puisqu’il y a il y a le vol. Et donc là, j’imagine, constitue quand même pas dans cette inconscience, dans cette subconscience, dans l’acte. Ils sont très conscients de ce qu’ils sont en train de faire et qu’ils font deux fois. 

Elisabeth Bouchaud[00:38:23]

 Oui, qu’ils font deux fois puisqu’ils volent la fameuse photographie 51 que tout le monde peut trouver en tapant sur un moteur de recherche. Photographie 51 saute aux yeux et un rapport remis au Medical Research Council qui n’aurait jamais dû être donné à Crick et Watson. Donc là, la chose est beaucoup plus violente parce qu’effectivement c’est du vol. Et là. On est plus tard temporellement que dans l’histoire de Liz Macnair. Et ce n’est pas une étudiante, donc c’est une concurrente. Rosalind Franklin, c’est une concurrente. Il voudrait bien travailler avec elle, travailler avec elle. Elle ne voit pas l’intérêt, elle, de travailler avec eux parce qu’elle est tout à fait capable d’interpréter ces résultats expérimentaux toute seule. Mais eux, ils ont besoin des expériences pour bâtir leur modèle, donc ils ont besoin d’elle. Elle n’a pas besoin d’eux. Donc elle refuse une collaboration dans lequel de toute façon, on peut imaginer qu’elle aurait été noyée, invisibilisée aussi. Elle refuse cette collaboration. Donc ils n’ont plus qu’un choix, c’est voler les résultats. Et ils le font à trois Wilkins, Crick et Watson de façon éhontée. 

Pauline Todesco [00:40:02] 

Et ce qui est terrible, c’est que aujourd’hui, des personnes, même universitaires, 

scientifiques, connaissent le nom de criquet Watson. Bien sûr, bien sûr, Mais j’ai posé la question autour de moi à des personnes que j’ai qui sont dans ce milieu. Et vous connaissez Roger Franklin? Non, ça ne dit rien. Et c’est faux parce que je leur ai dit Vous connaissez le nom de Sacré voleur? Mais pas de la personne qui a travaillé. Et j’étais estomaqué. Et eux qui savaient plus que moi ce que ça signifiait était vraiment impressionné. Ce qui est intéressant aussi dans la troisième pièce, c’est que cet aspect systémique dont on parlait, il commence dès le début de la pièce Quand. En France, elle décide de rentrer dans son pays natal, en Angleterre, et d’intégrer donc je ne sais plus le nom de l’université. 

Elisabeth Bouchaud [00:40:59] King’s College. 

Pauline Todesco[00:40:59] 

De Londres et. Et on lui dit pas pour la persuader de venir, mais dans l’offre de poste, vous aurez. Vous êtes chef de votre propre service, vous avez votre service. Voilà. Et on dit à Wilkins ce qui est un autre, un autre chercheur dans l’université, vous aurez une assistante. 

Elisabeth Bouchaud[00:41:21]

 Oui, tout à fait. Et c’est là que les problèmes ont commencé entre Maurice Wilkins et Rosalind Franklin. C’est que tous deux, de bonne foi, lui pensaient que Rosalind Franklin  venait pour être son assistante. Et elle, elle pensait créer son groupe. Et c’est John Randal, le patron du département de biophysique de King’s College, qui a été au dessous de tout, en disant des choses différentes à l’un et à l’autre. Donc les choses commençaient mal. Mais bon, ils auraient pu clarifier les choses de façon moins conflictuelle. Ça a été très conflictuel parce que là encore, Wilkins, pensant qu’elle était son assistante, a eu cette attitude paternaliste avec elle qu’elle n’a pas pu supporter. Et ça s’est mal passé. Et du coup, il a fait alliance avec Cric et Watson qui eux travaillaient au Cavendish qui est un laboratoire prestigieux. De Cambridge. Finalement pas très loin de Londres pour subtiliser les résultats de Franklin. 

Pauline Todesco[00:42:40]

 Mais pourtant dans la pièce. À un moment donné, plutôt vers le début, il me semble. Franklin ou Franklin est plutôt clair avec Wilkins sur le fait qu’elle n’est pas son assistante et qu’il y a eu un quiproquo. Mais je veux dire, il n’est pas levé au fond de pièce. Wilkins est bien au courant, alors certainement frustré et déçu, mais il est au courant. Pas quand elle arrive. Mais une fois que je ne sais pas, après peut être quelques semaines ou quelques jours de travail, ils ont cet échange là et il ne le supporte pas. Il lui demande et lui demande de lui donner la moitié du temps son matériel qu’elle a construit elle même, sans lequel elle ne peut pas travailler. Donc en gros, elle lui demande de ne pas travailler la moitié du temps et à son profit à lui, ce qu’elle refuse et plus tard au camp, avant le vol ou entre les deux vols, je ne sais plus. Watson vient la voir. Il y a cette scène hallucinante où il lui dit Partagez vos résultats avec eux, c’est très clair, partagez vos résultats avec nous Et elle est là. On sent la stupéfaction. Mais ben non, pourquoi je ferais ça? Ça n’a aucun sens. Et elle lui dit Pourquoi je ferai ça? Et il lui répond Je crois, c’est évident. Alors là, on se dit c’est tellement incroyable de penser que c’est évident alors que ce n’est absolument pas. Et lui dit C’est évident. Et alors elle dit Mais en quoi vous avez besoin de nous pour interpréter vos résultats? 

Elisabeth Bouchaud [00:44:08]

 Voilà. Oui, oui, tout à fait. Et elle est scandalisée parce qu’elle est tout à fait capable d’interpréter ses propres résultats. Donc encore une fois, comme je disais tout à l’heure, eux ils ont besoin d’elle parce qu’ils n’ont pas de résultats expérimentaux. Ce n’est pas des expérimentateurs, donc ils ont besoin de se baser sur la réalité des observations. Mais elle, elle n’a pas besoin d’eux pour interpréter ses résultats. Elle est tout à fait capable de les interpréter toute seule. Donc c’est ça, c’est totalement doxyval. 

Pauline Todesco [00:44:40]

 Mais alors c’est là qu’on revient à notre question tout à l’heure sur pourquoi les femmes ne réagissent pas. On a parlé des deux premiers cas, mais là je me suis questionné sur le troisième parce qu’on ne peut pas se dire qu’elle est étudiante. On n’est pas au sortir de l’Allemagne nazie et à la fin de la pièce. 

Pauline Todesco [00:44:59] 

Alors j’ai mal compris, mais j’ai l’impression qu’elle, elle comprend qu’ils ont trouvé la structure en double hélice et qu’ils ont du coup raison. Et elle est très intelligente et on a l’impression alors ce n’est pas clair mais que peut être le doute est laissé. Mais on ne sait pas si elle a compris qu’elle a été volée ou non. Alors je ne sais pas si il faut le dire ou pas, mais si elle a compris, pourquoi ne s’est elle pas battue? 

Elisabeth Bouchaud[00:45:25] 

Ben je pense qu’elle a compris qu’elle avait perdu la bataille pourtant, effectivement. En plus, le caractère de Rosalind Franklin , c’est une battante, c’est pas juste une belle et c’est pas lisse. Mainteneur, c’est quelqu’un qui qui dit haut et fort non, vous n’aurez pas mes résultats. Et ce que je trouve tragique et intéressant dans cette histoire, c’est que malgré ça, elle se fait avoir. Malgré ça, on lui vole ses résultats et elle, elle ne peut pas lutter. Malgré sa volonté de lutter, malgré son sens vraiment en soi, sa détermination à ne pas se faire piller, elle se fait piller quand même. Et on ne sait pas en fait. C’est pour ça que j’ai laissé le doute dans la pièce, c’est que historiquement, on ne sait pas si elle a compris qu’elle avait été volé ou pas et. Ces trois femmes, comme bien d’autres, ont quand même une hauteur de vue qui est assez extraordinaire. C’est à dire que Rosalind Franklin , elle dit Au fond, la science a avancé, vous avez votre modèle et le bon. Et c’est une conclusion à laquelle j’étais arrivé moi même. Et donc tant mieux. La science a avancé. Il y a une espèce de bien qui dépasse le bien individuel, la gloriole. Voilà qui est ce pourquoi les chercheurs devraient travailler. On aimerait que tout le monde pense comme ça, non? Je trouve ça absolument admirable. 

Pauline Todesco[00:47:10]

 Ce qu’il y a, c’est que les trois personnages, même s’ils ne le formule pas forcément de cette façon, ont cette soif de découverte et qui font qu’elles ont aussi l’impression que ce talent, au delà des capacités intellectuelles qu’ils ont certaines. Mais je veux dire. Et en fait, dans les trois pièces, on sent cette limite que vous poser j’ai l’impression. Entre l’envie de compétition, l’envie de lutte, l’envie de doudou, de combat, de gagné, de victoire, de trophées et l’envie de savoir qui peut se passer de tout ça et qui se suffit à elle même. Et ces femmes sont imprégnées de cette soif là et on a l’impression que les hommes sont presque uniquement. C’est un peu dur de le dire comme ça, mais en tout cas pour ceux qui les spolie uniquement de la première, cette soif de voilà, de la reconnaissance, de la victoire, même s’ils n’y sont pour rien. Et c’est peut être là aussi que se joue. Est ce que pour vous c’est lié au milieu scientifique? Est ce que c’est une sociabilisation en général? 

Elisabeth Bouchaud [00:48:15] 

Non, je crois que c’est tout à fait général, C’est qu’il y a des assignations de genres qui font que des garçons, on attend, qui se battent et qui se mettent en avant. Je vois dans le chatte elle était au service de la science alors qu’eux étaient au service de leur ego. Oui, on peut, on peut résumer ça comme ça, mais il ne faut pas perdre de vue que les garçons ont des assignations de genres qui peuvent d’ailleurs les faire souffrir terriblement aussi parce qu’il y a des garçons qui n’aiment pas être dans la bataille. Écraser la figure des autres, c’est peu, ce n’est pas leur but dans la vie, mais cela était dans le moule. Donc. C’est ce qu’ils ont fait. 

Pauline Todesco [00:49:02] 

Donc dans la seconde pièce sur Jocelyn Bell, pour parler encore de ces assignations de genres, il y a un moment très particulier. Donc c’est juste après. Il me semble que oui. J’ai publié dans Nature et il y a une journaliste donc qui est jouée par la même actrice qui joue la copine de Jocelyn Bell. C’est chouette parce que ce petit switch des fois de personnages, donc là, qui n’est plus à copine, clairement, qui est une journaliste et qui interview, eh oui, il y en a. Et donc il parle de façon très grandiloquente alors qu’encore une fois, ce n’est absolument pas lui qui a mené la recherche. Et il y a Jocelyne Bell un peu derrière qui aimerait bien parler et qui soit est coupé, soit fait face à un entretien assez hallucinant. Et. Et alors? C’est justement Jocelyn Bell qui vous l’a raconté. Puisque vous êtes entretenu avec elle, est ce que vous pouvez nous raconter un peu cet entretien? Et parce que dans la pièce, vous, vous ne racontez pas tout ce que vous en savez? 

Elisabeth Bouchaud [00:50:00]

 Absolument. Donc, j’ai eu le plaisir d’interviewer Jocelyne Bell, qui a près de 80 ans quand elle me relatait ses interviews puisque dans la pièce, il y en a qu’une, mais il y en a eu plusieurs avec des larmes dans les yeux tellement c’était violent. Parce que donc ont posé des questions sur la science à Anthony Hodge et à elle, on lui posait des questions de filles. C’est à dire quelle est la couleur de vos cheveux blonds ou brunettes? Vous avez un petit ami ou vous n’en avez pas? Ou peut être en avez vous plusieurs? Et il y a une question que je n’ai pas mise dans la pièce parce que je me suis dit allez, on va dire ces féministes qui exagèrent et qui racontent n’importe quoi pour faire pleurer dans les chaumières. Mais. C’est ce que m’a raconté José Mel. On lui a demandé ses mensurations. Alors on peut imaginer une jeune femme en construction qui a le nez dans les étoiles, qui rêve de découvrir d’autres mondes et qu’on ramène à sa condition de femme, de morceau de viande en lui demandant ses mensurations. Quelle souffrance, quelle violence ça a été pour elle. C’est. C’est quelque chose qui m’a absolument bouleversée et j’ai tenu à mettre ça dans la pièce parce que je trouve que c’est d’une violence inouïe. Ça m’a vraiment, vraiment beaucoup touchée quand elle m’a raconté ça. 

Pauline Todesco[00:51:44] 

Pour dire qu’il y a l’action de ces hommes qui sont leur père. Mais il y a aussi une complicité sociale assez forte en fait, une complicité médiatique. Le choix des comités des prix Nobel qui auraient pu décider de le décerner par exemple, le choix a été fait de ne pas lui donner alors que, comme vous le disiez, elle a été considérée de façon tout à fait. Éhontée comme la mère juive de la bombe atomique, dont la reconnaissance, quand elle était honteuse, était bien là. Mais quand elle aurait pu être triomphante, ne l’a pas été. Ça, ce je veux dire, ça se joue pas seulement au niveau de ces hommes là, c’est aussi à un système global Et dans une autre pièce que vous avez écrite le paradoxe des jumeaux, vous racontez que même. concernant souvent la seule femme que l’on peut citer. Quand on demande à des gens Pouvez vous citer le nom d’une femme scientifique? En général, ils ne mentionnent qu’une seule personne Marie Curie. Et vous vous racontez dans cette pièce que même pour cette femme là, cette seule femme là, s’est joué un sexisme lié à sa relation avec Paul Langevin et pour la discréditer. 

Elisabeth Bouchaud[00:53:10] 

Le sexisme dans la vie de Marie Curie se manifestait à plusieurs égards. Par exemple, le premier prix Nobel en 1903, qu’elle a obtenu avec Pierre Curie, son mari, et Becquerel, Henri Becquerel, pour la découverte de la radioactivité. Et bien ce prix Nobel, elle n’était pas censée l’avoir. En fait, l’Académie de Stockholm a demandé à l’Académie de Paris de lui donner des noms possibles de physicien pour le prix Nobel de physique et l’Académie de Paris, a dit Pierre Curie et Henri Becquerel. Et c’est Pierre Curie qui s’est insurgé en disant Mais Marie a travaillé au même titre, Ce n’est pas mon assistante, c’est qu’on est marié, que c’est mon assistante. Elle, elle a travaillé, c’est une chercheuse. Il y a même d’ailleurs des articles de Marie Curie où elle est la seule signataire. Donc voilà. Donc l’Académie de Stockholm a obtempéré parce que Pierre Curie menaçait de refuser ce prix Nobel. Donc il a été décerné à ces trois personnes. Mais vous savez, quand c’est le prix décerné à trois personnes, la somme d’argent qui va avec est en général divisée de façon équitable en trois. Là non. Il y a eu la moitié pour Henri Becquerel et l’autre moitié pour l’écurie. Le ménage, quoi! Ce qui est dingue! Et en 1911, donc, Marie Curie a obtenu un deuxième prix Nobel de chimie. Cette fois, Pierre Curie était mort depuis 1906. Et donc on lui a dit vous allez avoir le prix Nobel de chimie. Et. A éclaté dans la presse d’extrême droite. Un scandale sur le fait qu’elle avait une relation avec Paul Langevin qui était un très grand physicien aussi, qui lui était marié. Elle était parfaitement libre puisqu’elle était veuve depuis plusieurs années. Mais évidemment, c’est elle qu’on a traîné dans la boue dans les journaux. Lui, on disait c’est Marie Curie était polonaise d’origine et on disait C’est le Chopin de la Polonaise. Bon, c’était pas glorieux, mais c’est elle qu’on a traîné dans la boue, qu’on a voulu renvoyer en Pologne, qu’on a. Elle était professeur à la Sorbonne. On a voulu la renvoyer. Ça s’est fait à un cheveu qu’elle ne soit renvoyée de la Sorbonne. Et enfin un chimiste suédois, puisque le scandale a atteint les autres capitales européennes et même les Etats-Unis. Il y a un chimiste suédois qui, au nom du comité Nobel, lui a écrit en catimini pour lui demander de renoncer au. Et elle a refusé de renoncer au prix, ce qui était un courage incroyable de tous ceux finalement de s’opposer à ce système. Et elle est allée chercher son prix à la fin de 1911 à Stockholm. Mais tout cela l’a atteinte tellement que pendant toute l’année 1912, personne ne l’a vue et elle était malade de ce qui était arrivé. Donc même Marie Curie n a pas échappé à ce sexisme. 

Pauline Todesco [00:56:35] 

. Quand on parle de ce systémique dans l’invisibilisation des femmes, dans la science, là, on donne aux trois exemples du XXᵉ siècle En France, il faut attendre 1938 par exemple, pour que les femmes puissent s’inscrire à l’université sans l’autorisation de leur mari s’il avait un mari. Donc, est ce que cette présence niée, occultée des femmes dans la science n’a réellement été vraie, présente qu’à partir de la possibilité légale pour les femmes par exemple, de foirer l’université, donc par exemple en France 1938? Ou est ce qu’on peut trouver des femmes qui ont accompli de grandes avancées scientifiques tout au cours de l’histoire? Finalement, et ce n’est pas du tout un sujet contemporain? 

Elisabeth Bouchaud [00:57:31] 

Absolument. Il y a des femmes qui, malgré le fait qu’elles étaient interdites d’université, interdites d’études supérieures, etc. Ont fait de grandes avancées, parfois dans l’ombre de leurs maris, comme madame Lavoisier auprès de Lavoisier, le grand chimiste. Mais elle était visiblement une grande chimiste aussi. Donc on en trouve et on en trouve partout, de ces femmes, et évidemment en moindre nombre, parce qu’il est quand même assez rare pour qui que ce soit d’être autodidacte au point de faire de grandes découvertes. En général, ça demande une certaine éducation scientifique, donc il faut au moins aller faire des études à l’université pour être en capacité de faire des découvertes scientifiques. Mais à partir du XXᵉ siècle, on voit que ces femmes sont légion. 

Pauline Todesco [00:58:39] 

Et le nombre. Est ce que vous même, en tant que physicienne. Vous avez été confrontée? À du sexisme? Déjà une à 1 à 1 construction de la part de vos pairs d’une moindre légitimité parce que femme et à quelque chose peut être par rapport à des travaux ou à des recherches où votre contribution n’était pas, ou votre entière travail n’était pas reconnu à sa juste valeur. 

Elisabeth Bouchaud[00:59:22] 

Alors en fait, ce qu’il faut savoir, c’est que quand on est une femme, faut travailler deux fois plus pour être crédible. Donc ça, je pense que c’est général et ça s’est appliqué à moi comme à bien d’autres. Il faut vraiment travailler beaucoup plus qu’un homme dans la même position pour que ses travaux soient reconnus, et c’est vraiment général. Moi j’ai été pas trop, je n’ai pas été très en butte au sexisme. Tant que j’étais étudiante ou jeune chercheuse. J’avais des remarques sexistes sans arrêt, mais ça n’a pas entravé le cours de mes recherches jusqu’au moment où je suis devenue chef de service. Alors là, là, ça a été très compliqué pour certains hommes de supporter qu’une femme soit leur chef dans ce domaine scientifique où les femmes sont minoritaires. Ça, ça, c’est devenu difficile. Et là. J’ai eu quelques problèmes jusqu’au moment même où j’ai recruté un jeune qui n’avait qu’une idée, c’était prendre ma place. Soit un jeune aux dents longues. Et là, l’institution s’est rangée derrière lui. Ça, c’est devenu. C’est à dire on lui a donné raison. On m’a dit mais il faut, il faut faire la place, Il est jeune et puis on n’a pas dit c’est un garçon, mais je le sentais bien. Et donc il faut, il faut lui faire la place. Voilà. Donc c’est vrai que ce sont des situations assez difficiles. 

Pauline Todesco [01:01:19] 

Oui, mais c’est la question que je vais poser. Quelques îlots dans le chat qui dit ça m’intéresserait de savoir si une amélioration super lente et ressentie, on avance un peu dans la bonne direction ou pas du tout. 

Elisabeth Bouchaud[01:01:30] 

Moi je pense qu’on avance dans la bonne direction. Il y a encore beaucoup de travail à faire qu’il ne faut pas lâcher notre vigilance. Il faut, il faut être vigilante, faut rien laisser passer. Mais on avance dans la bonne direction. Oui, je crois que. Et puis il faut reconnaître que depuis le début du mouvement MeToo, et bien tous ces noms de femmes scientifiques commencent à sortir, qu’on commence à en parler et qu’on commence à parler du problème. Et ça, je crois que c’est une grande avancée. Il faut, il faut le reconnaître, j’en suis très heureuse. Mais on. Il ne faut pas abandonner le combat parce qu’on n’est pas sorti complètement d’affaire. 

Speaker 3 [01:02:22]

 Oui, et justement, à propos du mouvement MeToo, il y a eu une question tout à l’heure, c’est de la part de Trognon puisqu’on parle de science et de féminisme, à quand un Metoo de la recherche? Toutes les personnes du milieu ont pu observer des relations d’emprise et de harcèlement entre directeur de thèse et thésarde. Je suis moi même ancien doctorant au Sénat. 

Elisabeth Bouchaud [01:02:47] 

Absolument, Oui, il faut, il faudrait, il faudrait mettre ça en place. Un mis toute la recherche. Je crois qu’il y a eu plusieurs cas que les que maintenant les thésards sont quand même plus écoutés qu’autrefois grâce au mouvement MeToo général. Encore une fois, je crois que dans ce domaine comme dans bien d’autres, ça fait du bien de secouer les choses et de faire en sorte que la parole des femmes soit écoutée. Mais ces spécificités de ce milieu scientifique pourraient être. Regarder de plus près s’il y avait une tout recherche. Je suis tout à fait d’accord avec ça. 

Pauline Todesco[01:03:35] 

Aujourd’hui. Est ce que vous savez combien de femmes ont déjà eu le prix Nobel seul ou avec d’autres personnes? 

Elisabeth Bouchaud [01:03:44] 

Alors c’est je crois que c’est très, très minoritaire. Je crois que c’est 6 % des prix Nobel ou quelque chose comme ça. J’avais le chiffre, mais je ne m’en souviens pas exactement, mais c’est autour de ça. Donc c’est très, très, très minoritaire. Bon, j’espère que là aussi il y a une évolution. On peut se féliciter d’avoir eu vu décerner un prix Nobel de chimie à Emmanuel Charpentier. Le prix Nobel de médecine à Katalin Karikó qui est à l’origine de l’utilisation de l ARN Messager pour les vaccins et qui sera, je l’espère, ma cinquième pièce. 

Pauline Todesco [01:04:39] 

Alors, qui sera le sujet de votre quatrième pièce? Alors? La quatrième pour la cinquième? Vous pourrez y revenir juste après. 

Elisabeth Bouchaud [01:04:49] 

La quatrième pièce, elle est déjà écrite et c’est l’histoire de Marthe Gautier. La pièce s’appelle La découvre oubliée. Marthe Gautier était une pédiatre française qui avait là aussi une double tare puisque ce n’était pas une fille de. Debout. Disons de bourgeois. C’était une fille d’agriculteur et qui pourtant a fait médecine. A la fin des années 40, elle a eu l’internat de médecine. En 1950, il y avait 80 garçons et deux filles dont elle. Elle a fait la découverte de la trisomie 21, c’est à dire du chromosome surnuméraire qui affecte les enfants qu’on appelait autrefois les mongoliens. Et ce résultat lui a été volé par un dénommé Jérôme Lejeune, qui a eu beaucoup, beaucoup de récompenses pour un résultat qui n’était pas le sien et je peux le dire d’autant plus librement. Malgré la virulence des défenseurs de Jérôme Lejeune que le comité d’éthique de l’Inserm s’est réuni et a donné raison à Marthe Gauthier. Voilà donc. Et tout cela, toute cette histoire s’inscrit aussi dans les années 70 de la lutte pour la libéralisation de l’avortement. Donc un peu comme dans l’exil intérieur où on a une relation entre la grande histoire et l’histoire de ces savants. On a là, ça s’inscrit dans l’histoire de France des années 70 avec les mouvements féministes et la demande de libéralisation de l’avortement. 

Speaker 3 [01:06:48] 

Et excusez moi, le tchat vous demande Et quand vous parlez de Jérôme Lejeune, c’est bien celui qui était le fer de lance du mouvement anti-avortement. Laissez les vivre et ainsi de suite, c’est ça? 

Elisabeth Bouchaud[01:06:59] 

Absolument. C’est pour ça que s’inscrit dans la pièce, s’inscrit dans cette histoire là aussi. On en parle beaucoup et c’est un élément extrêmement important. 

Pauline Todesco [01:07:12] 

Est ce que selon vous, ce qu’on disait tout à l’heure, le fait que si on demande à quelqu’un mais je pense homme ou femme dans la rue aujourd’hui, si. S’ils peuvent citer un autre nom que Marie Curie en tant que femme scientifique et qu’ils n’en trouvent pas. Est ce que selon vous, c’est uniquement la faute du milieu scientifique qui a soit découragé ces femmes à l’université? Quand on parle de Jocelyne Bell tout à l’heure, soit quand elles ont été. Volées ou effacées de leurs travaux par leurs pairs, soit par le fait de ne pas avoir reçu le prix Nobel. Est ce que c’est uniquement Est ce que ça se joue uniquement à ce niveau ou est ce qu’il y a une autre chose qui se joue dans la transmission, dans l’éducation des femmes dont on pourrait parler, qui n’ont pas été oubliées mais dont on ne parle pas parce que c’est quand même incroyable. Je me posais la question, je me suis dit mais, et c’est vrai, est ce que je pourrais citer des noms de femmes scientifiques? J’ai cherché quand même longtemps, donc pour pouvoir à quelle, a quelle S et X à quel niveau ça se joue exactement. 

Elisabeth Bouchaud [01:08:23] 

Je crois que dans la dans la conscience générale, une femme ne peut pas faire de science. Enfin en tout cas c’est très exceptionnel. Et c’est cette conviction qui malheureusement est aussi une conviction féminine, pas seulement masculine. Elle arrive très tôt. Apparemment, la bascule se fait au niveau du cours préparatoire, donc c’est bien avant l’université, c’est bien avant que certaines femmes se déterminent comme ayant une vocation scientifique. Et ça, c’est évidemment, ça demande de repenser tout un système éducatif, tout ce qu’on on véhicule tous en tout cas presque tous. Des préjugés qui nous disent qu’une femme n’est pas faite pour faire des plus, pour faire des sciences. 

Pauline Todesco [01:09:35]

 Parce que vous disiez tout à l’heure que même si c’était long, on avançait dans la bonne direction et c’est certain. Mais vous disiez aussi dans un entretien qu’il y avait moins de filles, alors je ne sais pas par rapport à quand, mais qui se lançait? Moi si je me trompe, mais dans la dans les mathématiques notamment, est ce que vous pouvez nous en parler? À quoi cela est dû et par rapport à quelle époque on se situe? 

Elisabeth Bouchaud [01:10:00] 

Oui, alors ça, il y a plusieurs choses. D’abord, il y a toujours eu assez peu de femmes qui se lançaient dans les mathématiques. Ça fait partie de ces disciplines, contrairement à la chimie, à la biologie, la physique, surtout la physique théorique et les mathématiques sont des domaines presque exclusivement masculin. Mais pour les mathématiques, il y a eu plusieurs choses. Il y a eu la réforme du bac qui a fait qu’il y a eu une baisse de filles qui étudiaient les maths. Et puis avant ça, il y a eu la mixité de l’École Normale Supérieure et j’en ai parlé avec Martin de L’air qui est mathématicien et avec Nicole El Karoui qui était professeur de mathématiques financières à l’École Polytechnique. Et pour eux, ça a été une catastrophe. En fait, en partie. Parce que les femmes s’autocensurent et qu’elles n’ont pas envie de se trouver en compétition avec les garçons. Donc elles se présentent plus alors qu’eux ont formé des mathématiciennes de très haut niveau. Et bien là, on en forme plus parce qu’elles ne se présentent plus aux concours. Donc voilà, il y a plus de chercheuses en maths.

Pauline Todesco [01:11:24] 

Et vous voyez la réforme du bac? Parce qu’il y en a eu plusieurs de laquelle vous parlez et en quoi elle a joué le sale. 

Elisabeth Bouchaud [01:11:31] 

Il y a quelques années, où on pouvait choisir des options et où les filles ont cessé de choisir Maths. 

Pauline Todesco[01:11:39] 

Mais pourquoi? 

Elisabeth Bouchaud[01:11:41]

Pourquoi? Parce que je pense qu’elles ont à l’esprit que ce n’est pas pour elles. Vous savez, il y a ce test à Harvard. Je crois que c’était l’université d’Harvard qui a fait ce test. Bref, on a pris des classes et on a donc mixte. Euh, il me semble au collège niveau collège et on a donné le même problème à ces différentes classes, mais à certaines classes, on a dit c’est un problème de géométrie, à d’autres, c’est un problème de dessin. Dans le cas où on a présenté ça comme du dessin, les filles ont sur performé, Elles ont dépassé de loin les garçons. Quand on disait c’est un problème de géométrie, c’est les garçons qui sur performé. Ça prouve bien que les filles et les garçons ont dans la tête que les garçons vont faire de la géométrie, les filles vont faire du dessin, donc les garçons sont faits pour faire des mathématiques et les filles sont fait pour, sont faites pour faire de l’art. Puisque c’était le même. Le même énoncé. Le même problème. Donc je crois que c’est dans les mentalités qu’il faut qu’il faut changer les choses. Alors évidemment que plus il y aura de filles en sciences et plus apparaîtra normal et ça aidera à changer les mentalités. Mais c’est le serpent qui se mord la queue parce que les filles n’y vont pas, parce que les mentalités sont ce qu’elles sont. Donc je crois qu’il faut commencer très tôt. Nous, on avait établi quelque chose pour les enfants au théâtre. Je crois que le théâtre peut aider beaucoup là dessus. Moi j’aimerais bien si on avait les moyens de le faire financier, ce qui n’est pas le cas malheureusement. Mais j’aimerais bien créer des groupes de filles qui viennent parler sur une scène de théâtre de ce qu’elles font en sciences et très tôt, dès la maternelle, parce qu’on a eu des enfants qui sont venus parler de ce qu’ils faisaient en sciences dès la maternelle. Pourquoi? Parce que quand on s’exprime sur une scène de théâtre, on est le sujet. On n’est plus un objet, on ne subit pas, on dit, on prend en main 

son sens, sa pensée, si j’ose dire. Et je crois que ça, c’est très important pour que la science devienne notre chose, notre domaine, quelque chose à soi qu’on s’approprie. La légitimité de parler de science et bien en parler sur une scène de théâtre, ça peut beaucoup, beaucoup aider. Et j’aimerais bien travailler avec des groupes de filles, des enfants, pour leur apprendre à s’exprimer sur ce qu’elles ont fait en sciences, sur une scène de théâtre. Je crois que ça peut aider. Il y a évidemment sans doute beaucoup d’autres choses qui peuvent aider, mais ça, je crois que ça pourrait être assez efficace. 

Pauline Todesco[01:14:53] 

Est ce que justement, à propos du pouvoir du théâtre, puisque vous, là, je ne sais plus si c’est la première fois ou pas, que les trois pièces se jouent à la Reine Blanche? Est ce que c’est la première fois en ce moment. 

Elisabeth Bouchaud [01:15:07]

 Et c’est la première fois que les trois vont se jouer puisque l’affaire Rosalind Franklin n’est pas encore créée. Elle le sera en mai. Mais on a joué les deux premiers épisodes à la saison dernière. 

Pauline Todesco [01:15:23] 

Eh bien, à la saison dernière et cette année, mais aussi en Avignon, Oui. Est ce que vous avez eu ce retour des spectateurs de voilà deux, comme on dit, de ce pouvoir du théâtre et du fait que vraiment ils apprenaient à quelque chose, ce qui n’est pas forcément toujours le cas au théâtre. Comme je le disais en introduction, c’est le théâtre scientifique comme vous dites. Vous essayez de porter sur scène différentes sciences, qu’elles soient sociales, mais aussi, là en l’occurrence, ce dont on parle des sciences dures. Est ce que vraiment ça, ça réveille et peut être d’une façon plus efficace que ça ne l’aurait été par je ne sais pas, un article ou un livre. 

Elisabeth Bouchaud [01:16:04] 

Mais je crois que le théâtre étant un carnet, par définition, c’est on peut véhiculer des choses par les émotions que ressentent les gens. Donc oui, les spectateurs sont contents d’avoir rencontré ces femmes au théâtre et d’avoir appris des choses aussi. On apprend ce que c’est incidemment que la fission nucléaire, on apprend ce que c’est qu’un pulsar, un quasar en astrophysique, on va apprendre ce que c’est que l’ADN et pourquoi on dit que l’ADN recèle le secret de la vie dans l’affaire Rosalind Franklin. Donc on apprend un peu de science, mais on apprend surtout qui étaient ces femmes et à quelle injustice elles ont dû faire face. Et c’est très important. Ça fait partie de l’éducation à plusieurs niveaux. L’Éducation du public à laquelle on souhaite à la Reine Blanche contribue. 

Pauline Todesco [01:17:04]

 Et vous? Est ce que vous pouvez nous raconter comment et pourquoi vous avez eu envie en premier lieu de devenir physicienne? À quel moment de votre vie ça s’est joué? Et je ne sais pas s’il y a des éléments déclencheurs ou si ça a été, je ne sais pas, complètement naturelle. De devenir physicienne. 

Elisabeth Bouchaud [01:17:24]

 En fait, j’ai. Moi, j’ai tout aimé. J’aimais l’école passionnément et j’aimais en particulier les maths que je trouvais vraiment quand j’étais à l’école primaire. Et puis après, au collège et au lycée. C’était un jeu quoi. C’était vraiment très ludique. Après, en classe préparatoire, j’ai trouvé que les maths, ça devenait vraiment très abstrait et j’ai réalisé que je ne serai pas mathématicienne. Je n’avais pas le niveau, mais je me suis prise d’amour pour la physique. Parce que la physique doit se confronter à la réalité des choses. Peut être que je suis Je suis une grande rêveuse et que ça me fait du bien de me confronter à la réalité des choses. Voilà, donc ça, ça m’a va, ça m’a passionnée. Et ce qui m’a passionnée dans la physique, c’est la. C’est la complexité extrême des choses qui paraissent simples. 

Pauline Todesco [01:18:32] 

Comme vous disiez tout à l’heure, il y a toujours une bonne raison pour ne pas donner le prix Nobel à ces femmes. Mais il y a une constante qui est répétée entre les épisodes reformulée les hommes se battent pour la première place et les femmes pardonnent. Est ce qu’on en est, selon vous, sortis de cette configuration aujourd’hui où l’accès aux chances est plus facile? L’époque dont on a parlé au sortir de la guerre dans les années 60? Mais est ce que finalement, aujourd’hui. Est ce qu’Est ce que je veux dire? Aujourd’hui, les travaux des femmes scientifiques sont entre guillemets, systématiquement toujours les leurs. Ou est ce que ce genre de choses arrive encore et on pardonne encore? 

Elisabeth Bouchaud [01:19:30] 

Alors on pardonne moi Parce que quand je dis les femmes pardonnent, elles sont assignées à pardonner. Ce n’est pas que où on a envie de le faire ou que c’est dans la nature féminine. Je ne le crois pas du tout. C’est qu’elles sont assignées à eux pour parler vulgairement, la fermer et pardonner. Et dire que tout va bien dans le meilleur des mondes alors qu’elles ont été pillées. Et elles le sont de moins en moins assignées à ça. Les femmes se permettent, même si j’ai vu dans le tchat les femmes peuvent crier aujourd’hui, mais elles sont toujours traitées d’hystérique. C’est vrai que ça arrive souvent, mais elles le font quand même et je crois que ça, c’est une très bonne chose. Maintenant, oui, bien sûr, il arrive, mais j’ai été témoin. D’Appropriation abusive de travaux de femmes au cours de ma carrière. Oui, ça m’est arrivé où un chercheur, un chef de groupe, va mettre son nom sur des travaux auxquels il n’a pas participé parce que c’est le chef et que c’est une fille, donc. Ça paraît. Ça paraît tout à fait normal de mettre son nom sur des travaux qui ne sont pas les siens. Ça, je l’ai vu, oui, il n’y a pas si longtemps. 

Pauline Todesco  [01:21:03] 

Quel. Qu’est ce que vous diriez à des  jeunes filles? Des jeunes femmes qui pourraient vouloir se lancer dans la carrière scientifique, mais qui se disent peut être qu’il y a encore un prix à payer qui serait qui serait trop lourd. On sait par exemple que, au niveau des carrières, peu importe le métier, je ne parle pas forcément sciences, mais que les femmes, par exemple, qui vivent une maternité, vont forcément devoir, à un moment donné, s’arrêter, voire s’arrêter longtemps. Si. Si elles n’ont pas d’autre solution et qui se disent déjà que la carrière dans le milieu scientifique est difficile, qu’il y a beaucoup de freins. Est ce que vraiment ça peut être une source d’épanouissement en fait? Est ce que ce que je fais bien aller? 

Elisabeth Bouchaud [01:22:02] 

Moi, je crois qu’on fait bien d’y aller quand on aime ce métier. C’est un métier passion, la recherche scientifique. Il faut vraiment être passionné pour y aller, que ce soit filles et garçons. Parce que quand vous voyez les salaires d’entrée au CNRS, après tellement d’années d’études, il faut être passionné. Donc je crois que ça vaut le coup. Mais ce que j’ai envie de dire à ces jeunes femmes, c’est un. Ne croyez jamais ceux qui vous disent que vous n’êtes pas faites pour ça. Si vous sentez profondément que vous êtes faite pour ça et que vous êtes prête à bosser et à vous battre, allez y. Et puis ne baissez pas les bras surtout. Criez. Si vous devez crier, faites savoir que vous existez et ne lâchez rien. Surtout ne lâchez rien, parce que c’est comme ça qu’on y arrivera. C’est comme ça qu’il y aura plus de femmes dans les milieux scientifiques. Et c’est comme ça que finalement elles se sentiront moins déplacées. 

Speaker 2 [01:23:15] 

Euh, je ne sais pas si tu as relevé des questions. peut être. 

David Dufresne [01:23:20]

 La plupart des questions ont déjà Été ajoutées. Pour déjà été répondu. Non, il y en a une deux à l’eau qui est très terre à terre mais qui est extrêmement importante. Est ce que vos pièces seront jouées ailleurs qu’à Paris? Vous avez parlé d’Avignon tout à l’heure. 

Elisabeth Bouchaud[01:23:35]

 Alors elles seront jouées toutes les trois au Festival d’Avignon off cet été, entre le 3 et le 21 juillet. Et puis on espère beaucoup qu’elles vont tourner dans toute la France. Nous, on ne rêve que d’exporter nos pièces. Mais vous savez, la diffusion au théâtre, c’est quelque chose d’assez difficile, notamment depuis la pandémie. Et donc on ne sait pas encore, mais on l’espère de tout notre cœur. 

Pauline Todesco [01:24:05] 

Et donc là, pour l’instant, vous pouvez voir les deux premières pièces, La Reine Blanche jusqu’à la fin de semaine. 

Elisabeth Bouchaud [01:24:13] 

Ça c’est ça. Donc mardi, mercredi, jeudi c’est prix Nobel, et vendredi, samedi et dimanche, c’est exil intérieur. Donc les deux pièces peuvent se voir jusqu’à la fin de la semaine Et du 7 mai au 9 juin, il y aura l’affaire Rosalind Franklin tous les jours du mardi au dimanche. 

Pauline Todesco [01:24:37] 

Vous avez mentionné tout à l’heure les deux prochains volets de la trilogie. Par curiosité, combien aimeriez-vous en faire? Et si vous ne savez pas, est ce que vous pouvez nous. Je ne sais pas, Nous donner encore plus envie de nous intéresser aux femmes scientifiques avec d’autres noms, peut être dans d’autres pays si vous en avez, ou d’autres continents ou d’autres époques. 

Elisabeth Bouchaud [01:25:05]

 Bon voilà, je parlais de Catalina Rico dont j’aimerais que ce soit la cinquième pièce. Rien n’est sûr encore, mais parce que c’est une femme, cette fois, c’est une success storie. Elle a eu le prix Nobel de médecine et elle a fait cette découverte qui a quand même sauvé beaucoup de vies puisque c’est à la base du vaccin anti qu’Ovide. Mais elle a longtemps été méprisée parce que ses recherches, elle, n’avait pas de contrats de l’industrie pharmaceutique. Pour ses recherches, elle a été reléguée par les différentes universités dans lesquelles elle a travaillé. Enfin, c’est une histoire exemplaire et typique de femme où on voit qu’il faut se battre comme une folle pour défendre des recherches qui sont quand même d’un niveau prix Nobel et qui, incidemment, aident l’humanité à survivre. Oh, il y a beaucoup de femmes. Rachel Carlson, par exemple, qui était une pionnière de l’écologie dont j’ai très envie de parler. Il y a déjà des pièces sur Hady Lamar qui était une star hollywoodienne et qui a fait une découverte qui est utilisée encore dans le système Wifi qui était assez formidable. Moi c’est vrai que je me cantonne aux femmes du 20ᵉ et XXIᵉ siècle parce que je voudrais aussi que ça serve d’identification possible à des jeunes femmes. Et je trouve que quand on va dans des époques antérieures au XXᵉ siècle, c’est trop loin, on peut plus s’identifier, donc il y aurait de belles histoires à raconter aussi. Mais voilà, je me cantonne là. Il y a Barbara McIntosh qui est une très grande biologiste américaine qui elle aussi s’est battue pour faire reconnaître ses travaux et qui a été couronnée par le prix Nobel. Et puis moi, vous savez, j’ai écrit je ne suis pas historienne, donc je ne fais pas de recherches sur l’histoire de ces femmes. Je me base sur les biographies qui ont été écrites. Donc il faut qu’il y ait des biographies ou alors que je puisse interviewer la personne en question, comme c’était le cas pour Jocelyne Bell. Mais il y a beaucoup de femmes dont j’aimerais p

arler. Il y a la mathématicienne Miriam Sachs, Annie, qui a été la première femme à avoir la médaille Fields en 2014. Elle existait depuis 1936. Vous imaginez le temps qu’il a fallu attendre pour qu’une femme soit couronnée par la médaille Fields? Donc j’aimerais beaucoup écrire sur cette femme parce que c’est quand même étonnant. Ça secoue un peu nos idées reçues puisque cette femme était hélas, elle n’est plus de ce monde, était iranienne. Et c’est la. La seule femme qui paraît sur des affiches en Iran sans voile, ce qui est quand même incroyable. Donc c’est une personnalité très attachante et extrêmement intéressante. Voilà, donc il y a plein de noms, donc j’aurais la force, le courage d’écrire, de faire ses recherches et d’écrire ses pièces et les moyens de les monter. Je le ferais parce que je crois que c’est très important. 

Pauline Todesco [01:28:45] 

Alors s’il n’y a plus de question du chat, je vais, je vais conclure avec ma question rituelle qui est donc la dernière de l’émission Que fait on de nos colères? 

Elisabeth Bouchaud[01:29:02]

 On les exprime, on les exprime. Je pense que la colère, il ne faut pas la retenir. Il y a des colères saines. Et il faut que les femmes se fassent entendre. On disait tout à l’heure effectivement, les hommes se battent et les femmes pardonnent. Ça, c’est une assignation de genre. Il faut refuser les assignations de genre si elles nous font souffrir, si elles mènent à l’invisibilisation des femmes. Je crois que j’encouragerais aussi les hommes à refuser de forcément l’agressivité comme assignation. Et ce n’est pas forcément ce que, au niveau individuel, les hommes souhaitent. Et s’ils ne le souhaitent pas bien, il faut, il faut le refuser. Donc il faut exprimer cette colère.

Pauline Todesco [01:29:59] 

Merci beaucoup Elisabeth Bouchaud. Donc le tchat vous remercie aussi. Il y a un qui vous dit merci. Bravo pour vos actions. Merci beaucoup!  merci pour cet entretien. Je vais l’envoyer à mes collègues chercheuses et ingénieurs de mon laboratoire de recherche. 

Elisabeth Bouchaud [01:30:22] 

Alors voilà, c’est fait. Merci à vous. 

Pauline Todesco[01:30:26] 

Donc voilà, Merci, merci, merci. On va envoyer les crédits. Donc Euryale qui est notre modératrice? Merci Elisabeth Bouchaud. Voilà. Et donc, comme on le rappelle, les pièces les deux premières se jouent encore jusqu’à la fin de la semaine. Pour ceux qui sont à Paris, la prochaine c’est le mois prochain. Et sinon, pour ceux qui sont dans le sud de la France vers Avignon cet été à Avignon. 

Elisabeth Bouchaud [01:31:01] 

Voilà Bien. Merci beaucoup et merci Pauline. Et oui, absolument! 

David Dufresne [01:31:10] 

Je vais envoyer en fait le bestoff de la saison six et après Pauline qui revient pour discuter avec les Aupostiens et Aupostiennes. Tiens! Merci beaucoup à toutes les deux. Merci beaucoup! 

Elisabeth Bouchaud[01:31:26]

 Merci à vous. 

Voilà, c’est là qu’il faut aller. Abonnez-vous au post fr. Je ne t’ai pas demandé. Merci bien. Oui, mais je le fais spontanément et on n’est pas chez les cons. On poste. Abonnez-vous. . 

David Dufresne [01:31:45] 

Super! Merci beaucoup! Bravo! Abonnez-vous au poste pour sauver les bébés phoques et la liberté d’expression. All camarades are beautyfull . Abonnez vous, Abonnez vous, poste, 

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