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Fabrice Lhomme #AuPoste

Macron, masques et mensonges : la face cachée de la crise sanitaire

Pour ce cinquième numéro de la « boîte noire », je vous propose de rencontrer Fabrice Lhomme, grand reporter au Monde, qui forme depuis de nombreuses années un binôme d’enquêteurs avec Gérard Davet.

51 rapports. 160 000 morts. Et pas un responsable. C’est l’équation glaçante que pose Les Juges et l’Assassin, l’enquête saisissante de Fabrice Lhomme et Gérard Davet (Flammarion). Invité de La Boîte Noire avec Marc Endeweld, Lhomme revient sur les coulisses judiciaires d’un naufrage politique : la gestion du Covid par l’État français. Des perquisitions à 6h du matin, des alertes ignorées, des preuves réécrites et une impunité intacte. La Cour de Justice de la République a ouvert la boîte noire, et Lhomme y a vu : l’indifférence, le cynisme, la désorganisation, la peur. Et surtout : l’effacement méthodique de la responsabilité politique.

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« Ce n’est pas un échec sanitaire, c’est une faillite d’État. » Fabrice Lhomme ne mâche pas ses mots. Et il ne parle pas à la légère : avec Gérard Davet, ils ont eu accès à l’intégralité de l’enquête judiciaire sur la gestion du Covid, menée par la Cour de Justice de la République. Ce qu’ils y ont vu ? Une mécanique d’effacement: effacement des preuves, effacement des responsabilités, effacement de la mémoire collective.

Dans l’émission, il détaille méthodiquement ce que le livre met en lumière : 51 rapports officiels, tous unanimes, qui alertent sur la nécessité d’un milliard de masques en stock. Résultat : 65 millions au printemps 2020, dont une bonne partie périmée.

Un mensonge d’État documenté

« On ne nous a pas dit la vérité. » Lhomme revient sur l’un des moments les plus glaçants : le chiffre du milliard, jugé trop gênant, est tout simplement supprimé d’un rapport d’experts. « Ils ont demandé aux scientifiques de refaire le rapport. C’est humiliant. » Jérôme Salomon, alors directeur général de la Santé, est pointé comme l’un des acteurs clés de ce déni organisé.

Derrière ce mensonge : la peur du scandale budgétaire. Après le « traumatisme Bachelot » (accusée d’avoir trop commandé de vaccins  lors de la grippe H1N1), plus personne ne veut assumer le coût politique d’une prévention massive. « On a préféré risquer des morts que d’être critiqué pour avoir trop acheté. »

« Derrière leurs décisions, des gens sont morts. »
Agnès Buzyn, dans un SMS révélé dans le livre

Un ministre informé par… Le Monde

« Le plus surréaliste ? C’est qu’Olivier Véran découvre l’état des stocks en lisant nos articles. » En mai 2020, alors que la France est en panique, le ministre de la Santé envoie un mail à ses équipes pour vérifier… si Le Monde dit vrai. Le tout en pleine destruction de millions de masques encore utilisables. « Ils s’intéressaient plus à leur image qu’à la crise. »

À ce moment-là, le tchat s’agite : « Incroyable légèreté », écrit [@Salomé], « Ils ont menti pour sauver leurs fesses, pas nos vies », renchérit [@ArnaudB].

Un pouvoir sous influence… et hors de portée

Les trois ministres visés Agnès Buzyn, Olivier Véran, Edouard Philippe  sont entendus des dizaines de fois. Et pourtant : aucun procès, une seule mise en examen, finalement annulée. La justice a fait son travail, dit Lhomme. Mais elle bute sur un mur : « Le Président est irresponsable pénalement et ses conseillers ne disent rien. »

Ce silence, orchestré par l’Élysée, atteint son paroxysme lorsqu’un projet de réponse de Richard Ferrand aux juges est corrigé par la conseillère justice de Macron. « C’est un mélange des genres ahurissant. » La séparation des pouvoirs est piétinée, au nom de l’alignement politique.

L’État savait. Il n’a rien fait.

Des notes confidentielles, des alertes répétées, un hangar oublié dans la Marne rempli de matériel périmé et toujours la même réponse : le budget. « Mais le pire, c’est que ce n’était même pas pour économiser. C’était pour ne pas avoir à rendre de comptes. »

L’État savait que 99 % des antiviraux étaient périmés. Il savait que les blouses manquaient. Il savait que les soignants partaient au front sans protections. Il a tout de même maintenu les élections. Tout de même attendu pour confiner tout de même préféré le silence.

« On est en guerre, disait Macron. Mais on a oublié de fournir les armes. »
Fabrice Lhomme

Un virus, des morts, et pas de coupables

Alors, qui est l’assassin ? Le virus, répond Lhomme. Mais ce virus a été aidé : par le déni, la peur, l’absence d’anticipation. Et surtout : par une gouvernance ultra-personnalisée, concentrée à l’Élysée, sans contre-pouvoirs. Ce que raconte ce livre, c’est la dilution de la responsabilité. Le règne de l’irresponsabilité.

Un général est mandaté pour faire un rapport ? Celui-ci n’est même pas lu. Une commission parlementaire convoque une ministre ? Elle négocie les questions à l’avance. « Le pouvoir s’est protégé pas le peuple. »

Un document secret défense, publié. Un journaliste convoqué.

Fabrice Lhomme n’élude pas le rôle de la presse. Il raconte comment Le Monde a été auditionné par les juges. Comment les documents qu’il avait publiés ont été finalement retrouvés par la justice. Et il assume : « On ne donne rien. On protège nos sources. Mais ce qu’on publie appartient à tout le monde. »

Le secret défense ? Il le contourne pour l’intérêt public, pour que personne ne puisse dire : on ne savait pas.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de procès malgré l’ampleur des révélations ?

Parce que la CJR renvoie rarement les ministres en procès, sachant que le jugement serait rendu par des politiques eux-mêmes. C’est un système verrouillé.

Pourquoi cette enquête est-elle si explosive ?

Parce qu’elle donne accès à des documents et auditions jusqu’ici totalement inaccessibles. Elle révèle, noir sur blanc, les décisions et non-décisions qui ont coûté des vies.

Quel est le rôle d’ Emmanuel Macron dans tout cela ?

Il est central, mais juridiquement intouchable. Son entourage a été interrogé, mais n’a rien dit. La verticalité du pouvoir, ici, devient une forteresse.

Ce livre peut-il encore changer les choses ?

Oui. Il alimente une mémoire collective, oblige les décideurs à se positionner, et pose une question politique fondamentale : qui protège qui, dans une crise ?

Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.

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