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David Chavalarias #AuPoste

Élections, révélations: le Kremlin à l’assaut des réseaux sociaux et de la République

Une étude du CNRS dévoile des manœuvres de longue haleine pour affaiblir le débat public en France. Selon David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS, les élections législatives marquent le point culminant de cette manipulation orchestrée par le Kremlin depuis 2016. En s’appuyant sur les réseaux sociaux, cette convergence d’intérêts entre le régime de Poutine et l’extrême droite française vise à affaiblir le front républicain.

David Chavalarias est revenu dans les locaux d’Au Poste pour détailler son analyse. Bien connu des habitués de l’émission depuis son ouvrage Toxic Data, Chavalarias, avec son projet Politoscope, traque depuis 2016 les manipulations numériques qui enserrent notre espace public.

Hasard de l’actualité, tandis que l’émission se terminait, le ministère russe des affaires étrangères publiait une photo de Marine Le Pen, assortie d’un commentaire vantant la volonté du « peuple français » d’une « rupture avec le diktat de Washington et de Bruxelles ».

« La carte après la dissolution a tout révélé » : la cartographie du chaos politique

« On a vu une sorte d’inversion du front républicain », lâche David Chavalarias, cherchant à expliquer ce qui, à ses yeux, est devenu visible après la dissolution de l’Assemblée Nationale en juin 2024. Ce qui pouvait ressembler à un glissement imperceptible de la twittosphère est devenu un virage abrupt : la convergence entre le bloc d’extrême droite et le parti Renaissance s’est renforcée, comme s’ils formaient les deux côtés d’une même pièce, au mépris du front républicain traditionnel qui s’effrite.

Dufresne ne mâche pas ses mots : « Ce que tu décris, c’est la prise de contrôle du débat démocratique par des intérêts russes, non ? ». Chavalarias confirme, avec la carte en main : on observe un alignement idéologique presque parfait entre certains acteurs politiques français et les manœuvres actives du Kremlin. Le public du tchat frémit : « Si on en est là, c’est que tout le système politique est en train de lâcher prise, non ? » commente Gaby_Marseille.


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Les stratégies russes sur Twitter : une guerre de l’ombre au grand jour

Depuis 2016, Chavalarias, mathématicien chercheur, et son équipe traquent, analysent, cartographient. Leurs recherches montrent une influence systématique du Kremlin sur le débat public français, visant à renforcer les franges les plus réactionnaires et les plus hostiles à l’Union européenne. Grâce au projet Politoscope, ils ont pu examiner des centaines de millions de tweets pour comprendre comment la désinformation se propage, et, plus inquiétant encore, comment elle façonne notre paysage politique.

« On voit que ces comptes se connectent, se renforcent les uns les autres », explique David Chavalarias en pointant les filaments serrés de la carte Twitter : en rouge, le bloc de gauche, en rose et mauve, Renaissance et l’extrême droite. Les relations dessinent une toile d’araignée empoisonnée. Pour David Chavalarias, c’est la preuve d’une stratégie de guerre hybride.

Le Kremlin ne cherche pas à choisir un camp, mais à diviser les camps républicains.

David Chavalarias

Le Front Républicain se fissure : « Ils veulent faire s’effondrer la République »

L’agitateur Dufresne joue son rôle : « N’est-ce que ce n’est pas un échec pour la démocratie ? Que ce front républicain se soit dissous aussi facilement, avec Musk en facilitateur de cette cacophonie ? » Pour Chavalarias, la réponse est sans appel : la démocratie n’est pas en échec, elle est « prise en otage ». Les restrictions imposées par Elon Musk n’ont fait que confirmer ce que les chercheurs redoutaient : un alignement stratégique de comptes influents visant à réduire la capacité de résistance des partis républicains.

Ce qu’on voit, c’est une guerre d’usure, une lente destruction de nos institutions par des moyens numériques.

David Chavalarias

« C’est bien beau tout ça, mais que fait l’État ? » demande UserX sur le tchat. Mais l’État est plus dans la réaction que dans la prévention. Ce qui est en jeu pour la démocratie française, c’est sa capacité à maintenir sa crédibilité face à des attaques qui ne connaissent ni frontière ni réglementation.

Une stratégie de manipulation politique : le rôle de la désinformation

Dans les jours qui ont suivi la dissolution, David Chavalarias a observé une dynamique surprenante. « Les cartes montraient que les discours de l’extrême droite et du gouvernement Macron convergeaient sur des sujets précis, notamment sur la critique de la gauche et sur l’immigration», décrit-il. La stratégie, inspirée par les techniques de manipulation politique, a pour objectif d’affaiblir les mouvements progressistes en normalisant les idées d’extrême droite.

Pour le chercheur , l’impact sur les prochaines élections est déjà là. Les signaux de radicalisation se sont multipliés ces dernières années, et l’influence russe, bien que subtile, a contribué à ce climat délétère. Les élections législatives seraient «l’étape finale», selon lui, avant que des personnalités ouvertement pro-Kremlin ne parviennent au pouvoir.

« Nous devons reprendre le contrôle de nos espaces publics numériques »

Face à cette situation, les solutions sont difficiles à identifier. Chavalarias en avance toutefois quelques-unes : réguler les plateformes, surveiller de près les réseaux, rendre le financement des campagnes plus transparent. Mais il ne s’agit pas seulement de mesures techniques. Pour l’expert, « il faut aussi réinvestir l’espace public numérique. Laisser le terrain libre à ceux qui manipulent, c’est condamner notre démocratie à une lente asphyxie ».

Sa conclusion est amère, mais il reste résolu : « Nous ne pouvons pas rester passifs. Les attaques sont là, visibles, mais la résistance doit l’être tout autant ». Il ajoute, sous les applaudissements silencieux du chat : « La démocratie, c’est l’affaire de tous, et si nous n’en sommes pas les gardiens, alors d’autres se chargeront de la détruire ».

Trois questions clés

En quoi consiste le projet Politoscope ?

Le projet Politoscope est une initiative de recherche menée par David Chavalarias et son équipe depuis 2016. Ce projet vise à analyser et cartographier les dynamiques politiques sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter. L’enjeu est de comprendre comment la désinformation et les campagnes de manipulation peuvent influencer le débat public en France, en identifiant les interactions et alignements idéologiques entre les différents acteurs politiques.

Que visent les interventions russes sur la politique française ?

L’ingérence russe dans la politique française a un impact significatif : elle vise à affaiblir le front républicain dans le but de soutenir des candidats favorables à une politique plus alignée avec ses intérêts. Cela passe par l’orchestration sur les réseaux sociaux de campagnes de désinformation qui soutiennent l’extrême droite et divisent les mouvements républicains.

Pourquoi la manipulation des réseaux sociaux par la Russie est-elle si préoccupante pour la démocratie française ?

Ces manipulations affaiblissent la confiance des citoyens envers leurs institutions et influencent les résultats électoraux. En organisant la désinformation, le Kremlin tente de semer la division entre les mouvements démocratiques et de normaliser des discours extrémistes, compromettant ainsi la stabilité du système démocratique.

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