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Depuis quelques années, nous avons vu l’État s’attaquer au mouvement écologiste après avoir démantelé des associations anti-racistes musulmanes et contestataires. Nous avons vu les manifestations interdites et l’antiterrorisme maintenir l’ordre. Nous avons vu un ministre menacer la plus ancienne organisation de défense des Droits de l’Homme. L’ami Pierre Douillard-Lefèvre, un habitué du Poste, revient avec Dissoudre (Editions Grévis) sur l’objectif du régime Macron. Non susciter l’adhésion mais la soumission. Dissoudre tout ce qui fait commun. Alors que l’horizon se rétrécit, son livre d’intervention propose une histoire des procédures de dissolutions et la manière dont elles incarnent désormais la gouvernementalité contemporaine. Mais surtout, Douillard-Lefèvre se demande comment faire face

Comprendre le fascisme qui s’installe (et les dissolutions qui pleuvent)

Depuis quelques années, nous avons vu l’État s’attaquer au mouvement écologiste après avoir démantelé des associations anti-racistes musulmanes et contestataires. Nous avons vu les manifestations interdites et l’antiterrorisme maintenir l’ordre.

Nous avons vu un ministre menacer la plus ancienne organisation de défense des Droits de l’Homme. L’ami Pierre Douillard-Lefèvre, un habitué du Poste, revient avec Dissoudre (Editions Grévis) sur l’objectif du régime Macron. Non susciter l’adhésion mais la soumission. Dissoudre tout ce qui fait commun. Alors que l’horizon se rétrécit, son livre d’intervention propose une histoire des procédures de dissolutions et la manière dont elles incarnent désormais la gouvernementalité contemporaine. Mais surtout, Douillard-Lefèvre se demande comment faire face.

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Bien qu’il boive du thé, et non du café comme il se devrait, Pierre Douillard-Lefèvre, est convoqué au Poste pour la 4ème fois, à l’occasion de la sortie de son dernier livre «Dissoudre», aux éditions Grévis, dont la densité est inversement proportionnelle à la taille et au prix. Chercheur en sciences sociales, spécialisé dans les questions de maintien de l’ordre, il recense dans ce livre l’origine et l’historique des dissolutions en France dans les années 30. De quoi sont-elles le signe ? Comment elles articulent un retournement de la procédure et du sens des mots. Inversion des valeurs de l’échiquier politique qui permet au régime de justifier des procédures administratives brutales qui attaquent l’opposition. Et quelles solutions proposer à ces dissolutions, apprises  des collectifs.

Les dissolutions en 2023

La tendance exponentielle des dissolutions a d’abord visé des structures musulmanes, des médias, des groupes antifascistes ou des gilets jaunes.  En 2023, la dissolution visant les Soulèvements de la Terre marque un cran supplémentaire dans le processus en cours.

Dans la même unité de temps et d’espace, nous avons vu le chantier d’une mégabassine au milieu de plaines désolées, transformé en forteresse. Nous avons vu des milliers de militaires protéger un trou en envoyant des salves d’explosifs dans la foule. Nous avons vu un régime, pris dans une frénésie de dissolution, s’attaquer au plus grand mouvement écologiste du moment.

Pierre Douillard-Lefèvre

La dissolution d’un groupement est une loi d’exception, extrajudiciaire, administrative avec démantèlement de la structure dissoute et sans recours immédiat. De fait, elle attaque la loi de libre association de 1901, et marque un recul inquiétant sur le droit à se coaliser. 

En chimie, la dissolution est l’état d’un corps solide dont les parties ont été séparées. La suppression de la cohésion des éléments qui rendait une matière résistante. L’objectif d’un régime qui a renoncé à l’apparence même de sa propre légitimité n’est plus de mobiliser mais de démobiliser, n’est plus de susciter l’adhésion mais la soumission, n’est plus de provoquer l’action mais l’apathie, et pour y parvenir, dissoudre ce qui fait humain.

Pierre Douillard-Lefèvre

A l’origine: les lois de 1935 et 1936

La dissolution est créée dans les années 30, en deux temps, dans le contexte très tendu de la montée du fascisme en Europe et en France. En réponse à la menace des ligues armées, comme l’Action Française – ligue royaliste et antisémite, dont est issu Gérald Darmanin – envers la République . La 1ère loi, de 1935, est portée par Pierre Laval, alors radical socialiste. Il arrive au pouvoir en pleine crise de régime et va casser de nombreuses avancées sociales. Équivalent d’un macroniste – ni droite ni gauche – il va introduire la dissolution des associations. La 2ème loi, de 1936, découle de l’agression de Léon Blum et vise la dissolution des groupes armées fascistes. David Dufresne relève l’illusion de cette loi qui sera rapidement détournée. Dès 1937, ce sont les groupes anticolonialistes – l’étoile nord-africaine – puis les groupes de gauche qui sont dissous.  Rapidement cette loi s’avère contre-productive. Alors que l’extrême-droite continue d’exister, un de ses groupes armés, la Cagoule, qui terrorise et tue, milite dès 1938 pour la dissolution du parti communiste. En septembre 1939, le PC est dissous, ses militants arrêtés, son journal l’Humanité, son syndicat la CGT et toutes les associations fédérées dissous. 

L’arbitraire qui se répète après-guerre

Au lieu d’être abandonnée, la dissolution s’étend aux groupes anticolonialistes. En 1947 à Madagascar, 100.000 personnes sont tuées. On frappe les corps et on dissout les structures. Amer refrain qui résonne dans l’actualité. Non seulement la procédure administrative de dissolution permet à l’État d’arrêter les membres d’une organisation dissoute – ce qui dépasse la visée administrative – mais l’application de la procédure elle-même est également arbitraire.

Après 1968, la dilatation des dissolutions reprendra jusqu’en 1972 visant des mouvements d’extrême droite (Occident) et d’extrême-gauche (la Gauche Prolétarienne). À partir de 1972, s’opèrent quelques retouches à la loi qui pointe d’abord les groupes à partir de propos haineux. Puis, en 1986, ce sont les groupements liés au terrorisme qui sont concernés. Enfin, au XXIème siècle, on assiste à travers la loi séparatisme, à l’avènement de l’anti-terrorisme comme mode de gouvernement.

Cette loi de dissolution, elle naît dans un contexte fasciste et en fait, elle traverse les époques. Non seulement cette loi contre les milices de combat, elle n’est jamais abrogée, mais elle est constamment enrichie par l’État français, et notamment sous la Vème République. Le périmètre des dissolutions, qui était quand même un petit périmètre – les milices armées – c’est un périmètre qui s’étend jusqu’à englober des pans extrêmement importants.

Pierre Douillard-Lefèvre

La loi séparatisme

La loi séparatisme de 2021 – confortant le respect des principes de la République – de Gérald Darmanin marque un nouveau recul sans précédent sur la liberté d’association. Par le principe d’inversion de la charge de la preuve, propre aux procédures antiterroristes, une arrestation sur une intention est rendue possible. David Dufresne pointe le renversement à l’œuvre dans la notion de violence : les années 30 pointent les ligues fascistes armées versus les années 2020 accusent les casseurs de vitrines.

Depuis 2017, le nombre de dissolutions explose. Entre l’élection de François Mitterrand en 1981 et celle de Macron, l’État n’a prononcé que 29 dissolutions en plus de trois décennies. En avril 2023, Macron avait déjà engagé la dissolution de 34 associations et collectifs en seulement six années de pouvoir. Un record absolu sous la Vème République. Loin devant le général de Gaulle, dont les dix années de règne ont été secouées par la guerre d’Algérie, ponctué de tentatives de putsch et d’assassinats, et mai 68 qui a fait vaciller le régime.

Pierre Douillard-Lefèvre

Depuis 7 ans, Macron a plus dissous que tous les gouvernements de la Vème, IVème et IIIème République réunies. Or, une fois prononcée, la dissolution est très difficile à contester. Seul le média indépendant Nantes Révoltée a fait échouer le gouvernement, avant l’enclenchement de sa dissolution.

Parallèlement, à l’Assemblée Nationale, le nombre de sanctions des députés explose aussi

Luckopat dans le tchat

L’expansion des dissolutions révèle le durcissement du régime : record de 49.3 – plus de 20 – et record d’utilisation d’armes de la police. À nouveau, frapper les corps et dissoudre les structures. Pierre Douillard-Lefèvre renchérit au message de SentierBattant dans le chat : à l’ombre des politiques qui passent, on trouve des petites mains qui œuvrent. Pascale Léglise, fonctionnaire de la DLPAJ, casse méthodiquement les libertés publiques depuis 2010 – à la tête de 240 fonctionnaires dans son service du Ministère de l’Intérieur qui exerce à temps plein la répression des libertés publiques – en appliquant notamment la caractérisation de provocation «subliminale»1. Cette dérive pourrait interpréter un like comme une intention de violence.

Il faut quand même remettre la Pascale Léglise au milieu du village, Pierre, en disant que cette dissolutionnite aiguë est due à la présence de la DLPAJ de Mme Pascale Léglise, très friande de dissolutions. Son petit nom est même «Destop», ce n’est pas une blague.

Sentierbattant dans le tchat

La création de récit et la désagragation du sens

Les mots anti-républicain, éco-terroriste, black-bloc, ultra-gauche figurent l’ennemi, le stigmatisent et précèdent le lancement des dissolutions dans le but de les justifier. Cette illusion langagière, marque de fabrique de Macron qui multiplie les paradoxes pour empêcher de penser. De même, Darmanin, passé par l’Action française, menace la Ligue des Droits de l’Homme, sous le prétexte d’anti-républicanisme. Le sociologue amateur de thé déploie, avec la rigueur qui le caractérise, la multiplicité des signifiés que le mot République a revêtu dans l’Histoire, de la République romaine à nos jours. Ces 20 dernières années le concept s’est inversé, on est passé d’un front républicain – de la gauche au centre droit – à un arc républicain – de Zemmour à Macron. Il faut faire croire que le danger est à gauche, que la république est à l’extrême droite. Un autre outil, celui-ci financier, instauré par la loi Séparatisme et passé alors inaperçu, est le Contrat d’Engagement Républicain. Il donne tout pouvoir à l’état pour supprimer des subventions à des milliers d’associations et de salariés. 

Des dissolutions aux solutions, des rhizomes venus de la terre

La plus grande offensive a visé les Soulèvements de la Terre, une organisation militante gigantesque, composée de comités diversifiés. Comme pour Nantes révoltée, c’est une mobilisation organisée et solidaire qui aboutit à une victoire politique en novembre 2023. Comme solutions, Pierre Douillard-Lefèvre évoque la nécessaire bataille juridique mais insiste sur la création d’un contre-récit qui désamorce les procédures. Comme dans le cas de l’affaire dite de Tarnac, bien connue de nos services, où lors du dernier procès, il s’avèrera que le récit créé sur l’ultra-gauche s’était déjà effondré comme un soufflé. Encore une raison évidente de soutenir les médias indépendants créateurs de contre-récits !

1. https://www.lemonde.fr/religions/article/2016/12/03/salafisme-de-la-difficulte-de-demontrer-l-existence-d-un-message-subliminal_5042803_1653130.html

Dissoudre (les dissolutions) avec Pierre Douillard

02/04/2024

Retranscription: Roland Grosso / Apple Podcast

Prologue

Tu m’entends depuis cinq minutes? Tu fais exprès ou quoi?

Je t’entends depuis dix secondes.

Qu’est-ce qui se passe? Écoute, j’ai l’impression que…

T’es parti en impro là, c’est ça?

Total, Freestyle total. J’ai dit beaucoup de mal de toi, j’ai dit que…

C’était de la faute de mon ordinateur!

J’ai dit beaucoup de bien, mais j’ai dit que toi, t’avais un petit souci, c’est que tu buvais du thé.

Avec un peu de muscadet dedans quand même, parce qu’on est à Nantes.

Et on est… Bon, comment vas-tu Pierre? Je suis désolé, mais c’est parti.

Je t’ai fait te lever tôt pour une broutille, parce que, enfin, pour une connerie, parce qu’en réalité, figure-toi, au moment où j’ai lancé le live, mon logiciel m’a dit, ah non, la carte de son n’est pas à jour. Et il a fallu tout refaire. Voilà, je suis absolument désolé.

Transcription du live

Ça nous avait manqué, ces lives-là. Voilà, Pierre Douillard Lefebvre, tu es au poste pour la troisième ou quatrième fois. Et c’est toujours un plaisir.

Tu as écrit déjà deux livres. C’est ton troisième. C’est ton troisième Dissoudre aux éditions Grévis.C’est un petit livre qui vaut 10 balles et qui est d’une densité rare. Je ne sais pas comment on va faire l’émission parce que j’ai pratiquement corné les 100 pages, si tu veux. Donc c’est un peu complexe.

Les amis, je vais monter le son de l’invité. Je vais essayer de vous mettre le live, le chat. Mais pour l’instant, l’essentiel, c’est qu’on soit là.

Pierre, je parlais tout à l’heure pendant les réglages de ton livre comme un précipité de ce fascisme qui s’installe. Alors, le mot est fort, fascisme. Mais ce qui est absolument incroyable en te lisant, c’est que tu nous racontes à la fois l’histoire des dissolutions dans l’histoire de France.Ça remonte très loin avec une accalmie. On va rentrer dans les détails. Et une sorte d’accélération sidérante ces derniers mois, ces dernières années.

Et en lisant ton livre, on a l’impression d’un précipité de ce qui nous arrive

“Est-ce que c’était ça le but de ton ouvrage?

C’est-à-dire, je fais un point d’étape. Où est-ce qu’on en est et d’où ça sort? Est-ce que c’est ça le point?

Le point est parti d’une actualité très concrète, très matérielle. C’est-à-dire différentes dissolutions ou tentatives de dissolution contre d’abord des structures musulmanes ces dernières années et puis des structures des luttes sociales et écologistes. Il y a eu l’attaque contre Nantes révoltée en 2022, le Média Nantes Révoltée.

Il y a eu plusieurs groupes antifascistes militants qui ont été dissous ou Gilets jaunes. Et donc, au printemps dernier, au printemps 2023, il y a eu cette offensive contre les soulèvements de la Terre, qui était à mon sens un cran supplémentaire en termes d’attaque et de tentatives de dissolution contre un contre-pouvoir politique, social, écologiste. Et donc, à partir de là, j’ai eu envie de réfléchir à ce que c’était la procédure de dissolution, de quoi il s’agissait sur le plan historique, comment c’était apparu et ce qu’elle disait de la société actuelle et du régime actuel.”

“Et donc, comme tu le disais, tout nous renvoie aux années 30. On va peut-être en parler dans plus de temps, mais tout nous renvoie aux années 30, puisque les dissolutions sont nées dans les années 30. C’est pour ça que c’était assez intéressant.

Et on va sûrement le voir. Il y a eu un retournement, une inversion qui s’est opérée à la fois en ce qui concerne purement la procédure de dissolution, mais également du sens des mots, du sens général, des discours politiques, etc. qui permettent de justifier les dissolutions.

Je vais te proposer de lire quelques passages. Je pique à Pauline Todesco qui anime de main de maître et de maîtresse l’émission Bonjour Colère. Elle est jeune, elle est talentueuse et est astucieuse puisqu’en fait elle fait travailler les invités.”

“Et moi au bout de 400 émissions, je me suis dit elle n’a pas tort, elle n’a pas tort. Donc je vais te proposer de lire pour commencer un premier passage que tu connais par cœur, que je t’ai envoyé. C’est le tout début du livre.

C’est les 20 premières lignes et les amis vous me direz pour le son. J’avais compris qu’il fallait augmenter le son de Pierre, mais en fait j’ai vu que c’était l’inverse. Mais là je pense que le son est bon.

Pendant que Pierre lit, si vous pouvez me dire dans le chat d’abord vous l’écoutez parce que c’est vraiment, vous allez voir, ça met bien le couvert, ça met bien la table. Et voilà, s’il faut régler le son de Pierre, comme ça après on va partir dans une émission que je vous garantis passionnante avec Pierre. Pierre, à vous les studios.”

“Dans la même unité de temps et d’espace, nous avons vu le chantier d’une méga bassine au milieu de plaine désolé, transformé en forteresse. Nous avons vu des milliers de militaires protéger un trou en envoyant des salves d’explosifs dans la foule. Nous avons vu un régime pris dans une frénésie de dissolution, s’attaquer au plus grand mouvement écologiste du moment.

Nous avons vu les soulèvements de la terre, coalition d’une dizaine d’associations et de collectifs, de centaines de comités locaux et leurs dizaines de milliers de soutien, visés par une procédure d’exception forgée au cœur des années 30 contre les ligues fascistes. Nous avons vu un pouvoir démantelé de la même manière les associations antiracistes, musulmanes ou contestataires. Nous avons vu un clan capturer les concepts de république et de laïcité pour dissoudre ses ennemis intérieurs et des accusations de terrorisme englobés des pentes toujours plus étendues de la population.

“Voilà, ça c’est le tout début, c’est la situation. Et tu commences par reprendre l’historique des dissolutions. Et je vais dire un autre passage, page 9, comme ça on va bien comprendre.

En chimie, la dissolution est l’état d’un corps solide dont les parties ont été séparées. La suppression de la cohésion des éléments qui rendait une matière résistante. L’objectif d’un régime qui a renoncé à l’apparence même de sa propre légitimité n’est plus de mobiliser mais de démobiliser, n’est plus de susciter l’adhésion mais la soumission, n’est plus de provoquer l’action mais l’apathie et pour y parvenir dissoudre ce qui fait humain.

Alors, je te propose de démarrer avec les années 30. Est-ce que tu peux nous raconter, puisque les dissolutions auxquelles on assiste aujourd’hui, de quel que soit le bord, et on en parlera tout à l’heure parce que tu donnes aussi des solutions à la fin du livre sur comment faire face à ces dissolutions, comment faire face à la situation. En fait, les dissolutions puissent leur, entre guillemets, leur légitimité dans les années 30 avec une loi très précise.”

“Docteur Lefebvre, Douillard Lefebvre, à vous la parole.

Oui, alors effectivement, la procédure administrative de dissolution, c’est l’histoire d’une grande inversion. En préambule, la procédure de dissolution, c’est une procédure d’exception qui est extra judiciaire, qui est administrative et une dissolution d’associations, de groupements, de collectifs, elle est directement prise par l’exécutif, c’est à dire elle est décrétée en conseil des ministres, sans possibilité de recours immédiat, c’est à dire qu’un gouvernement peut décider un matin, en conseil des ministres, de dissoudre n’importe quelle structure et à partir de là, la structure est démantelée. Alors après, il y a des recours qui peuvent être faits, mais la structure est démantelée dans les faits, il est interdit à ses membres de se réunir, de travailler ensemble, de militer, etc.”

“Ça c’est une première chose, c’est une procédure d’exception extrêmement grave et qui est une attaque frontale contre la liberté d’association de 1901. Vous connaissez cette fameuse loi 1901, toutes les associations sont basées sur cette loi-là. En 1901, la Troisième République garantit la liberté d’association et c’est une grande avancée qui fait suite à des décennies de combat pour la liberté syndicale, la liberté de se couper, la liberté de lutter ensemble, etc.

De se coaliser, comme on disait à l’époque. Et donc, quand la procédure de dissolution apparaît dans les années 30, c’est une attaque extrêmement grave, un recul extrêmement grave de 30 ans en arrière. Alors dans quel contexte elle apparaît cette procédure maintenant?”

“Elle apparaît dans un contexte qui est très particulier, très singulier, qui est celui, je l’ai dit, des années 30, c’est-à-dire de la montée du fascisme. Alors au milieu des années 30, on est dans une situation de tension extrême, très préoccupante, avec évidemment, comme vous le savez, en Allemagne, Hitler qui est au pouvoir depuis 1933, qui a anéanti les contre-pouvoirs et qui se prépare à la guerre. En Italie, Mussolini est au pouvoir depuis les années 20.

Donc il y a une internationale fasciste qui est en train de se constituer. Et puis en 1936, il va y avoir le coup d’État franquiste qui va renverser la République espagnole. Donc on est dans un contexte de tension.

Et en France, il se passe plus ou moins la même chose à un stade moins avancé, moins inquiétant. C’est-à-dire qu’il y a des mouvements fascistes, des groupes d’extrême droite, ce qu’on appelle les ligues à l’époque, des ligues d’extrême droite qui sont extrêmement puissantes, extrêmement racinées. Alors il faut imaginer que les ligues regroupent des dizaines et parfois des centaines de milliers de membres.”

“C’est des organisations de masse qui organisent des défilés de rues en uniforme avec des armes. Il y a des combats de rues extrêmement violents avec parfois des morts. Et ces ligues, elles se sont promis de renverser la République sur le même modèle.

Donc que les voisins, que les pays voisins avec le projet d’un État fasciste, militaire. Enfin, ça dépendait des structures. Parmi ces ligues, il y a par exemple l’Action française.

L’Action française, c’est une structure très puissante avec un journal.

L’Action française qui remonte à l’affaire Dreyfus.

Voilà, tout à fait. On y reviendra tout à l’heure parce que c’est intéressant. Il y a un rôle assez hallucinant dans la mesure où le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est lui-même issu de l’Action française qui était une ligue d’extrême droite dans les années 30.

L’Action française, donc structure très puissante et qui avait, comme souvent les groupes d’extrême droite, une structure paramilitaire qui s’appelait les Camelots du Roi. Ces Camelots du Roi avaient des bâtons et défilaient dans la rue et en gros frappaient les opposants politiques, donc les militants de gauche.

“Les Juifs, c’est violemment antisémite l’Action française, et donc commettaient des exactions, faisaient régner la terreur.

Dans ce contexte-là, de montée du fascisme à l’échelle européenne, il y a une date importante en France qui est le 6 février 1934. Le 6 février 1934, il y a une grande marche des ligues d’extrême droite jusqu’au Parlement avec une tentative de prendre d’assaut l’Assemblée nationale, le Parlement, dans une logique vraiment antiparlementaire. Et donc c’est cette manifestation virale émeute et il y a plusieurs morts.

Il y a plusieurs morts. Alors on a beaucoup retenu le 6 février 1934, mais on n’a pas retenu les jours qui ont suivi.

Avec les communistes qui contre-manifestent et qui se retrouvent avec des morts.”

“Voilà, on a retenu qu’il y avait eu des morts du côté de l’extrême droite. Mais dans les jours qui suivent, il y a tout de suite une riposte antifasciste des syndicats, des groupes communistes. Et la police à nouveau tire cette fois-ci sur les manifestants de gauche et il y a des morts.

Et donc c’est un électrochoc. La gauche française se dit la République est en danger. On va éviter de reproduire ce qui s’est passé dans les pays voisins.

Et donc il y a deux grandes manifestations en réalité qui sont lancées. Une par les socialistes, la SFIO, et une par le Parti communiste. Et ces deux grandes manifestations vont converger spontanément ensemble.”

“Il va y avoir une véritable marée humaine contre le fascisme et pour la défense de la République. Avec une grande banderole en tête, un calicot qui appelle à l’unité du mouvement ouvrier pour la République. Et pour dissoudre, le mot est utilisé sur ce calicot, pour dissoudre les groupes d’extrême droite. A partir de là, l’idée de dissoudre les groupes d’extrême droite va faire son chemin. Ce qui est intéressant, c’est qu’en 1935, un an après, il y a un politicien, un radsoc, un radical socialiste qui s’appelle Pierre Laval. Pierre Laval que vous connaissez sûrement parce qu’il sera collaborationniste.

Écoutez bien parce que effectivement, cet aspect là de Pierre Laval que tu vas nous compter, vas-y profite, prends une petite gorgée de thé, thé musclé, voilà. Et effectivement, Pierre Laval en fait va jouer un rôle. Alors il faut rappeler, Pierre Laval vient, tu l’as dit, un radsoc, mais donc il vient du monde socialiste, c’est un homme de gauche au départ.”

“Que se passe-t-il en 1935? Il devient président du conseil et là, quelque chose va se passer.

Voilà, les traîtres à gauche, ça ne date pas des années 80 et de Mitterrand, et plus récemment de Valls, ça date de longtemps. Et donc Pierre Laval, c’est l’incarnation de ce reniement, c’est quelqu’un qui vient du centre-gauche, qui est radical socialiste. Il y a le mot socialiste dedans, mais en réalité, la famille radicale socialiste est centriste, elle est dans cette sorte de marécage centriste, qui n’est ni vraiment de gauche, mais qui n’est pas encore totalement à droite.

Ce seraient un peu les macronistes actuels. Et Pierre Laval, effectivement, arrive au pouvoir dans un contexte de crise de régime, comme on l’a dit. Et ce qui est intéressant, c’est d’ailleurs que sur le plan économique et social, il va par décret casser tout un tas d avancés sociales.

“Il va réduire les salaires, etc. On est dans un contexte de crise économique. Et sur le plan des libertés publiques, il va commencer à introduire la possibilité de dissoudre les associations, de les démanteler, de faire fermer leurs locaux et de faire fermer leurs journaux et éventuellement de saisir leurs biens.

Alors ça, c’est intéressant. Ça introduit une première attaque contre la liberté d’association. Et cette première loi va être complétée en 1936 par réellement une loi du front populaire qui permet donc, et là j’insiste sur les mots qui vont être inscrits dans la loi, la dissolution des milices armées ou des groupes de combat.

Ça c’est très important, retenez-le pour la suite. La dissolution des groupes armés et des milices de combat. C’est une loi très précise, on l’a dit d’exception, qui est censée répondre à un contexte très particulier, celui du péril fasciste, pour s’attaquer aux milices armées.”

“C’est-à-dire les milices qui veulent s’en prendre militairement ou violemment à la République. Ce que j’ai oublié de préciser, c’est qu’en février 36, il y a quand même un épisode qui est important, qui est marquant. C’est-à-dire qu’on a Léon Blum, leader de la SFIO, leader socialiste, qui n’est pas encore à la tête du gouvernement en février 36, qui n’est pas encore à la tête du Front Populaire, qui est reconnu dans la rue, il est dans une voiture, il est reconnu dans la rue par des militants de l’action française.

Et ces militants de l’action française, ils vont casser la voiture, ils vont le sortir du véhicule avec tout un tas d’insultes antisémites, et ils vont essayer de le tuer. Ils vont le passer à tabac. Donc il faut imaginer, c’est comme si le représentant de la plus grande force politique en France était passé à tabac et que des groupes d’extrême-droite essaient de le tuer.”

“Et donc il est sauvé, in extrémis, Léon Blum, par des ouvriers syndicalistes qui sont, par miracle, au coin de la rue, qui reconnaissent Léon Blum, qui voit la scène et qui mettent en déroute les militants d’extrême-droite. Voilà, on est à ce niveau-là de violence politique quand même. Et donc c’est dans ce contexte-là qu’il y a une dissolution au début de…  après l’élection du Front Populaire, donc au printemps 1936, qu’il y a une dissolution de tout un tas de ligues d’extrême-droite, notamment l’Action Française, etc.

Et c’est là où on voit qu’il y a presque un malentendu dans notre mémoire collective, c’est qu’on pense que ça ne va être que ça, les dissolutions, c’est-à-dire les méchants fascistes. Donc, d’une certaine manière, dans l’inconscient collective de gauche, ce n’est pas si mal que ça, qui est une loi qui puisse dissoudre les milices d’extrême-droite. Et en fait, on se rend compte, tu nous fais nous rendre compte que très très vite, cette loi, elle est détournée à d’autres fins, mais vraiment très rapidement puisque, je crois que tu voulais y venir, dès janvier 37, on voit des dissolutions qui ne sont plus à l’extrême droite mais ailleurs.

“Alors oui, ça, c’est très important, mais je pense que notre public le sait. Mais généralement, les lois d’exception, les lois liberticides qui sont censées être réservées à un contexte précis, elles sont généralement non seulement maintenues, mais étendues. On l’a vu avec l’état d’urgence, on l’a vu avec tout un tas de procédures ces dernières années.

Les dissolutions, c’est la même chose. Elles sont censées, je mets des guillemets, protéger la République contre une menace existentielle face à des ligues d’extrême-droite. En réalité, dès 1937, tu l’as dit, les dissolutions, elles vont frapper les mouvements anticolonialistes.

Dès 1937, il y a par exemple l’Étoile Nord-Africaine, qui est un mouvement anticolonialiste algérien qui est dissout. Il n’est pas dissout par un gouvernement réactionnaire, il est dissout par le Front Populaire, ce mouvement algérien. Et donc, on voit que très rapidement, cette procédure d’exception, elle va s’étendre et elle va frapper effectivement d’abord des anticolonialistes, puis des groupes de gauche.”

“Donc, on voit qu’il y a un malentendu et une arnaque très rapide sur cette procédure de dissolution. Ah oui, et du coup, j’avais mis de côté cette citation d’ailleurs dès juin 1936. Alors, on est dans la vague des dissolutions des groupes d’extrême-droite en juin 1936.

Et donc, on a un député d’extrême-droite qui s’appelle Taittinger , qui est d’ailleurs dirigeant d’une ligue d’extrême-droite, d’une ligue fasciste, qui va lancer un avertissement à l’Assemblée nationale et qui va déclarer. C’est drôle, parce que l’extrême-droite prétend défendre les libertés publiques, alors que la gauche, elle, pousse à dissoudre le plus d’associations possibles. Et donc, ce Taitinger, qui est un ligueur, il lance à l’Assemblée nationale, prenez garde que les mesures prises ne se retournent un jour contre les hommes qui, aujourd’hui, les approuvent.

Et il avait, vu juste, il avait compris que cette procédure, elle allait s’étendre assez rapidement à tout un tas d’autres structures.”

“Donc, il y a cette extension du domaine des dissolutions dont tu parles, et ça va loin, puisque en 1939, alors la France est en guerre, il y a le 26 septembre, la dissolution d’un parti qui compte 250 000 adhérents, qui publie un quotidien qui existe toujours, l’humanité, qui contrôle les 350 mairies et qui est dissous. C’est le Parti communiste au nom même de cette loi. Alors, parce qu’évidemment, il y a le pacte germano-soviétique.

Donc, à ce moment là, le PC apparaît comme l’ennemi. Mais ce que je veux dire, c’est que c’est peut-être la dissolution la plus importante dans l’histoire contemporaine. Parce que tout à l’heure, on est allé vite.

On a fait comme si les dissolutions avaient démarré dans les années 30. Mais en réalité, tu remontes l’histoire, le 19e et encore avant. C’est-à-dire les atteintes à la liberté d’association, de regroupement, etc.”

“Ne datent pas des années 30. Mais laissons les lectrices et lecteurs découvrir ce pan là. Restons, si tu veux bien, dans les années 30, en 1939, le PC est dissout.

On dit dissout ou dissolu d’ailleurs?

Oui, alors non, non, mais je juste me permets une petite précision quand même.

Vas-y docteur.

Les libertés d’association, de coalition, de regroupement, elles étaient interdites pendant tout le 19e siècle. Et justement, elles sont légalisées très largement en 1901. La fameuse loi 1901, toutes les personnes qui ont des associations le savent.

En créant la loi 1901, il n’y a quasiment aucune restriction. Ça instaure réellement une vraie liberté de coalition, d’organisation. Et 1936, c’est un retour sur cette loi là.

C’est un retour en arrière de 30 ans en réalité.”Exactement.

Donc, ce qui se passe, c’est qu’à partir de… Déjà, il faut dire que l’extrême droite ne disparaît pas grâce aux dissolutions. Elles continuent à exister.

Ce que les groupes fascistes font, c’est tout simplement qu’ils recréent et d’autres parties ou d’autres associations ou d’autres ligues qui prennent d’autres noms. Donc voilà, c’est assez simple finalement pour elles. Il y a aussi des groupes qui passent dans la clandestinité.

Et donc, quelque part, la dissolution est même contre-productive parce qu’après 1936, donc, il y a un groupe qui s’appelle la Cagoule, qui est en fait un groupe fasciste, qui passe dans la clandestinité et qui commet des attentats terroristes extrêmement violents, qui tuent des syndicalistes, des militants de gauche, etc. Avec l’objectif assumé d’instaurer un régime fasciste en France. Et la Cagoule était soutenue par les grands patrons français, par L’Oréal, etc.”

“Et donc, ces groupes d’extrême droite, non seulement ils n’ont pas disparu, mais ils vont militer pour dissoudre le Parti communiste. Et dès 38, donc avant la guerre, dès 38, ils vont dire que le Parti communiste est une menace, est un ennemi intérieur, travaille pour l’ennemi. Et donc, il faut dissoudre le Parti communiste.

Ce que le gouvernement fait, comme tu l’as dit, en septembre 1939. Alors, il y a des raisons. Septembre 1939, il y a le déclenchement de la guerre.

La Russie de Staline a signé un pacte de non-agression avec l’Allemagne nazie. Donc, partant de cette justification-là, le gouvernement français estime que le Parti communiste est un allié objectif de l’Allemagne nazie. Et donc dissout le PC.”

“Bon, à la limite, il y a cet argument-là, de la guerre, etc. Sauf que non seulement le Parti communiste est dissout, avec tous les maires, tous les élus communistes qui passent dans la clandestinité, puisqu’ils appartiennent à un groupe interdit, mais il y a aussi, tu l’as dit, l’humanité, le grand journal du Parti communiste qui est diffusé à des centaines de milliers d’exemplaires. Mais ce n’est pas seulement ça, le PC.

C’est la CGT qui est dissoute avec le Parti communiste. Le syndicalisme, le premier syndicat de France est dissout. Mais le Parti communiste à l’époque, c’est aussi une fédération de petites associations, d’amicales laïques, de groupes sportifs qui sont implantés sur tout le territoire.

Tout ça s’est dissout d’un coup en 1939, ce qui a un impact considérable puisque ça va exploser ces structures-là qui vont avoir du mal à rentrer en résistance. Ce qui explique aussi les difficultés d’une partie des militants communistes à rentrer en résistance puisqu’il y a toute une partie des militants communistes qui sont arrêtés à ce moment-là dans le contexte du début de la Seconde Guerre mondiale. Et ça, c’est encore la République qui va dissoudre le Parti communiste.

“On n’est pas encore sous Vichy.

On parlera dans quelques instants justement de cette notion de République parce que c’est la deuxième partie du livre où tu nous interroges, tu t’interroges, tu interroges la République sur ce qu’elle signifie exactement et au nom de quoi elle agit et au nom de qui. Il y a la guerre, après-guerre, il va y avoir encore des dissolutions un petit peu moins, mais plutôt. Alors il y a par exemple à Madagascar, il y a des dissolutions en Algérie, etc.

Et puis arrive 68 avec là tout un tas de décisions qui vont être prises aussi bien à l’extrême droite, enfin contre l’extrême droite ou contre l’extrême gauche. Est-ce que tu peux nous en parler et après on arrivera à la loi de 1972. C’est un premier complément puisque cette loi sur les dissolutions va être, tu le rappelles, régulièrement mise à jour jusqu’à tout tout récemment avec la loi dite sur le séparatisme dont on va parler.”

“Mais d’abord 68 et juste après qu’est ce qui se passe?

Oui, après la guerre on aurait pu se dire que les procédures de dissolution s’inscrivaient dans le contexte des années 30, dans le contexte des ligues fascistes. On est à la libération, c’est devenu quand même un petit peu honteux d’être nazi ou fasciste dans la France d’après-guerre. Il n’y a plus vraiment de groupe structuré d’extrême droite.

On aurait pu se dire que les dissolutions vont être abrogées, vont être abandonnées. Absolument pas. La procédure de dissolution n’a jamais été abandonnée, elle a même été étendue, on va le voir.

Avant d’arriver à mai 68, c’est important de le dire, les dissolutions frappent beaucoup les groupes anticolonialistes. Ça a commencé avant-guerre, mais il y a un épisode qui est important, en 1947. C’est une guerre absolument sanguinaire de l’État colonial français à Madagascar.”

“Désolé, j’insiste un peu dessus, mais c’est un épisode qui est beaucoup trop oublié. On connaît la guerre d’Algérie en France. Pas assez, mais on la connaît.

Par contre, ce qui s’est passé à Madagascar, c’est loin de la France.

Les amis du tchat, d’après vous, combien de personnes ont été tuées par l’armée française à Madagascar avant que Madagascar n’obtienne l’indépendance en 1960, entre 45 et 60, entre la fin de la guerre et l’indépendance? Est-ce que c’est 5000, 10 000, 50 000, 100 000? Des centaines de milliers de dix éducopates, c’est 100 000.

Après, sur les massacres coloniaux, c’est toujours dur d’évaluer. C’est évalué autour de 100 000 morts. Mais c’est intéressant et terrible de voir que la dissolution s’inscrit dans une double procédure.”

“Il y a l’armée française qui va débarquer à Madagascar et qui va massacrer, qui va promettre un véritable bain de sang. C’est-à-dire que les soldats vont ratisser l’île et tuer quasiment toutes les personnes qui sont sur leur chemin. Donc autour de 100 000 morts.

Et en parallèle, le parti indépendantiste malgache, qui demandait d’abord l’autonomie de Madagascar et qui se conformait aux règles du débat démocratique, est dissous au même moment. C’est-à-dire que vous voyez, d’un côté, on frappe les corps, on élimine physiquement, et de l’autre, on dissout les structures. Donc, Madagascar, c’est très important.

Et comme tu l’as dit, Madagascar, ensuite il faudra 20 ans pour que l’île obtienne son indépendance, parce que ça va installer une terreur absolue. Donc, c’est important. Et donc, on voit que dans l’après-guerre, les dissolutions frappent.”

“Donc, les groupes anticolonialistes d’un côté, et les quelques structures pétainistes, nostalgiques de la collaboration. Vous voyez, ça, c’est quand même mal vu dans la France gaulliste d’après-guerre. Donc, si des gens font l’apologie un peu trop forte de Pétain, c’est dissout.

Mais ça reste assez marginal. Donc, il y a une petite poussée de fièvre des dissolutions, forcément dans la période 68. Alors, quelques années avant, pendant la guerre d’Algérie, quand même, il y a l’OAS qui a été dissout par le général de Gaulle.

Bon, l’OAS, c’est un groupe pour l’Algérie française qui a littéralement tué 3 000 personnes en France et en Algérie, qui a essayé de tuer le général de Gaulle. Bon, voilà, l’OAS, l’organisation armée secrète, dissout par le général de Gaulle. Ça, c’est assez logique.

Donc, en 68, on a effectivement une salve de dissolution.”

Alors, un point important, c’est que tu viens de parler de l’OAS et tu ajoutes, nous sommes page 22, tu ajoutes, mais cela n’entrave jamais réellement leur fonctionnement. C’est-à-dire que tu rappelles que les dissolutions de groupes fascistes, en réalité, agissent quelques semaines et puis les ligues se reconstituent. D’ailleurs, ça va aussi pour la gauche, mais surtout pour l’extrême droite.

De toute façon, la question de l’efficacité de la dissolution se pose d’entrée le début des années 70. C’est aussi le moment, le tchat le rappelait, où l’extrême droite se restructure, avec la création notamment du Front National, qui est un peu d’ailleurs l’émanation d’un certain nombre de groupes qui ont été dissous quelques mois plus tôt. Donc voilà, c’était important de le rappeler.

Mais là, tu voulais justement parler de la vague de dissolution après 68.”

“Oui, tout à fait. Les dissolutions, elles sont, tu l’as dit, inopérantes contre l’extrême droite. Ça, c’est très important.

J’ai oublié de le souligner, mais il faut le rappeler. Il faut le dire, même en tant qu’outil prétendument antifasciste, républicain, les dissolutions ne servent à rien. Dans les années 30, on voit qu’elles ne servent à rien parce que non seulement les groupes se reconstituent, mais trois ans après la procédure de la création des dissolutions, les fascistes sont littéralement au gouvernement avec le pétainisme, c’est-à-dire que les anciens ligueurs y sont au pouvoir.

Donc on voit que les dissolutions n’ont absolument pas entravé et la progression de l’extrême droite. Et dans l’après-guerre, les dissolutions ne sont pas efficaces non plus parce qu’elles n’ont effectivement pas empêché l’extrême droite de se recomposer et même de partir à nouveau à la conquête du pouvoir. Alors c’est important de le dire, une dissolution administrative, en fait, elle est très arbitraire, évidemment dès l’origine, mais elle est arbitraire parce qu’elle permet en fait à la police d’arrêter les membres en cas de reconstitution d’une ligue dissoute.

Ça désolé, je, avant d’arriver à mai 68, il faut expliquer quand même aux gens en quoi ça consiste.

Mais Pierre, tu as tout le temps et puis tu sais quoi, je crois que je vais me faire un petit café pendant que tu racontes tout ça parce que je sais que tu déroules tout seul, il n’y a aucun souci. Donc, si à un moment je disparais, c’est pour le bien de ma gorge. Mais je t’écoute, on t’écoute, tout le monde t’écoute.

Il y a un monde, il y a du monde sur Twitch. Je crois qu’aujourd’hui, il y a plus de monde sur YouTube que sur Twitch. C’est la première fois que ça arrive.”

“La procédure de dissolution, très concrètement, elle permet donc d’arrêter les membres qui auraient reconstitué une ligue dissoute. Alors, c’est vraiment très arbitraire parce que la police peut décider qu’elle estime qu’il y a tel et tel et tel membre dans le groupement, dans la structure. Et donc, si ces membres travaillent encore ensemble ou sont dans le même local, organisent un événement ensemble, ils ont reconstitué une ligue dissoute.

Là, pour le coup, on n’est plus du tout dans la procédure administrative. En cas de reconstitution d’une ligue dissoute, ça permet d’arrêter les membres, de les mettre en prison et de les faire passer en procès. Donc, c’est quand même assez conséquent et vraiment, la dissolution permet à l’État d’entraver sérieusement les personnes qui la reconstitueraient.”

“Sauf que, et là c’est très important, c’est là qu’on voit que l’application de la procédure est totalement arbitraire. Dans le cas des groupes d’extrême droite, il n’y a quasiment pas de souci quand ils recréent une autre structure à côté avec un autre nom, avec les mêmes membres, etc. Par contre, on parlait de Madagascar.

Dans le cadre de la dissolution, par exemple, du parti Malgache, les membres sont tout de suite mis en prison. Vous voyez, donc en fait, cette dissolution, en réalité, elle permet un grand arbitraire. Elle permet à la police ensuite d’arrêter des membres qui lui déplaisent, qui l’embêtent, etc.

Ça, c’est important de le dire. C’est pour ça qu’on peut dissoudre un groupe d’extrême droite. Cette procédure, elle est inopérante puisque derrière, la police de toute façon est globalement complice de l’extrême droite et le pouvoir en général.”

“Donc, il est assez rare que des membres des fascistes soient arrêtés pour reconstitution de l’extrême droite. C’est arrivé, on va en parler. C’est arrivé, mais c’est rare.

Donc, on peut en venir à mai 68. En mai 68, il y a à nouveau une poussée de fièvre, comme vous le savez, assez importante. Le gouvernement gaulliste a eu peur.

Et donc, quand la situation se calme, en juin 68, De Gaulle va faire un package, une série. Effectivement, il va dissoudre tout un tas de groupes d’extrême gauche.

Tu crois qu’il disait package?Il n’y avait pas encore la novlangue managériale.

Voilà, on va tout mettre dans un paquet cadeau. Et donc, il va dissoudre une série de groupes d’extrême gauche. Et d’ailleurs, pas seulement en 68.”

“Dans ce moment un petit peu chaud de contestation de l’ordre établi, il y a des dissolutions jusqu’en 72, 73 dans ce grand moment. Alors, on sait qu’en 72, il me semble qu’il y a une grosse manifestation antifasciste organisée par la Ligue communiste qui attaque un meeting néo-nazi d’un groupe qui s’appelle Occident. Bon, c’est assez costaud.

Il y a, je crois, une centaine de policiers blessés. Le meeting est attaqué à coups de cocktail Molotov. Bon, voilà, le gouvernement va dissoudre à la fois Occident, le groupe néo-nazi et la Ligue communiste, qui est le groupe trotskiste, qui a donné ensuite la LCR, puis le NPA.

Tandis qu’Occident donnera des ministres.

Ouais, voilà, dans Occident, on a deux v de gens, on a tout un tas de gens qui sont retrouvés ensuite chez Sarkozy, notamment. Donc, on a quand même quelques dissolutions contre les mouvements de gauche. Alors oui, ce que j’avais noté, c’est dans ces années là, la dissolution de la gauche prolétarienne de la GP, qui est un groupe maoïste assez bien implanté, implanté notamment dans les usines.”

“Et donc, la GP, ça va assez loin parce que le groupe est dissous. Ces membres partent en clandestinité pour ne pas être attrapés pour reconstitution de l’IQ Dissoute. Et Alain Gesmar, le chef de la gauche prolétarienne, lui, il fait quelques mois de prison quand même.

Évidemment, il est considéré comme un martyr de la lutte sociale, etc. Mais il fait quand même de la prison.

Et Jean-Paul Sartre distribue le journal de la GP, donc qui s’appelait La cause du peuple. Et De Gaulle dira un petit peu avant, c’était en 68, il disait de Sartre, on n’arrête pas Voltaire. C’est-à-dire que là, on ne pouvait pas dissoudre Sartre, c’était trop haut.

Mais par contre, ses copains ont pu les dissoudre. Et De La cause du peuple naîtra en partie le journal Libération. Comme ça, les choses sont claires.”

“Voilà, la boucle est boucle. Effectivement, il y avait des intellectuels de premier plan qui témoignaient leur solidarité. Enfin, ça faisait parler.

Et les dissolutions, on passe rapidement, sauf s’il y a des questions sur cette période de la fin des années 60, du début des années 70, il y a effectivement une série d’offensives. Bon, sur l’extrême droite et sur les mouvements de gauche considérés comme les plus dangereux, les plus radicaux. Bon alors, en 68, il y a notamment des mouvements trotskistes qui sont dissous ou le mouvement du 22 mars.

Bon, ça n’a pas d’effet, en fait, parce que c’est des groupes assez éphémères, assez composites. Il y a beaucoup de militants dans tous les sens. On est dans un moment d’effervescence.

Les groupes se décomposent, se recomposent, change de nom. Bon, c’est des dissolutions, à part celles de la gauche prolétarienne dont on vient de parler. C’est des dissolutions qui sont quand même relativement symboliques.”

“Elles n’ont pas vraiment d’impact réel, mais elles permettent au gouvernement de dire, voyez, on fait quelque chose. Et après, on va rentrer dans une période où les dissolutions, pour le coup, vont un petit peu changer de nature, puisqu’il y a notamment dans les années 80.

Alors attends, d’abord, si je peux me permettre, en 72, tu notes que la fameuse loi sur les groupes de combat et milices privées, la loi des années 30 dont tu parlais au tout début, connaît quelques retouches. En 1972, un complément vise les groupes qui provoquent à la haine ethnique, xénophobe, raciste ou religieuse. En 1986, écris-tu, la loi est mise à jour pour dissoudre les groupements liés au terrorisme.

Le texte s’adapte à l’ère du temps, aux ennemis du moment. Les dissolutions restent néanmoins marginales jusqu’au XXIe siècle et l’avènement de l antiterrorisme comme mode de gouvernement.

“C’est intéressant parce que cette loi de dissolution, elle a traversé les époques, elle naît dans un contexte fasciste et en fait elle traverse les époques. Et donc comme on l’a dit, non seulement cette loi contre les milices de combat, elle n’est jamais abrogée, mais elle est constamment enrichie par l’État français, et notamment sous la Ve République. Et donc on voit que le périmètre des dissolutions, qui était quand même un petit périmètre, les milices armées, c’est un périmètre qui s’étend, qui s’étend, qui s’étend, qui s’étend jusqu’à englober des pans extrêmement importants, on va le voir.

Et ce qui est drôle, c’est que les dissolutions s’adaptent un peu à l’ère du temps. Dans les années 70, effectivement, on a un gouvernement qui dit oui, mais contre les propos haineux. Bon, on pourrait se dire, bon, d’accord, tant mieux, c’est bien.”

“Contre les propos haineux, peut-être racistes. Oui, sauf qu’en fait, c’est plus du tout les milices de combat dont on parle, c’est finalement l’expression d’idées peut-être détestables, mais en fait, on permet à une procédure d’exception, la dissolution de frapper des gens qui disent quelque chose. Donc c’est inquiétant.

Dans les années 80, c’est quand même les années du début de l’antiterroisme, le terrorisme. Donc voilà, on a une adaptation avec le mot terrorisme qui rentre dans la loi, donc l’apologie de terrorisme, etc. Là aussi, c’est curieux.

Et effectivement, on arrive. Il y a très peu de dissolution après dans les années 90, début des années 2000. C’est quasiment inexistant.

Il y a quand même une dissolution, peut-être qu’on peut retenir celle d’un groupe qui s’appelle Unité Radicale, qui est le groupe qui a essayé de tuer Chirac. Encore une fois, c’est un niveau de conflictualité assez élevé. C’est le Maxime Brunnerie qui, lors d’un défilé du 14 juillet, sort un fusil le long des Champs-Élysées et essaye de tirer sur Jacques Chirac.”

“Lui, c’est un militant néo-nazi d’un groupe qui s’appelle Unité Radicale, qui est dissout. Sauf que Unité Radicale, ça donnera ensuite bloc identitaire, puis génération identitaire et des anciens d’Unité Radicale sont au Front National. Donc, vous voyez, encore une fois, on voit que cette procédure purement administrative, elle est inopérante sur l’extrême droite parce qu’en fait, elle n’est pas suivie des faits de toute façon.

Donc, il y a cette dissolution-là qui est un peu marquante, mais en réalité, ces dissolutions, elles vont rester assez marginales. Elles vont frapper un petit peu l’extrême droite, quelques groupes comme ça isolés. Mais il va y avoir une mise à jour qui est très, très importante, c’est celle de 2021.”

“En 2021, on a une loi qui s’appelle la loi séparatisme voulue par Gérald Darmanin.

Dont le nom officiel est loi confortant le respect des principes de la République.

Tout à fait, merci. Alors, le mot République aussi, il est drôle, on y reviendra. Mais à nouveau, on utilise le mot République dans un sens qui est quelque part l’inverse de celui des années 30.

Et donc, cette loi confortant les principes de la République, dite loi séparatisme, elle est très importante parce que c’est un recul là, sans précédent, sur la liberté d’association. D’une part parce qu’elle étend considérablement le périmètre des dissolutions, comme on l’a dit. Alors là, vraiment, on est très loin de la question des milices de combat et des groupes armés.

C’est toute association provoquant au séparatisme et Darmanin ajoute aussi des mots très importants qui sont toute organisation, tout collectif provoquant, pas commettant, provoquant, provoquant aux atteintes aux personnes et aux biens, il souligne, et aux biens et ça, c’est très important.”

“Ça, c’est nouveau.

C’est nouveau. La question des atteintes aux biens, elle est extrêmement grave. Parce que qu’est ce que ça veut dire provoquer aux atteintes aux biens?

Ça veut dire absolument tout d’un point de vue, on peut l’interpréter d’énormément de manière. Appeler à une manifestation dans laquelle, par exemple, il y aurait une vitrine brisée, c’est une provocation à une atteinte à des biens, potentiellement. Diffuser la photo de tags ou de manifestants dans une manifestation un petit peu musclée, c’est une provocation à une atteinte à des biens.

Potentiellement, virtuellement, c’est une loi qui s’étend quasiment à toutes les structures dérangeantes pour l’ordre établi. Et d’ailleurs, Darmanin, quand il dit j’ai rajouté les atteintes aux biens, il précise que c’est pour pouvoir dissoudre les black blocs. Il explique.”

“Il dit on avait du mal à viser les black blocs, ce qui ne veut rien dire parce qu’il n’y a aucun collectif, aucune association qui se revendique du black bloc, mais peu importe. Mais il disait que c’était extrêmement difficile de les dissoudre. Mais là, grâce à cette mise à jour de la loi, on va pouvoir les toucher, tous ces groupes militants révolutionnaires.

Et ce qui est important pour ceux qui arrivent, c’est de voir le glissement au niveau de la tolérance par rapport à la violence. Dans les années 30, ce que la République veut dissoudre, c’est des gens qui sont armés, c’est les ligues fascistes. Et aujourd’hui, au même nom de la République, des gens qui cassent des vitrines sont considérés sur le même plan que dans les années 30 ceux qui étaient prêts à assassiner, qui tuaient.

Donc il faut quand même bien comprendre que c’est de ça dont on parle aussi en creux. C’est comment la République évolue face à ce qu’elle considère comme des dangers.”

“Tout à fait. Alors ce qu’on voit, c’est qu’en réalité, la dissolution Made in Macron et Darmanin, la dissolution version 2021, elle a plus grand chose à voir avec la dissolution de 36 en réalité. Ce qu’on voit, c’est que la dissolution, elle est basée non plus sur des faits, mais sur des idées, plus sur des éléments matériels, mais sur des intentions.

Alors ça, c’est important, je pense qu’on y reviendra, mais c’est pour ça que cette procédure de dissolution, elle ressemble beaucoup aux procédures antiterroristes. Vous voyez, les procédures antiterroristes, souvent, on se base sur des intentions, des faits qui n’ont pas encore été commis, des suppositions. Les services de renseignement vont estimer que tel groupe pourrait être dangereux et donc il va falloir les arrêter.

On est dans une logique d’inversion de la charge de la preuve. Ça, c’est très important. Ça, c’est depuis l’avènement de l’antiterrorisme.”

“L’État n’est plus obligé de prouver la culpabilité de la personne qui l’arrête. C’est plutôt la personne qui a arrêté qui doit prouver son innocence dans le cadre des procédures antiterroristes. La dissolution, c’est la même chose.

L’État va dire, on pense que ce groupe provoque à des atteintes au bien. Prouvez-nous que c’est faux. C’est ce qui s’est passé pour les soulèvements de la terre.

Donc, ça, c’est très important. Et donc, oui, la procédure de dissolution version 2021, en réalité, elle est plus tellement l’héritière de la dissolution des années 30. Elle serait davantage à rapprocher des lois scélérates.

Alors, les lois scélérates, qu’est ce que c’est? Ce sont des lois qui ont été votées à la fin du 19e siècle, dans un contexte d’agitation anarchiste très puissante en France. Alors, non seulement des grèves très dures, des affrontements, des revendications sociales, et puis, il faut le dire, tout un tas d’attentats du mouvement anarchiste qui était très fort à l’époque en France.

“Et donc, les lois scélérates, c’est vraiment une attaque frontale contre les libertés de la presse, en réalité. C’est l’interdiction de promouvoir les idées anarchistes et révolutionnaires, et ça permet à l’État français de fermer tout un tas de journaux. Et donc, quelque part, les dissolutions de la version Darmanin, elles sont quelque part plutôt à rapprocher des lois scélérates que des dissolutions du Front Populaire, même si évidemment c’est le même chemin législatif.

Donc ça, c’est important. Et le deuxième point que tu soulèves, c’est le mot République.

Attends, Pierre, je me permets de lire un passage de ton livre, puisque tu es notre invité pour ce livre. Dissoudre, paru aux éditions Grévis. Depuis 2017, écris-tu, le nombre de dissolutions explose entre l’élection de François Mitterrand en 1981 et celle de Macron.

L’État n’a prononcé que 29 dissolutions en plus de trois décennies. En avril 2023, Macron avait déjà engagé la dissolution de 34 associations et collectifs en seulement six années de pouvoir. Un record absolu sous la Ve République.”

“Loin devant l’ancien champion du genre, le général de Gaulle, dont les dix années de règne ont été sécouées par la guerre d’Algérie, ponctuée de tentatives de putsch et d’assassinats, et mai 68 qui a fait vaciller le régime. Donc ça, c’est très important d’avoir cette idée de précipitation, de concentration sur les dissolutions. C’est-à-dire depuis Macron, c’est l’explosion.

On n’a jamais vu autant de dissolutions que ces dernières années. À tel point d’ailleurs qu’il dissout de façon tout et n’importe quoi. Alors Macron dissout plus que tous les gouvernements précédents, de la Ve République, mais aussi de la Quatrième République et de la Troisième République.

On est sur un record dans un laps de temps très court. Il est au pouvoir depuis sept ans. Il a plus dissous que le général de Gaulle, tu l’as dit.

Et à tel point qu’il dissout de façon parfois un peu précipitée, dans la mesure où la procédure de dissolution est très très dure à contester. En réalité, jusqu’à Macron, il n’y a quasiment aucune procédure qui a été annulée par la suite. C’est-à-dire qu’on est quasiment sur du 100% de dissolution effective.”

“Une fois que le gouvernement la prononce, c’est quasiment impossible de faire un recours et de gagner ce recours. Depuis que Macron et Darmanin sont atteints d’une dissolutionnite aiguë, on a quand même vu une série d’échecs. On a quand même vu qu’ils faisaient des annonces un peu précipitées.

Alors il y a plusieurs types d’échecs. Il y en a un qui me vient en tête, c’est celui contre Nantes révoltée en 2022. Darmanin fait quand même une annonce qui est un peu tonitruante.

Il annonce à l’Assemblée nationale. On est en pleine campagne présidentielle de 2022.

Parce que toi, tu es Nantes, donc Nantes révoltée, tu vois à peu près ce que c’est. Mais il faut quand même me rappeler, donc Nantes révoltée, c’est un média qui existait à l’époque depuis une dizaine d’années, je crois, qui est un média local dont une partie de l’équipe maintenant fait contre-attaque, qui est lui, bon, nationale, je veux dire, qui a une envergure bientôt mondiale. Donc, Darmanin veut dissoudre Nantes révoltée parce que Nantes révoltée a relayé des appels à manifester.”

“De mémoire, c’était ça. D’ailleurs, on avait fait une émission avec les avocats de Nantes révoltée il y a deux, trois ans, au moment de l’annonce de la dissolution, qui finalement ne marchera pas. Mais vas-y, raconte parce que, effectivement, Darmanin se lance de manière un peu hardie.

Oui, d’ailleurs, en discutant, j’ai l’impression que c’était même un peu un crash test, parce qu’on est un an après le vote de la loi séparatisme. On est un an après les petits ajouts qui permettent d’attaquer la gauche, en réalité. Et c’est la première attaque, la première tentative de dissolution, la première annonce, en tout cas, contre ce que Darmanin considère comme l’ultra gauche.

Et donc, il se précipite un peu parce que c’est suite à une manifestation qui a eu lieu à Nantes, qui n’était d’ailleurs pas spécialement insurrectionnelle. On a Darmanin qui fait une grande annonce à l’Assemblée nationale. Nous allons dissoudre Nantes Révolté, ce groupuscule ultra violent qui appelle à la violence contre les biens.”

“Quelque part, en y repensant vraiment, c’est un peu le crash test. Il expérimente sa nouvelle loi séparatiste contre la gauche. Il l’avait fait contre des groupes musulmans, j’insiste, on l’a déjà dit.

Mais contre la gauche, là, il fait le test. Et il se plante un peu parce qu’il ne l’a jamais lancé, sa dissolution. Il ne l’a jamais lancé pour plusieurs raisons, à mon avis.

D’une part parce que légalement, c’était compliqué, même avec sa loi séparatisme. Ce qui est assez drôle, c’est qu’il fait son annonce, ça fait du bruit à Nantes. Mais le préfet de Nantes donne une interview à la presse locale, au journal Ouest France, et il est un peu penaud le préfet de Nantes, parce qu’il dit, oui, mais nous on a envie de dissoudre Nantes  révoltée depuis longtemps, mais si c’était si facile que ça, on l’aurait déjà fait.

Là, c’est un peu compliqué. Alors comment il dit ça? Il dit, légalement, attaquer un média, c’est un petit peu compliqué.”

“Il a une formulation un petit peu comme ça, qui est assez drôle, puisque d’une certaine manière, il désavoue son ministre de l’Intérieur. Donc, à mon avis, les équipes juridiques de Darmanin lui disent, bon là, on est limite niveau procédural. Et en parallèle, il y a une grosse mobilisation, notamment de tout un tas de syndicats de journalistes, de médias indépendants, mais aussi de grands médias, par exemple Mediapart, qui apportent leur soutien à Nantes  révoltée et qui disent non, mais là, stop, vous ne touchez pas à un média.

Même si c’est un petit média, même s’il est militant, même s’il est engagé, vous n’y touchez pas. Et donc, ce qui se passe, c’est qu’il y a un grand moment de solidarité, il y a une pétition avec des dizaines de milliers de signataires. Là, les médias nationaux parlent de cette procédure.

Et donc, ce qui s’est passé, c’est que Darmanin n’a même pas lancé officiellement la procédure en prononçant la dissolution au Conseil des ministres. Donc, quelque part, c’est une victoire par anticipation, parce qu’il n’y a même pas eu à mener le combat administratif, il ne l’a pas enclenché.

“Donc, d’une certaine manière, Nantes  révoltée a désarmé le récit.

Le récit qi était, c’est un groupe d’ultragauche très dangereux. Non, c’est autre chose qui s’est inscrit dans les esprits. C’est, non, c’est un média.

Vous ne touchez pas aux droits de la presse. Et si aujourd’hui Nantes  révoltée est dissoute, demain ça peut être n’importe quel petit média indépendant, n’importe quel groupe de reporteurs qui va dans les manifestations, etc. Et juste avant de clore cette petite partie, je voyais un commentateur, Donne la paPate, qui parlait d’un record du nombre de sanctions à l’Assemblée.

Il faisait le lien entre le record du nombre de dissolution, le record du nombre de sanctions à l’Assemblée. C’est ce qu’on voit, c’est qu’il y a vraiment un durcissement du régime. Parce qu’il n’y a pas seulement un record du nombre de dissolution et de sanctions à l’Assemblée, il y a un record du nombre de 49-3.”

“On n’en a jamais vu autant en si peu de temps. Plus de 20 en un an de mandat de Macron, du deuxième mandat de Macron. 20 fois le 49-3, c’est du jamais vu.

On a un record d’utilisation d’armes de la police. On n’a jamais utilisé autant de grenades et de munitions policières. Cette explosion de dissolution, il faut bien la mettre dans un contexte général de durcissement du régime.

Il faut bien le comprendre comme ça. La dissolution est une arme dans le cadre d’un arsenal général de répression et de contre-insurrection.

Il faut parler de quelqu’un dont le chat parle. C’est Sentier Battant qui parle d’une dénommée Pascal l’Eglise. Et après on viendra à la question de la République.

Pascale l’Eglise, c’est quelqu’un qui est extrêmement important, qui fait un travail. Pascale, c’est une femme, Pascale, qui fait un travail dans l’ombre autour de toutes ces dissolutions. Est-ce que tu peux nous dire quel est son travail?

Et quels sont ses moyens? Parce qu’en fait ils sont considérables.”

“Alors d’abord, on salue Sentier Battant et on lui envoie du soutien. Et merci pour d’avoir noté cette personne, parce que dans la République, dans les cercles du pouvoir, il y a ceux qu’on voit, ceux qu’on entend, les Darmanin, les Manuel Valls, tout ce genre de sinistres personnages, ceux qui montent au créneau. Et puis derrière, il y a les petites mains, si j’ose dire, celles qui font tourner les rouages de l’appareil répressif.

Ces gens dont on parle beaucoup moins, mais qui en réalité, parfois ont plus de pouvoir qu’un ministre parce que ce sont des fonctionnaires qui restent sous plusieurs gouvernements. Et donc parmi ces personnes là, on a Pascal L’Eglise qui est une petite dame. Vous verrez, vous pouvez aller regarder ses photos.

C’est une petite dame très souriante, très sympathique, aux cheveux courts, avenante. Bon, cette dame, elle est à la tête d’un service du ministère de l’Intérieur. Qui s’appelle le Service des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques.”

“Liberté Publique, c’est drôle, on parlera du sens des mots tout à l’heure. Mais elle est dans un service qui s’appelle Liberté Publique. Alors que son travail à plein temps, depuis plusieurs années, c’est de casser méthodiquement les libertés publiques.

Alors qu’est ce qu’est fait Pascale L’Eglise ? Elle a du budget, elle a des locaux, elle a des juristes qui travaillent pour elle. Et son boulot, c’est de mettre en forme, sur le plan procédural, à peu près tous les reculs de liberté, toutes les offensives répressives, toutes les poussées autoritaires du gouvernement.

Voilà, c’est assez fascinant parce qu’on la retrouve derrière absolument tout. Il y a un recours sur l’usage du lanceur de balles de défense du LBD par des avocats. Voilà, suite à des mutilations.

C’est Pascale L’Eglise qui se déplace pour aller plaider, pour aller défendre le lanceur de balles de défense.

Il faut rappeler qu’elle travaille au sein du ministère de l’Intérieur depuis 2010. C’est-à-dire, elle a travaillé sous les ordres de Valls, de Cazeneuve, de Castaner, et aujourd’hui de Darmanin.”

“Et de Sarkozy.

Vous voyez, elle est un peu inoxydable.

Comment oublier Sarkozy?

Oui, on ne l’oublie pas. Les ministres passent, et il y a ce service des libertés publiques qui travaille, qui travaille, qui a d’ailleurs de plus en plus de moyens. Donc on l’a dit, elle est derrière la défaite.

240 fonctionnaires chargés de défendre toutes les offensives liberticides des gouvernants et de fixer des arguments juridiques.

Il y a du budget, c’est intéressant. Il y a vraiment du budget parce que c’est des gens en plus qui doivent être correctement payés pendant que les lycées sont en train de tomber en ruine et les collèges. C’est assez intéressant.

Et donc c’est un service. Donc on l’a dit qui est derrière la défense du LBD. Mais on les retrouve.”

“On retrouve Pascale L’Eglise, par exemple, quand il faut mettre en forme la réquisition des grévistes dans les raffineries. Vous savez, il y a une grève des raffineries qui a failli provoquer une pénurie d’essence. Bon, on envoie les CRS dans les maisons des raffineurs en grève pour les forcer à rallumer la raffinerie.

C’est le service de Pascale L’Eglise. Les mesures de confinement complètement débiles qui ont été prises, qui étaient contradictoires. Les auto_ attestations complètement Kafkaïennes de sortie pendant le confinement.

Service des libertés publiques. Voilà, on retrouve ce service à peu près derrière toutes les ignominies récentes du gouvernement Macron et les précédents. Et donc évidemment, c’est Pascal L’Eglise qui s’occupe des dissolutions.

C’est elle qui met en forme les procédures de dissolution, qui les justifie avec son service.

Et le 14 novembre 2023, elle témoigne devant une commission d’enquête parlementaire sur les groupuscules violents. Et voici ce qu’elle dit, voici ce que tu en retiens. Nous sommes page 39 de ton livre Dissoudre.”

“Mais tant pour les metteurs que pour les récepteurs, elle est évidente. Notre travail, c’est Pascal L’Eglise qui parle, consiste donc à convaincre le Conseil d’État et faire progresser la jurisprudence afin que les provocations retenues, donc les provocations à la violence, ne soient pas seulement explicites. Elle demande, écris-tu par exemple, que des messages avec un pouce levé ou un bravo sur une publication en ligne puissent être caractérisés comme de la provocation.

Donc, le like devient arme de subversion massive selon des gens qui sont en train de… Oui, ça fout les jetons.

 Absolument. Ça fout les jetons. Et là, c’est ce que tu appelles la provocation subliminale. Et donc c’est…

D’abord, c’est Pascal L’Église qui dit que la provocation peut être subliminale. Elle utilise ce mot-là.

C’est ça.”

“Darmanin parle d’atteinte aux biens, ce qui est quand même sans précédent.

Et Pascal L’Église, en 2023, dit que cette provocation aux atteintes aux biens, elle peut être subliminale. Donc là, vraiment le périmètre, là, c’est tout le monde. Je veux dire, mettre un like, faire une blague sur les réseaux sociaux, ça peut être une provocation subliminale.

Et ça rapproche aussi de l’antiterrorisme, c’est-à-dire cette idée qu’on l’a vue dans l’affaire dite de Tarnac, cette idée que de simplement pouvoir penser des choses, vous pouvez faire de vous des coupables. C’est-à-dire le délit d’intention, voilà, le délit d’intention, c’est pas loin du subliminal. On avait même expliqué, des gens étaient venus expliquer qu’il fallait arrêter les gens avant qu’ils commettent, c’était donc Minority Report.”

“Mais tout ça, en fait, c’est la même sauce.

Oui, tout à fait, le crime de pensée, le délit d’intention et cette Pascale L’Eglise, c’est un peu une militante de la dissolution. Elle prend ça très à cœur. Et donc, juste pour préciser le contexte de cette déclaration, en fait, il me semble que c’est en novembre, il y a une commission d’enquête sur les groupes d’Ultragauche qui choisit d’auditionner Pascale L’Eglise pour lui demander comment on peut améliorer.

C’est ça, c’est intéressant. On a des députés qui travaillent aux manières d’améliorer les façons de nous faire taire et de nous réprimer. Et donc, je pense que Pascale L’Eglise est un petit peu déçue, elle est un petit peu triste parce que je crois que c’est juste après le camouflet sur les soulèvements de la terre.

C’est-à-dire que les soulèvements de la terre ont été dissous en juin en conseil des ministres. De fait, les soulèvements de la terre n’avaient plus le droit d’exister quand même. C’est grave.”

“Peut-être qu’on y reviendra, mais c’est une attaque sans précédent. Contre un groupe très important, écologiste. Et cette dissolution est cassée par le Conseil d’État justement en novembre.

Le Conseil d’État, il fait une décision un petit peu en demi-teinte. Il valide certains arguments de Pascal L’Eglise, mais il dit qu’il n’y a pas assez d’éléments. Que pour l’instant, il ne peut pas valider la dissolution.

Mais en gros, le Conseil d’État se sous-entend que si le dossier était mieux ficelé, alors oui, il validerait la dissolution. Mais bon, voilà, c’est des argussis juridiques qu’on connaît dans les milieux du droit. Mais du coup, c’est quand même un camouflet pour Darmanin parce que les soulèvements de la Terre ne sont pas dissous, qui sont officiellement ré autorisés.

Et donc, c’est vraiment une humiliation. Et donc, je pense que Pascal L’Eglise, elle n’est pas contente. Et elle veut du coup étendre encore cette procédure jusqu’aux provocations subliminales, c’est à dire dans un appel qui ne comporterait aucun mot appelant à la violence, pouvoir laisser à l’interprétation quelque part de la police et de l’État le fait que peut-être que c’est une intention.”

“Ce qui est extrêmement inquiétant. Donc voilà pour le contexte de cette provocation subliminale. Et il n’est pas exclu.

C’est un rapport parlementaire qui a été rédigé suite à cette commission et suite à cette audition. Et il n’est pas exclu qu’il y ait une nouvelle loi qui étende à nouveau les dissolutions. Et c’est d’ailleurs réclamé par tout un tas de députés macronistes et républicains.

Et on peut sauter quelques étapes. Mais il y a des députés qui réclament la dissolution, par exemple, de la France Insoumise ou du NPA. Pendant le massacre commis à Gaza par l’armée israélienne, après le 7 octobre, il y a eu tout un tas de demandes de dissolution officielles de la France Insoumise par notamment un député républicain qui s’appelle Stéphane Le Rudulier qui a réclamé peut-être dix fois la dissolution de la France Insoumise.

Vous voyez là, on va sans doute franchir à nouveau des étapes si cette loi est mise à jour.”

“Partie 2 de ton livre intitulé À Fond renversé renvoie précisément à une question du chat qui est par Supa Murgeman. On parle de quelque chose de plus fort que l’illibéralité républicaine. Là, non, point d’interrogation puisque à ce moment là tu parlais de cette idée de provocation subliminale et qu’il faudrait pouvoir dissoudre des associations qu’elles soient de fait ou non parce qu’elle menacerait de manière subliminale le bon ordre des choses.

Et cette partie 2 qui est après la partie historique qu’on vient de dresser rapidement, c’est presque la partie philosophique de ton livre. Ah, je sens qu’il y a des gens qui sont dans la même pièce, qui voudraient récupérer un de tes livres puisque tu as mis ta bibliographie complète. Si je crois bien derrière toi, il y a tes trois bouquins, non?

C’est bien, c’est bien. Il y a L’Arme à l’œil. On ne voit pas très bien, mais au milieu, le rouge, celui de gauche.

C’est bien fait. C’est très, très, très bien fait. Bravo à toi.”

“Alors tout ça pour dire qu’on en arrive à la partie analytique, à la partie philosophique, celle sur la question de la République et du concept de la République. Je te laisse peut-être, moi, je vais aller me faire un petit café parce que j’ai lu avec passion ce que tu dis de la République. Et notamment, il existe des mots piégés comme des mines, des mots qui ont tellement été employés pour dire l’inverse qu’ils ont été utilisés, abîmés, pervertis.

Ils ont perdu leur sens. Celui de République en fait partie. Et s’il est un concept qui sert à justifier les procédures de dissolution, c’est bien celui de République.

Nous sommes page 48. Avant que tu expliques ce que je viens de dire, j’aurais une question précise.

La question de la dissolution. D’abord, une dissolution, on l’a vu, elle s’accompagne toujours d’un récit. Ça, c’est très important.

C’est une procédure d’exception. C’est une procédure administrative. Et comme l’antiterrorisme, d’ailleurs, elle s’accompagne d’une mise en récit.”

“On ne peut dissoudre qu’un collectif qu’on a d’abord stigmatisé. Donc l’antirépublicain, le black bloc, l’ultra gauche, l’écoterroriste. L’écoterroriste, ça on va en parler.

Mais voilà, on crée d’abord un récit qui stigmatise, qui met en danger, qui montre un danger pour ensuite valider, faire accepter la dissolution. C’est vraiment une procédure politique, politique au sens d’une mise en récit d’une fabrique du consentement. Et donc, le principal terme, le principal mot qui revient en boucle pour valider les dissolutions, c’est le mot de république.

Ce collectif, cette association, ce groupement de fait porte atteinte aux valeurs de la république. Et tu l’as dit, la loi séparatiste, son vrai nom, c’est loi confortant les principes de la république. Ce mot république, on ne l’a jamais autant entendu.

J’ai l’impression que ces dernières années, pour justifier les pires horreurs, on parle de débats républicains pour justifier l’interdiction du voile, la stigmatisation des musulmans. On parle de procédures républicaines pour justifier le 49.3. L’an dernier, on a beaucoup entendu, mais écoutez, c’est républicain.”

“On est en train d’imposer une loi cassant le droit à la retraite, rejetée par quasiment toute la population. Mais finalement, ça respecte les règles républicaines.

La procédure de dissolution, elle s’accompagne d’une dissolution du sens des mots. Ça, c’est très important, une dissolution du sens des mots. Macron, c’est quelque part un maître dans la destruction du sens.

C’est vraiment un maître. Les exemples récents, on n’en manque pas. Il passe son temps à allumer des symboles contradictoires, à casser les repères, à faire clignoter des choses dans tous les sens, qui font qu’on n’arrive plus du tout à penser la situation, on n’arrive plus à réfléchir, on n’arrive plus à savoir où on en est.

Les exemples récents, c’est par exemple d’un côté, au mois de décembre, le vote de la loi immigration qui reprend littéralement, mot pour mot, une partie du programme du Front National de l’époque Jean-Marie Le Pen. Des atteintes extrêmement graves, il y a notamment une tentative même de supprimer l’accès aux soins aux personnes étrangères, ce qui est gravissime, c’est de la préférence nationale appliquée au corps et aux soins, c’est du fascisme.”

“Et donc d’un côté, il y a ce vote de la loi immigration, et de l’autre, il y a une grande cérémonie pour Misak Manouchian et sa compagne Méliné, et Macron qui fait un grand show sur la résistance, tout en ayant réhabilité Pétain quelques années plus tôt.

Vous voyez, donc on a constamment des références contradictoires et on n’arrive plus. Le but, c’est qu’on soit comme un lapin pris dans les phares d’une voiture, qu’on soit ébloui en permanence et qu’on n’arrive plus du tout à réagir. Macron parle de réarmement démographique.

Donc il désigne le corps des femmes et le ventre des femmes comme une arme. Il réifie, il objectifie les femmes. C’est extrêmement grave.

C’est un discours qui est clairement emprunté à l’extrême droite sur la démographie, la reproduction, etc. Et de l’autre, il va faire une espèce de mise en scène sur, non pas le droit à l’IVG, mais la liberté à l’IVG. C’est important.”

“Il n’a pas mis dans la constitution le droit à l’IVG. Il a fait une mesure qui est très symbolique. Vous voyez, il allume constamment des choses contradictoires et ça, il le fait tout le temps.

Il se présente comme un barrage au fascisme. D’ailleurs, il a été élu deux fois grâce à ce chantage. Et il gouverne de fait avec l’extrême droite, etc.

Donc, il est constamment en train de dissoudre le sens des mots. Et dans cette offensive contre les mots, il y a l’offensive, j’appellerais ça plutôt une capture du mot république. Voyez, la république dans la bouche de Gérald Darmanin, ce n’est pas la république dans la bouche de Léon Blum.

Alors, pour vous illustrer ça très simplement, Gérald Darmanin, c’est une personne, c’est un ministre qui est passé par l’Action française. L’Action française, on en parlait tout à l’heure. C’est littéralement une ligue fasciste qui a été dissoute dans les années 30.

“Littéralement. Voilà. De l’autre, on a la ligue des droits de l’homme.

La ligue des droits de l’homme, c’est historiquement l’organisation de défense des droits humains qui a été fondée pendant l’affaire Dreyfus et qui s’oppose aux discriminations. C’est vraiment la grande association qu’on pourrait qualifier de républicaine par excellence, ce qui s’est toujours battu pour la défense de la république telle qu’on l’entendait il y a 120 ans. Et donc, ce qui s’est passé l’an dernier, c’est qu’on a Gérald Darmanin, ministre issu de l’Action Française, qui a menacé la ligue des droits de l’homme, en disant que quelque part cette organisation n’était pas républicaine.

Vous voyez, là, le retournement historique, on a les héritiers des ligues fascistes qui menacent la ligue des droits de l’homme, il a dit en substance que…

Sachant que les deux, la ligue des droits de l’homme et l’Action Française, naissent de l’affaire Dreyfus.”

“Tout à fait, nées de l’affaire Dreyfus. Alors, la ligue des droits de l’homme pour défendre Dreyfus et pour défendre les droits humains, Action Française, violemment antisémite, maladivement antisémite et anti-dreyfusable.

Juste un point, Pierre, excuse-moi, je dois me faire l’avocat, non pas du diable, mais enfin, sur Darmanin, à l’Action Française, il y a plusieurs théories, il y a plusieurs… Est-ce qu’on a les preuves de son appartenance? Lui dit, je n’ai jamais appartenu à Action Française, l’affiche Wikipédia n’est pas hyper claire, me semble-t-il.

Certains disent, s’il a participé à une publication de l’Action Française, toi, qu’est-ce qui t’autorise à dire si ce ministre-là, que l’on dit présidentiable, voilà de quoi on parle, si ce ministre-là, on peut dire qu’il vient de l’Action Française sans craindre d’être diffamatoire.

Alors, donc, il y a une petite note de bas de page quand même.

J’ai bien vu, c’est pour ça que je t’en parle.”

“Donc, alors, il aurait participé au candidat de l’Action Française en 2013, alors qu’il était déjà dans la politique, il était déjà candidat au municipal à Tourcoing. Il a participé au Manif pour tous, bon, c’est pas spécifique à l’Action Française, mais surtout, il a publié un article dans un journal qui s’appelle Politique Magazine, qui est un journal de l’Action Française, en fait. Donc voilà, on sait que les sympathies sont avérées, la publication dans Politique Magazine aussi.

On sait que l’Action Française, elle-même, avait fait une blague sur les réseaux sociaux en disant, Gérald, on sait que tu es passé dans nos rangs. Voilà, ce que Darmanin n’a jamais démenti, puisqu’à mon avis, il sait qu’il ne peut pas le démentir, puisque l’Action Française a peut-être des preuves. En tout cas, la contribution à Politique Magazine a été sourcée par des reporters, je crois, de Street Press.

Ça demande vérification, mais en tout cas, ça a été sourcé. Et de toute façon, on a une porosité flagrante. Macron qui réhabilite Pétain.”

“On sait qu’un des dirigeants de l’Action Française avait pris un selfie à l’Élysée avec Brigitte et Emmanuel Macron en 2017 ou 2018. Macron ensuite a dit oui, mais je ne savais pas qui c’était. Mais il y a tout un tas de faisceaux qui est de plus en plus évident.

Macron qui donne une interview exclusive à Valeurs Actuelles dans son avion. Enfin voilà, je ne vais pas faire la liste, mais il y a constamment des petites références. Macron qui a fait tout un tas de petites références dans ses discours.

Quand il a parlé de pays réel, Macron il a quand même parlé de pays réel.

Donc ça c’est Mauras.    Un concept de Mauras, de l’action française.

Voilà, un fondateur de l’action française. Et d’une certaine manière, par rapport à Darmanin, on peut aussi relire sa fameuse phrase sur Marine Le Pen. Je vous trouve bien molle en se disant, est-ce que c’était un coup politique pour essayer de, je ne sais quoi, ou est-ce que c’était un inconscient qui parlait, une espèce de retour de flammes.”

“On ne saura jamais. Nous ne sommes donc pas les âmes, mais nous avons de la mémoire.

Je vais me chercher mon petit café. Si tu veux, je t’oriente sur le fait que, parce que ça c’est passionnant. Quelqu’un dans le tchat disait, mais on parle de quelle république, la première, la deuxième, la troisième.

C’est à dire que, de toute façon, tu remontes la république à la respublica, sous ses arts, tu nous fais toute une histoire de la république. Et ce concept là, que personnellement je trouve magnifique, en fait, il est à géométrie variable. Et ça, c’est très, très important de l’avoir à l’esprit.

Puisque aujourd’hui, le chantage n’est que là sur, vous êtes républicain, vous n’êtes pas républicain. Voilà, je te mets sur la voie de l’arc républicain, etc. Je te laisse, je vais me faire un petit kawa.

Et il y a du monde de partout, c’est génial. Vas-y Pierre, à vous les studios.

Bon café. Alors, quelle république? Ça, c’est très intéressant parce qu’effectivement, on l’entend à toutes les sauces.”

“Ça sert à justifier absolument toutes les dissolutions. Quelle république? Effectivement, on peut remonter à l’étymologie même du mot.

Et en réalité, on se rend compte que quand on regarde l’étymologie, le mot république, c’est un signifiant vide. C’est un mot qui est ultra polysémique, qui peut être interprété de plein de manières différentes, qui a été utilisé de plein de façons à travers l’histoire. Vous voyez, république, ce n’est pas comme démocratie.

Le mot démocratie, c’est un mot qui est aussi discutable, galvaudé, etc. Mais demos kratos, on voit à quoi ça renvoie. Le pouvoir au peuple, du peuple par le peuple.

République, ça veut juste dire chose publique. Rès, c’est une chose, publica, public, donc la chose publique. Ça peut désigner énormément de choses différentes.

Alors on peut opposer le mot république à celui de monarchie ou d’autocratie. Voilà, la chose publique, c’est la gestion des affaires publiques par plusieurs personnes, contrairement à la monarchie qui serait la gestion par une seule. Sauf que la première république connue dans l’histoire, c’est la république romaine.”

“La république romaine, c’est quel régime? C’est un régime aristocratique en réalité. La république romaine, c’est un sénat qui est composé par des familles nobles.

Il y a en gros 300 familles qui vont gouverner Rome et qui vont répéter que Rome n’est pas une dictature, que Rome n’est pas une autocratie, mais ça reste une petite oligarchie de 300 familles qui va régner sur un empire territorial, avant d’ailleurs d’être remplacé par un empire avec un seul empereur. Ce mot république, il est utilisé au siècle des Lumières effectivement pour critiquer le royalisme et la monarchie. Sauf qu’à partir de la révolution française, le mot république, il a tout un tas de significations.

La république de 1700-1792, quand la république est proclamée, ce n’est pas la même république que celle de 1793, déjà de l’année suivante, qui est une constitution beaucoup plus démocratique, beaucoup plus sociale. Ce n’est pas la même république que celle qui arrive quelques années plus tard, qui est une république réactionnaire, qui est une république bourgeoise, qui rétablit le suffrage censitaire, c’est-à-dire le fait d’être riche pour pouvoir payer, etc.

“Vous voyez, rien qu’en quelques années, il y a trois définitions de république qui s’affrontent les unes avec les autres.

Vous savez que la France a eu toute une série de révolutions. La république de 1848, il y a une révolution en 1848, une révolution sociale, qui renverse la monarchie pour de bon, qui avait été restaurée. Et la république sociale, elle est très progressiste.

Donc elle abolit l’esclavage pour de bon. Elle consacre le droit au travail. Elle proclame toute une série de droits sociaux.

Et cette république de 1848, elle est renversée par Napoléon III, donc un empereur. Et peut-être que le moment où on voit deux conceptions de république qui s’affrontent le plus, c’est 1871. C’est la commune de Paris.

Il y a deux républiques au même moment. À Paris, il y a la commune. La commune, c’est une république sociale qui proclame énormément d’avancées, la séparation de l’Élysée et de l’État, les avancées sociales, les droits des femmes, etc.”

“Et il y a la république bourgeoise, celle d’Adolphe III, qui est à Versailles. Qui est réfugié, qui a fui le peuple révolutionnaire, qui a fui le peuple parisien et qui est dans le château de Versailles. Et la république d’Adolphe III, elle va massacrer la commune de Paris.

Donc on a littéralement une république qui en massacre une autre, qui en extermine une autre. Il y a vingt mille morts, il y a des dizaines de milliers de personnes qui sont déportées. Et donc de quelle république se revendique Emmanuel Macron?

C’est ça la question qu’on peut se poser. Et Emmanuel Macron, ce qui est assez clair, c’est qu’il se revendique de la république d’Adolphe III, la république de Versailles. Emmanuel Macron, il organise une grande cérémonie à Versailles en 2018.

Et il aime bien ça, faire comme ça, mixer les symboles, organiser des cérémonies dans le château de Versailles, qui est celui du roi Soleil. Et dans cette cérémonie, il va dire que Versailles est un symbole républicain, parce que c’est à Versailles que la république s’était protégée quand elle était menacée. Alors ça, c’est intéressant.”

“Ça veut dire que pour lui, la commune de Paris était une menace, et la république d’Adolphe III était sa référence à lui. Il y a un héritage de ce côté-là. De même, la république de Léon Blum n’est pas la même république que la cinquième république.

On est passé un petit peu vite là-dessus quand ça parlait d’illibéralisme. Moi, je n’aime pas trop ce terme, illibéralisme, parce que c’est un peu un signifiant super vague. La cinquième république est une monarchie constitutionnelle.

La cinquième république, j’insiste là-dessus, c’est pour ça que Macron peut aller aussi loin actuellement. La cinquième république est un régime d’exception créé pendant la guerre d’Algérie par un coup d’État légal du général de Gaulle qui fait valider, parce que pendant la guerre d’Algérie, il y a une tension extrême, il y a une menace de renversement du régime. Et le général de Gaulle fait voter une constitution qui lui donne les pleins pouvoirs, les pleins pouvoirs, y compris celui d’imposer des mesures sans vote, c’est-à-dire le 49.3.”

“Et cette cinquième république, elle est censée être temporaire, parce que pour répondre aux dangers de la guerre d’Algérie. Et ensuite, évidemment, ce qui est annoncé, c’est que la cinquième république va changer. Il y aura un autre modèle ensuite.

Il n’y a pas un seul pays en Europe qui a un régime aussi vertical, aussi centralisé, aussi présidentiel. Vous parlez à des Allemands ou à des Espagnols de 49.3, pour eux c’est de la science fiction. Et donc cette cinquième république, elle n’a jamais été abolie.

Et Macron, aujourd’hui, quelque part, il pousse le curseur de l’autoritarisme de la cinquième république au maximum. Vous voyez, quelle est la république de Macron? Ce n’est certainement pas la Révolution française.

Ce n’est certainement pas la commune de Paris. Ce n’est pas non plus la République du Front Populaire. C’est une république qui serait une sorte de régime ultra vertical, bourgeois, inspiré de la Troisième République et inspiré de régime autoritaire.

Et donc, pour finir sur… Ah oui, tu parlais de l’arc républicain. Oui, ça, c’est important.”

“Et donc, si tu veux, pour te faire reprendre un peu ta respiration, je vais lire un passage que je t’avais proposé de lire, mais je vais le faire comme ça. Tu peux te proposer de reprendre des forces. Nous sommes page 59 de ton livre et ça illustre cette question de l’arc républicain.

Le 12 novembre 2023, et le point dans négatif des marches contre le Front National en 2002. C’est une grande célébration de l’Alliance de la droite et de l’extrême droite. L’explosion de toutes les boussoles politiques.

Le chef du Front National, Louis Alliot expliquait dès 2013 que le seul verrou à faire sauter pour réussir à conquérir le pouvoir était l’antisémitisme. Donc le 12 novembre 2023, c’est la grande marche suite au 7 octobre. L’opération est donc un triomphe, écris-tu.

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, déclare que c’est toute la République qui défilait. Ainsi est redéfinie la République du Rassemblement national à Gérald de Darmanin. La fascisation de la République nourrit la républicanisation du fascisme et inversement.”

“On peut peut-être préciser comment on passe du front républicain, c’est-à-dire contre l’extrême droite, à l’arc républicain, contre ce qui est appelé l’extrême gauche, quand bien même il s’agirait d’une gauche élue, et avec ce tournant selon toi du 12 novembre 2023.

Moi j’étais enfant en 2002 et je me rappelle très bien de cette effervescence, le drame de Jean-Marie Le Pen au second tour, les millions de personnes dans les rues, Jacques Chirac qui refuse de débattre avec Jean-Marie Le Pen, qui dit moi je ne débat pas avec l’extrême droite. Vous imaginez aujourd’hui il y à l’extrême droite tous les jours sur tous les plateaux télé, et ne pas débattre avec eux est quasiment interdit. Donc 2002, voilà, et donc c’est à ce moment là qu’on a vraiment beaucoup parlé de front républicain, d’unité républicaine et donc la menace pour la république c’était le fascisme, c’était l’extrême droite, c’était le front national.

Et donc ce qui est fou c’est qu’en 20 ans exactement, ce concept de république, d’arc républicain, de front républicain, il s’est inversé.

“Donc les macronistes ont créé non plus le front républicain comme concept, mais ils ont créé l’arc républicain. Et cet arc républicain, on l’a retrouvé lors de cette fameuse marche prétendument contre l’antisémitisme, mais qui en réalité regroupait toute l’extrême droite française, c’est-à-dire littéralement un parti qui a été fondé par des SS et des pétainistes.

Désolé, j’insiste là-dessus, mais c’est un point qui est quand même important dans cette destruction du sens des repères politiques, etc. Ce qui se passe actuellement n’est pas possible sans casser tous les repères politiques, faire croire que le danger est à gauche, que les vrais républicains sont à l’extrême droite, que la lutte contre l’antisémitisme serait l’apanage du rassemblement national et que les tendances politiques qui sont les héritières de la résistance, c’est-à-dire la gauche, serait la vraie menace pour la République et serait antisémite. Il y a constamment un travail de destruction du sens des repères politiques.”

“Ça, c’est vraiment crucial d’en prendre conscience. Et donc, on a vu en 20 ans, le périmètre du barrage républicain qui allait de la gauche au centre-droit s’est transformé en arc républicain qui va de l’extrême droite, y compris quasiment Zemmour, à Macron. Et donc, la France insoumise, le premier parti de gauche, qui n’est pas du tout d’extrême gauche, contrairement à ce qui est répété, ça aussi, c’est une façon de casser les repères.

Le programme de la France insoumise, c’est à peine au niveau du programme commun de Mitterrand en 1981. La France insoumise, il faut le dire, il faut le répéter, ce n’est pas un parti révolutionnaire, c’est un parti de gauche social-démocrate. Alors, ce n’est pas un gros mot d’être social-démocrate, c’est au sens réel du terme, pas au sens du parti socialiste, c’est-à-dire à la fois avec un programme de redistribution des richesses et un programme démocratique.”

“Ce n’est pas un parti révolutionnaire, l’extrême gauche, c’est l’ENPA, lutte ouvrière, etc. Et donc maintenant, le premier parti de gauche en France, la France Insoumise, est considérée comme antirépublicain. C’est extrêmement grave puisque si on n’est pas républicain, on peut être dissout.

Si on n’est pas républicain, on est quasiment considéré comme terroriste et on n’est pas dans le camp du bien, on est dans le camp des forces à neutraliser. Ce retournement de l’arc républicain est très très préoccupant. Le livre est une façon de remettre en perspective ce terme républicain.

Désolé, j’ai loupé un passage sur le mot république, mais c’est aussi la République qui colonise, qui massacre au nom, ça ne date pas d’hier, le retournement du sens des mots, la France colonise le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest au nom des idées des Lumières. Il faut quand même le dire, en France, on est quand même les champions du monde dans l’utilisation de grandes idées, de grandes valeurs pour commettre des horreurs. Et donc, c’est la République qui colonise, c’est la République qui torture en Algérie, etc.”

“Est-ce que, moi, la question que je pose, c’est déjà redonner un sens au mot république, l’historiciser, et puis est-ce qu’on a envie de se revendiquer d’une République, et si oui, laquelle?

Précisément, c’était une question, alors personnel, je sais que tu n’aimes pas ça, je sais que tu n’aimes pas ça, mais c’était une question personnelle que j’avais envie de te poser. Tu peux dire écoute, je ne suis pas là pour répondre à des questions personnelles, ou tu peux répondre, tu choisis. Précisément, toi, est-ce que tu te revendiquerais d’une République, et si oui, laquelle?

Est-ce que être républicain, c’est un gros mot pour reprendre l’expression que tu viens d’employer tout à l’heure pour toi?

C’est une bonne question. Si c’est la République espagnole de 1936, des libertaires et de Buenaventura Dorruti et de la CNT, c’est intéressant. Si c’est la commune de Paris, oui.”

“Ce que j’essaie d’expliquer, c’est que c’est un signifiant vide. Ce qui compte, ce sont les actes. Les pires horreurs ont été commises au nom de la République, et les plus grandes avancées émancipatrices l’ont été au nom parfois de la République.

Vous voyez, c’est un signifiant vide. Moi, j’appelle simplement à me méfier. Il y a des expériences dites républicaines qui sont magnifiques.

Et d’ailleurs, dans certains cas, révolution et république ne s’opposent même pas, vont ensemble.

Essayons de distorici-ser les mots, de les questionner. Mais en France, le mot République est vraiment piégé. C’est pour ça que je ne me revendiquerai pas dans un contexte français.

Mais dans un contexte latino-américain ou à une autre époque, le mot République a du sens.”

“C’est pourquoi, par exemple, dans des débats, on nous oppose la question de vous êtes contre la police, vous êtes contre la République parce que la police est républicaine. C’est bon de lire ces quelques pages et d’avoir en tête ce rappel historique que tu fais, parce que c’est effectivement un signifiant tellement malléable. Tu le dis vide, mais tellement malléable ou vide aujourd’hui, en tout cas, vidé de sa substance, c’est très clair que ça se retourne.

Alors, je voudrais te faire lire un passage de ton livre page 77. Bon, 77 comme le punk, donc c’est toujours une bonne… On a intérêt à la réussir, la page 77 pour moi.

C’est un petit paragraphe qui va nous permettre de parler du contrat d’engagement républicain. Ça, c’est très important, qui a été évoqué tout à l’heure dans le tchat sur lequel tu reviens beaucoup. Le contrat d’engagement républicain, c’est justement ce qui est instauré par la loi séparatisme.”

“Il faut reconnaître qu’on avait un peu laissé de côté au moment de son passage, et saurait que nous étions à peu près tous par rapport à la lutte contre la loi sécurité globale. Et il faut reconnaître, me semble-t-il, qu’on avait un peu baissé la garde, et on le paye très cher aujourd’hui avec cette loi séparatisme qui est passée derrière et qui instaure donc cette question du contrat d’engagement républicain. Je te propose de lire le passage page 77, et après on revient en détail.

Les dissolutions comme le contrat d’engagement républicain s’inscrivent ainsi dans le même processus de mise au pas des associations et l’organisation de leur insécurité financière. La loi séparatisme permet du même coup d’exercer un chantage constant aux subventions, comme d’anéantir l’existence même des structures dérangeantes. Le secteur associatif n’a plus qu’un droit, rendre service et rester sage, être une force d’appoint paraétatique permettant la destruction des services publics.

Des pompiers bénévoles à qui l’on aurait rationné l’eau.

Alors, il y a des questions dans le chat, notamment L’Auvergnat et Relou. Oui, quand on est dans une Asso, ça implique quoi? Qu’est-ce qu’implique ce contrat?”

“Alors ce contrat, si j’ai bien compris, on doit le signer dès lors qu’on touche des subventions publiques, c’est-à-dire qu’en gros la République dit Toi, je te donne des sous, donc tu as intérêt à être républicain, selon la mode du moment. Et selon qui décide qui est républicain ou pas, c’est ça?

Alors oui, c’est un point très important parce qu’on a beaucoup parlé des dissolutions, élargi par la loi séparatisme. C’est un point peut-être aussi important, voire plus important.

Et oui.

Pourquoi? Parce que les dissolutions, ça concerne en tout cas pour l’instant quand même assez peu de groupements, de structures, etc. Le contrat d’engagement républicain, ça concerne des milliers et des milliers d’associations et sans doute des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de salariés.

Donc là, c’est une mise au pas extrêmement inquiétante du monde associatif. Et donc d’un côté, Darmanin a élargi la possibilité de dissoudre, mais il a surtout organisé la possibilité d’asphyxier financièrement, d’étouffer financièrement toutes les organisations, toutes les associations qui le dérangeraient. Alors, ça se passe comment?”

“Les associations effectivement qui reçoivent des sous de l’État doivent signer un pacte d’engagement républicain. C’est extrêmement grave parce que même une petite association, par exemple, d’aide aux migrants qui auraient un peu de subventions, d’aide humanitaire, n’importe quoi. Un média indépendant qui serait sous une forme associative qui recevrait quelques subventions.

Toutes ces structures-là doivent signer un pacte d’engagement républicain. Merci d’avoir permis de développer sur le concept de République. Encore une fois, pacte d’engagement républicain, à aucun moment, c’est défini.

Il faut respecter les valeurs de la République. Mais quelles sont-elles si la République, c’est liberté, égalité, fraternité? Actuellement, revendiquer la liberté, l’égalité et la fraternité dans les rues de France, ça expose à se faire crever un œil et à perdre une main et à recevoir du lacrymogène.

Vous voyez, si les valeurs républicaines, c’est ça, en fait, on a un gouvernement qui réprime la liberté, l’égalité et la fraternité. Je pense que ça ne me désigne pas ça. Mais ça permet effectivement au gouvernement de mettre une épée de Damoclès au-dessus de toutes les associations de France.”

“C’est extrêmement grave. Ce qui se passe concrètement, c’est que par exemple, l’été dernier sur le plateau des 1000 vaches que tu connais, du coup, David, il y a quelques petites assauts engagés, un peu militantes. Je crois que c’était un assaut, un petit média local, une petite assaut qui faisait de l’aide sociale, etc.

Mais qui, par ailleurs, ont eu le malheur d’avoir des idées qui déplaisaient. Hop, suppression des subventions.

Tu parles d’un petit média local, tu veux dire par l’audience, mais qui existe depuis très longtemps.

Bah, vas-y, parce que moi, si tu as plus de pression.

Pour moi, c’était les 1000 vaches, je crois. Je crois que c’est cette association qui a été. Là, je pense que Euryale va pouvoir retrouver.

Pour moi, c’était les 1000 vaches qui avaient vu ces subventions être renégociées. Et justement, il y a des questions dans le chat là dessus. Est-ce que toi, tu as des détails?

Est-ce qu’il y a une différence entre les subventions municipales et subventions départementales ou pas?”

“Juste sur le plateau des 1000 vaches, elles ont été supprimées à la demande de la préfecture. C’est souvent les préfets qui font remonter. Autant les dissolutions, c’est vraiment une affaire d’État, du sommet du pouvoir.

Les suppressions de subventions, c’est vraiment à l’échelle locale. C’est le préfet. Il n’aime pas telle ou telle association du tissu sur lequel il administre son pouvoir.

Et donc, il peut les saquer. Il peut demander la suppression. Et donc, ce que disait le Monde, c’est que les associations qui étaient.

Alors, Cartier Rouge, Les Michelin, La Pomerie, mais aussi Télé mille vaches créé en 2006 par un prêtre ouvrier ou encore l’association La Broussaille. Moi, j’avais gardé les Télé mille vaches qui existent depuis 20 ans et qui a pignon sur rue. Enfin, je veux dire, c’est sérieux, qui fait un travail formidable.

Et donc, c’était effectivement le préfet. Et c’était en partie parce qu’il y avait des subventions, je crois, de la DRAC notamment. Alors le préfet, il faut rappeler les préfectures, c’est vraiment les représentants de l’État dans les départements ou dans les régions.”

“Et donc, ce que disait le Monde, c’est que ces associations-là du plateau des mille vaches, elles figurent sur une liste rouge d’organismes soupçonnés d’être proches de l’ultra gauche et des soulèvements de la terre. Donc voilà, un préfet n’aime pas telle ou telle association qui anime, en plus ça c’est typiquement des associations en milieu rural qui anime un petit peu la vie locale, associative, etc. On peut les éliminer comme ça, parce que c’est une autre façon d’éliminer une structure.

Il y avait également à Poitiers Alternatiba, qui avait été dénoncé par le préfet pour rupture du contrat d’engagement républicain et séparatisme, parce qu’ Alternatiba animait un atelier non violent sur l’écologie. Ça c’est vraiment une épée de Damoclès. Qu’il est important de souligner, c’est que…

Tu l’as dit, mais pourquoi on parle de ça? Parce qu’en fait ça s’inscrit dans la logique des dissolutions, mais d’une autre manière, on pourrait paraphraser Pascal L’Eglise, dont on parlait tout à l’heure, c’est des dissolutions subliminales. C’est-à-dire, c’est par une asphyxie financière qu’on va en fait fermer les contre-pouvoirs, fermer les associations, fermer les élands solidaires parce que ça déplaît au préfet, ça déplaît au maire, ça déplaît aux députés,au sénateur du coin.

“Et donc là, il y a une forme effectivement monarchique des choses au nom d’un pacte républicain qui n’est pas défini.

Du coup, c’est le pouvoir qui définit la République. Et ce qui est grave, c’est que du coup, le gouvernement à travers cette décision se croit propriétaire de l’argent public. Puisque Macron et ses zémières et ses préfets n’aiment pas telles ou telles organisations écologues de gauche, hop, on peut sucrer l’argent.

Mais cet argent, Macron n’en est pas propriétaire ni les préfets. C’est que ces associations ont fait des démarches. Elles ont une utilité sur un territoire, etc.

Après, moi, je suis partisan d’être le plus indépendant possible, mais c’est extrêmement grave. Et donc, quelque part, avec cette loi à séparatisme, le gouvernement organise une distinction entre plusieurs types d’associations. Les associations obéissantes, qui ont le droit d’avoir des subventions.”

“Les associations utiles, et je vais expliquer ce que c’est. Les associations utiles et qui elles, il faut les aider. Et les associations dérangeantes, les contre-pouvoirs, qui elles, on peut les asphyxier, voire même si elles sont très dérangeantes, les dissoudre.

Mais voilà, ça procède de la même logique. Quand je parle d’associations utiles, c’est important de le souligner. Gabriel Attal, quand il n’était pas encore ministre de l’Éducation, il a réagi aux problèmes que rencontraient les restos du cœur.

Ça, c’est un moment important. Les restos du cœur, comme vous le savez, associations caritatives d’aide alimentaire qui fonctionnent depuis les années 80, qui aident des millions de personnes et de plus en plus avec l’augmentation de la misère, l’augmentation des prix, etc. Et les restos du cœur avaient tiré la sonnette d’alarme parce qu’ils disaient on n’a pas assez d’argent, on ne peut même plus assurer les repas aux personnes qui viennent nous en demander.”

“Et Gabriel Attal a dit de mémoire, il faut aider les restos du cœur parce que les restos du cœur sont rentables, sont rentables, c’est le mot qu’il a utilisé, parce que si on devait payer des salariés à la place des bénévoles des restos du cœur, on perdrait de l’argent.

Ça coûterait plus cher à l’État.

Merci. Ça coûterait plus cher à l’État.

On bosse les dossiers là. C’est important ce qu’il dit Gabriel Attal. C’est que pour lui, les restos du cœur et plus globalement les associations, en fait, elles ont juste le droit de fermer leur gueule.

Parce que si elles ouvrent leur gueule, là on coupe leur subvention. Et servir de pansement à ces politiques néolibérales. C’est-à-dire qu’on a un gouvernement qui organise la misère, qui casse le chômage, qui casse les minima sociaux, qui casse le droit au logement, qui fait des cadeaux aux milliardaires.

Et quelque part, ce qui permet de faire tenir à peu près la société, c’est des associations qui donnent de la nourriture aux gens qui n’ont plus de nourriture. Donc vous voyez la vision que Macron a du monde associatif, elle est gravissime. Là, on n’est même plus là.

“On est avant 1901. On est à l’époque des sociétés philanthropiques. En fait, les seules coalitions qui sont autorisées, c’est les sociétés philanthropiques qui ont le droit de donner des miettes aux pauvres.

Par contre, toutes les associations qui ont le tort de réfléchir, de diffuser, de créer, je ne sais pas, même un café associatif, qui parlerait politique, etc. Voilà, peut-être qu’il y a pas mal de nos spectateurs et spectatrices qui se reconnaîtront là-dedans. Un petit café associatif qui organise un débat avec David Dufresne ou une projection militante, quelque part, qui nous dit que le gouvernement ne dira pas un jour, là ils ont cassé le pack d’engagement républicain, hop, on supprime les subventions.

Et c’est fini le café associatif. Là, c’est une mise au pas du monde associatif dans son ensemble.

Il y a un cas que tu as évoqué plusieurs fois sur lequel tu souhaiterais revenir, et je pense que c’est important. C’est le cas des soulèvements de la Terre. J’en profite pour dire qu’on a eu des petits déboires techniques dimanche, où on était à Melle toute la journée, mais on est en train de récupérer le débat, qui a eu lieu dimanche après midi.

“On va le mettre bientôt en ligne, j’espère aujourd’hui ou demain. Vous aurez donc le débat avec les gens de Basile-non-Merci des soulèvements de la terre. Débat qui a eu lieu dimanche à Melle et on avait fait le déplacement pour ça.

Voilà. Et donc tu voulais revenir dessus parce que pour toi les soulèvements de la terre, c’est un point de bascule dans cette logique des dissolutions. En tout cas, c’est un point culminant.

Oui, c’est un point culminant, mais juste pour finir sur le financement. Désolé, mais c’est très important parce qu’il y a une commission d’enquête parlementaire, celle qui a notamment aussi abordé la question des dissolutions. La commission d’enquête parlementaire lancée l’an dernier, elle parle du financement des groupes d’ultra gauche.

Le financement, c’est vraiment quelque chose qui intéresse les macronistes. On voit que les macronistes, ils veulent asphyxier financièrement tout ce qui échappe au monde du travail, au monde néolibéral et au monde de la rentabilité. C’est vraiment très important.”

“Et il y a deux exemples de ces menaces aux subventions. On parlait de la Ligue des Droits de l’Homme. La menace contre la Ligue des Droits de l’Homme l’an dernier, elle n’était pas tellement sur une dissolution de la Ligue des Droits de l’Homme.

Ça ne passerait pas. Mais Darmanin a dit, on va regarder les financements de la Ligue des Droits de l’Homme. On va regarder les financements, on va regarder ce qu’on leur donne.

Et ça a été confirmé par Elizabeth Borne. On aurait pu se dire que Darmanin aurait été désavoué pour cette petite menace financière. Non, Elizabeth Borne a confirmé juste après en disant oui, ils sont complices des islamo-gauchistes, ils s’éloignent de la république et effectivement, il faut regarder leurs financements.

Et là, il y a quelques semaines, Aurore Berger, ministre des délégués des Droits des Femmes, a quand même fait une menace aux associations féministes. Je ne sais pas si ça a été bien relevé par tout le monde, mais elle a dit que les associations féministes qui ne diraient pas ce qu’on attendait sur le 7 octobre en Israël, on va leur couper les subventions.

“Donc, une association féministe qui n’a pas spécialement vocation d’ailleurs à se prononcer sur tous les sujets, qui n’obéirait pas aux narratifs pro-gouvernementaux de Netanyahou, du gouvernement français, pourrait se voir menacée.

Et là, elle a rétropédalé au rang au berger. Elle a dit oui, mais finalement, aucune association n’a en frein ce qu’on avait prévu. Mais voyez, on n’est pas loin de ça, quoi.

Si une asso ne dit pas ce qui nous plaît, on la se fixe ici. Donc maintenant, sur les soulèvements de la Terre. Alors, les soulèvements de la Terre, d’abord, ça a été la plus grande offensive de dissolution depuis 2021, clairement, ça a été vraiment la plus grande application de la loi séparatisme.

Pourquoi? Parce que les soulèvements de la Terre, c’est une structure gigantesque avec des comités locaux, avec des milliers de personnes qui viennent aux événements, avec une surface médiatique militante qui est très conséquente. Et surtout, c’est une fédération de différentes forces avec à la fois des paysans, des militants anticapitalistes, justement des associations, etc.”

“C’est vraiment un gros morceau. Et le gouvernement s’y est attaqué et pour s’attaquer au soulèvement de la Terre, on l’a vu, il y a d’abord eu la mise en place d’un récit. J’insiste là-dessus.

Ce récit, il a commencé dès la première manifestation de Sainte-Soline, qui a eu lieu en fait quasiment un an avant, en octobre 2022. Il y a eu une première manifestation de Sainte-Soline qui était très sympathique d’ailleurs, j’y étais, qui était en fait une sorte de cortège un petit peu à la fois offensif, mais festif, qui s’est divisé en trois et qui a réussi à rentrer dans le chantier de la méga bassine. D’ailleurs, au passage, une méga bassine est un trou, il n’y a eu aucun dégât et les gendarmes ont par contre tiré énormément de grenades déjà à l’époque.

Et suite à cette manifestation-là, Gérald Darmanin a dit que les soulèvements de la terre étaient éco terroristes, donc ça c’est très important, il a vraiment utilisé le mot terrorisme appliqué aux luttes écolo, ce sont des mots qui étaient pour l’instant globalement utilisés par Donald Trump aux États-Unis contre l’antifascisme, etc.

“On installe le mot éco terroriste, ce mot-là il n’est pas anodin, il signifie qu’il va y avoir une attaque, un terroriste, on le neutralise entre guillemets, donc on l’élimine. Et la deuxième grande manifestation de Sainte-Soline, c’est le 25 mars, c’est quelques mois plus tard.

Et là Gérald Darmanin annonce très clairement qu’il va dissoudre les soulèvements de la terre. Et les soulèvements de la terre ont une réaction superbe parce qu’ils disent ok, on crée des comités locaux. S’ils dissolvent la structure, on crée des comités locaux.

Il y a 200 comités locaux qui se créent sur tout le territoire. Il y a quelques semaines qui se passent, sans doute pour que Pascal L’Eglise fasse son dossier. Et le 21 juin, la dissolution est prononcée en Conseil des ministres.”

“Donc là, vraiment, on a une offensive très grave et la dissolution est prononcée. Ce qui veut dire que les soulèvements de la terre arrêtent d’exister. Donc que potentiellement, ces membres peuvent être arrêtés pour reconstitution de ligue dissoute.

Je crois qu’ils avaient mis en sommeil leur… Comment ça s’est passé? Je crois qu’ils avaient mis en sommeil leurs réseaux sociaux.

Parce que la dissolution, c’est ça aussi. C’est que vous ne pouvez plus utiliser les… Si vous avez une page d’une structure qui a été dissoute, si vous l’utilisez, vous avez reconstitué la ligue.

Donc c’est une grosse atteinte à la liberté d’expression.

Avec en parallèle des procédures judiciaires sur certains des membres des soulèvements de la terre. Et évidemment, quand tu es à ce moment-là sous le coup d’une dissolution, la justice te regarde d’un autre œil. Si tu es tout de suite éminemment suspect.”

“Très important.

Ça contribuait d’ailleurs à la narration. C’était évidemment qu’ils sont dissous. D’ailleurs, regardez, ils sont très dangereux.

Il y a une opération antiterroriste. C’est ce qu’on disait au début. C’est qu’il y avait quand même beaucoup de liens entre l’antiterrorisme et la dissolution.

Parce que ces deux procédures qui sont très violentes sont des mises en scène. Ce sont avant tout des mises en scène du pouvoir pour dire regardez ces gens sont dangereux. Regardez, il faut les mettre hors de la société.

Et donc le jour de la dissolution, le 21 juin, il y a eu une vague de perquisition et d’arrestation de personnes soupçonnées d’être derrière les soulèvements de la terre. Donc, vous voyez, c’est une double frappe simultanée. Le gouvernement d’abord a tenté d’éliminer physiquement, d’écraser physiquement le mouvement écolo à Sainte-Soline, puis a lancé une procédure antiterroriste et au même moment la dissolution.”

“Et donc, peut-être qu’on peut en venir, mais on l’a un peu dit tout à l’heure, les soulèvements de la terre ont fini par gagner sur le plan administratif en novembre auprès du Conseil d’État. Donc, par une procédure administrative, mais qui est en réalité, à mon sens, une victoire politique, la victoire d’une mobilisation. Le fait d’avoir créé 200 comités locaux, comme on l’a dit, qui rendait quasiment impossible le fait de dissoudre.

Enfin, à moins d’arrêter des milliers de personnes pour reconstitution du 10 août. Ce n’est pas exclu, mais on n’en est pas encore là. Et puis, la forte mobilisation médiatique à laquelle on a beaucoup à avoir participé.

Voilà, ça a permis que le Conseil d’État, finalement, lâche un peu de l’est. Mais le jour de la décision du Conseil d’État, il y a eu quand même la confirmation de dissolution d’autres collectifs. Puisque c’est une décision qui a été importante ce jour-là.

Je n’ai plus la date exacte, fin novembre. Le Conseil d’État a rendu sa décision pour plusieurs collectifs qui étaient visés par des dissolutions. Et parmi ces collectifs, il y avait aussi le groupe antifasciste Lyon et Environ, qui est un collectif de gauche qui s’oppose à l’extrême-droite.

Et ce collectif a été validé dans ça. La dissolution a été validée parce qu’ils auraient provoqué des atteintes au bien. Et notamment parce qu’ils auraient utilisé l’acronyme ACAB ou diffuser des photos d’actions militantes.

Il s’agissait du groupe LEGAL dont nous avions invité les avocats au moment des menaces de dissolution. Donc LEGAL et DISSOU, il y en a d’autres?

Ce jour-là, les macronistes, enfin en tout cas le Conseil d’État mais on imagine qu’au-dessus il y a une hiérarchie, font une mise en scène un petit peu dont ils ont le secret. C’est-à-dire que le même jour, le Conseil d’État rend sa décision pour des groupes néo-nazis, notamment un groupe qui s’appelle l’Alvarium qui est à Angers, qui accueille tout un tas de violence, etc. Et le GAL et les soulèvements de la terre et voilà, il y a une sorte de panel.”

“Et la coordination contre le racisme et l’islamophobie.

Oui, pardon, oui, tout à fait. Très important.

Ils sont quatre.

Et donc, oui, est-ce qu’il n’y avait pas un collectif pour la Palestine qui, eux, ont gagné, mais un peu plus tôt. Tout est dans le livre, si vous voulez.

Oui, oui, tout est dans le livre. C’est page 89 et la date, c’est le 27 octobre.

Merci. Merci pour la précision.

Je t’en prie.

Et donc, le Conseil d’État fait une sorte de mise en scène un peu dépolitisante. Regardez, quelque part, on fait passer plusieurs associations très différentes. Il y a des néonazis, il y a des antifascistes, il y a les soulèvements de la terre, il y a des militants antiracistes contre l’islamophobie et hop, on fait passer tout ce petit monde.”

“Et globalement, il a confirmé. Ça a été le cas de l’Alvarium, ça a été le cas du GAL. Mais les soulèvements de la terre, à mon sens, pas tellement parce que, je veux dire, les justifications qui valident la dissolution du GAL, elles auraient pu s’appliquer aux soulèvements de la terre.

Une publication sur les réseaux sociaux, l’acronyme ACAB, je veux dire, c’est négligeable. C’est vraiment rien, c’est purement basé sur l’expression. Et je pense que s’ils ont reculé sur les soulèvements de la terre, c’est que la bataille politique a quand même été largement gagnée par les soulèvements.

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de dissolution à l’avenir. Ce n’est pas exclu que s’il y a à nouveau une très grosse action menée, une très grosse action écologiste, il y en aura. Puisqu’on fonce vers la catastrophe climatique et parce que les gouvernements ne font rien.

Et parce qu’il y a un mouvement pour la défense du vivant qui monte en puissance et heureusement, et bien ce n’est pas exclu qu’il y ait une nouvelle tentative de dissolution avec peut-être des arguments un peu plus ficelés ou que le gouvernement fasse passer une loi, comme on l’a dit, une loi qui rend encore plus facile les dissolutions. Ce n’est pas exclu. C’est une manche qui a été remportée, mais pas la guerre.

On en arrive à la dernière partie intitulée Indissoluble qui est la partie bonne-esprit qu’il y a chez toi, c’est-à-dire au-delà du constat quelles sont les armes. Il y a une première arme que tu nous proposes, qui est l’arme juridique. Tu viens d’en parler, c’est-à-dire qu’il faut accepter ce combat-là, en tout cas le mener, dis-tu.

Dans le cas des soulèvements de la Terre, ça a été une réussite. Dans le cas du GAL, ça n’en a pas été une. Et tu écris justement, page 93, je vais dire, ce moment-là, comme ça tu vas pouvoir te ressourcer.

Si le combat en terrain de l’ennemi dans les salles feutrées des tribunaux est une carte à utiliser, il ne faut pas oublier que les victoires juridiques sont rares. Entre 1936 et 2015, le juriste Romain Rambeau a recensé 124 dissolutions administratives pour seulement 10 annulations. La bataille mérite d’être menée mais sans trop d illusions.

“On verra tout à l’heure que tu proposes d’autres solutions. En retour, la gauche doit abandonner pour de bon ses illusions et ses ambiguïtés sur les 10 solutions plutôt que de continuer à réclamer piteusement au pouvoir la dissolution de groupes d’extrême droite ou pire, à se féliciter de ces procédures comme ce fut le cas à propos du groupuscule pétainiste Civitas. Le fascisme, écris-tu, ne se combat pas avec les armes d’un État colonialiste et raciste, mais par la lutte collective, la conquête de hégémonie  culturelle, le dessin de perspectives désirables.

Alors voilà, c’est tout toi, c’est-à-dire que tu as un bon gras, donc tu essaies de trouver des solutions, mais quand même tu dis ah, celle-là elle n’est pas terrible. Et je trouve que ce point est extrêmement important. Effectivement, on voit régulièrement des camarades, des copains, des copines se féliciter parce que parfois ils en sont les victimes.

Et donc on peut comprendre, se féliciter qu’il y a une dissolution de fachos, mais tu dis en fait, attention, comme disait Tétinjé, dont tu parlais tout à l’heure, les mêmes pratiques peuvent se retourner contre nous, donc ce n’est pas comme ça qu’on doit agir.

“Oui, alors c’est vraiment inquiétant, et notamment beaucoup de députés de gauche, insoumis d’ailleurs, souvent réclament la dissolution de groupes d’extrême-droite, ce qui est quand même une erreur politique totale, pour les raisons que tu as évoquées. Et puis quand bien même, quémander au pouvoir, demander à un pouvoir qu’on combat par ailleurs de faire le travail, quand bien même les dissolutions seraient un moyen contre le fascisme, lui demander de faire ce travail à la place de nos structures, de notre camp social, ça me semble absurde. Alors, il y a un point important sur les dissolutions d’extrême-droite.

J’ai dit tout à l’heure que c’était très inopérant, et surtout qu’il y avait très très rarement en réalité de poursuites derrière pour reconstitution de ligue dissoute. Il y a quelques deux ou trois semaines, il y a eu une descente chez des fascistes d’un groupe qui s’appelle Argos, qui est en fait un groupe d’anciens militants de génération identitaire.

“La question identitaire a été dissoute. Et ce groupe Argos, c’est recomposé avec les mêmes membres, les mêmes idées, etc. Et il y a quand même une descente chez une dizaine de militants et militantes qui ont été placés en garde à vue et qui auront un procès.

Donc, ça, c’est quelque chose qu’on ne voyait pas ces dernières années. Et là, le gouvernement expérimente ça sur un plus que le fasciste. On ne va pas pleurer pour eux.

Sauf que demain, qui nous dit que le gouvernement pourra faire des perquisitions, faire des descentes chez des militants qui sont soupçonnés d’avoir recommencé à militer ensemble? Très concrètement, moi, j’ai envie d’expliquer aux gens ce que ça veut dire. Vous avez un collectif qui est dissout dans votre ville.

Surtout souvent, c’est des collectifs qui sont des groupes, ce que le gouvernement appelle des groupements de faits. C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’association derrière. Ça peut être une bande de copains qui manifestent ensemble.”

“À Nancy, il y a eu le Bloc Lorrain. Le Bloc Lorrain, c’est un collectif de militants qui s’organisent ensemble, qui sont copains. Ces groupes sont dissous.

Qui nous dit qu’ils ne peuvent pas faire suivre ces militants-là qui ont été identifiés par la police politique? Par exemple, juste si après une manif, ces gens-là vont boire un coup dans un café, ça peut être considéré comme une réunion parallèle et comme une reconstitution de l’île dissoute et entraîner une arrestation. Ça a des conséquences très réelles, très matérielles, pour que les gens se rendent bien compte.

Se voir entre potes d’un ancien groupe dissous, ça peut être considéré comme tel. Alors quelles sont les pistes? En fait, tu as lu un passage qui en explique déjà plusieurs, de qui la première piste, c’est déjà arrêter de réclamer des dissolutions parce que c’est une arme qui va se retourner contre nous nécessairement et qui se retourne déjà contre nous.

L’autre piste, c’est le terrain juridique. Comme tu l’as dit, mais je suis moyennement convaincu, même s’ils font de plus en plus d’erreurs et que Pascal l’église visiblement ficelle de moins en moins bien ses dossiers.

“Rien ne dit qu’il n’y ait pas à nouveau un cadre juridique qui permette encore plus de dissolution.

Pour moi, l’arme principale, il y en a d’autres, mais l’arme principale, et c’est pour ça que j’ai autant insisté sur le sens des mots, la mise en récit, etc.

Et désarmer les récits.

Exactement, désarmer le récit, c’est-à-dire le rendre inopérant. On l’a vu, l’antiterrorisme, les dissolutions, ce sont des récits. Et on l’a vu, et t’as bien bossé d’ailleurs, et t’as contribué à ça sur l’affaire Tarnac.

Le récit autour de Tarnac, sur les horribles terroristes anarcho-autonomes, en fait, au moment du procès, il avait été complètement cassé, ce récit. Alors oui, il y a eu une défense juridique, mais grâce à ton livre, grâce à des articles de presse, grâce à des enquêtes, en fait, le récit sur l’affaire Tarnac, il avait été mis à terre. Il y a d’autres affaires où il y a aussi peu d’éléments et les gens sont condamnés.”

“En fait, il faut bien le dire les choses. Gagner la bataille du récit, détruire, montrer, mettre à jour les mensonges du gouvernement, c’est aussi important, voire plus important que la procédure purement juridique en elle-même. Donc désarmer le récit, c’est important.

Ça passe par quoi? Ça passe par muscler les médias indépendants. Voilà, soutenir Au Poste, soutenir contre-attaque, soutenir tout un tas de médias indépendants, parce qu’il y en a de plus en plus et heureusement, et c’est vraiment fondamental, se donner les armes, les outils pour empêcher les gouvernants de réussir leur mise en scène, de nous désigner.

D’ailleurs, on le voit quand ils perdent cette bataille-là, parfois ils ne lancent même pas la procédure. Voilà pour une piste. Il y a d’autres pistes de résistance.

Il y en a des traits pragmatiques. Il y a celle du CCIF, le Comité contre l’islamophobie en France. Le CCIF a été dissout il y a quelques années d’ailleurs, avant la loi séparative.

À la fin de l’année 2020, c’est le chapitre Rhizome, page 97, où il y a plusieurs pistes. Vas-y, alors il y a ceux qui savent que ça va partir, je te l’espère.”

“Effectivement, et donc le CCIF, ce qui était honteux, c’était que déjà avant la loi séparatisme, le CCIF est dissout pour une pure question d’expression qui déplaît au gouvernement. Ils sont accusés d’avoir en gros prêché la haine en dénonçant l’islamophobie. Ils ont alimenté un climat qui permettrait de faciliter le terrorisme.

Donc ça, c’est quand même très inquiétant comme logique. Et donc le CCIF, malheureusement, n’a pas gagné la bataille du récit. Parce qu’en France, gagner la bataille du récit sur la question de l’islamophobie, c’est très dur parce qu’il y a tellement un climat omniprésent de stigmatisation des musulmans et des musulmanes que c’est très dur.

Et donc ils ont été dissous. Et d’ailleurs, la gauche a insuffisamment, je pense, réagi à cette opération qui préfigurait des choses très graves. Et le CCIF, ce qu’ils ont fait tout simplement, c’est qu’ils ont créé une asso qui s’appelle le CCIE.

Donc c’est plus contre l’islamophobie en France, mais contre l’islamophobie en Europe. C’est le même logo. Sauf qu’ils ont basé l’association à Bruxelles.

“Donc, hors de la juridiction française, nickel, ils ne peuvent pas être poursuivis en France. Leur action étant essentiellement juridique et sur les réseaux sociaux, donc médiatique, créer un média, une page Facebook, animer des réseaux depuis la Belgique, ça peut être mieux en France. Nickel.

Et ça a mis en colère certains macronistes. D’ailleurs, vous allez poser la question. Qui va me poser la question?

J’imagine. Oui, mais en Belgique, ils n’ont pas de loi de dissolution. Si, ils ont une loi de dissolution.

Ils ont une loi de dissolution.Ils n’appliquent pas.

Exactement. Ils ont une loi de dissolution qui est quasiment la même qu’en France, qui a été votée dans les années 30 pour les mêmes raisons face à la montée du fascisme. Sauf que les Belges, ils sont moins autoritaires et moins cons que les Français.

Ils n’ont jamais mis à jour la loi de dissolution. C’est la même que dans les années 30. Elle est plus utilisée à ma connaissance.”

“Il y a un macroniste, Sirfaoui, qui est allé devant le Parlement de Bruxelles pour réclamer qu’il y ait l’équivalent de la loi de dissolution à la française qui soit appliquée en Belgique et les députés belges, pour le dire poliment, l’ont envoyé paitre et donc il est rentré en France sans obtenir ça. Donc, si vous hébergez votre association dans un pays voisin, il y a des chances que vous ne puissiez pas être dissous. Alors, si vous êtes un groupement de fait militant dans une ville française, c’est beaucoup plus compliqué.

Ça ne marche pas pour tout le monde. Mais si vous êtes une association qui fait de la communication, des actions juridiques, etc. ça peut marcher.

C’est une piste.

Sentier Battant te propose, à propos de l’exemple que tu viens de donner du comité contre l’islamophobie en France, qui s’est exporté en Belgique pour fuir la dissolution, il te propose, en somme, créer des précipités contre la dissolution, la précipitation étant la réaction inverse de la dissolution chimique. Il se trouve que dans ton livre, tu files la métaphore à plusieurs reprises. Il y a cette possibilité de se créer ailleurs, d’être en rhizome.”

“Il y a aussi même l’idée de s’auto-dissoudre avant même que la dissolution ait lieu pour ne pas donner à la République, avec les guillemets qui s’imposent, le plaisir d’annoncer ta dissolution. Il y a donc ces possibilités-là, mais qui sont quand même un petit peu sur la défensive. Je reviendrai sur le récit parce qu’il y a plus de…

Ou alors non, je vais te faire maintenant sur la question du récit. Tu as deux propositions, enfin, tu as deux contestations. Mergeman qui te dit désarmer le récit, d’accord, mais il maîtrise les moyens de diffusion massive.

Et Raton Laveur qui te dit désarmer le récit, mais créer un contre récit derrière, non. Sinon, l’extrême droite reste maître des récits qu’elle diffuse, ne pas être uniquement dans l’opposition, mais créer un récit fédérateur. Qu’est ce que tu réponds à ces deux bémols?

Je suis tout à fait d’accord. J’avais noté la question sur créer un contre récit. C’est exactement ce qu’on essaye de dire depuis tout à l’heure et ce que font quelques médias indépendants.”

“Mais oui, il faut recréer des médias de masse qui est une ligne politique offensive. Je suis persuadé à la fin du 19e siècle, il y avait des grands journaux anarchistes, révolutionnaires qui tiraient à des milliers d’exemplaires. On a oublié ça peut-être, mais il y avait de la presse de…

Des centaines de milliers d’exemplaires.

Des centaines de l’assiette au beurre, des choses comme ça. Je vous conseille d’aller voir. À l’époque, justement, les mouvements révolutionnaires, notamment Libertaires, étaient en pointe.

Ils sortaient des journaux dessinés magnifiques, super bien faits, qui étaient lus massivement et qui contribuaient à la bataille de l’opinion. Voilà, c’est ça qu’il faut faire. Et ça, ça demande des fonds.

Donc, on ne les demandera pas sous forme de subvention au gouvernement. Vous avez compris. Mais voilà, je pense qu’il faut aider, soutenir, financer les médias qui existent et essayer d’être le plus fort, le plus gros possible.

“Le père Duchesne est évoqué dans le tchat. Alors ça, ça fait vibrer mon petit cœur, le père Duchesne, c’est quelque chose. Donc, le contre récit, donc ce contre récit.

Les radios, les radios pirates dans les années 80. Enfin, en fait, notre camp social a toujours trouvé le moyen de diffuser. Là, on est en train de perdre le combat culturel parce qu’en face, on a des chaînes ouvertement néo-fascistes contrôlées par Bolloré, etc.

Mais je ne désespère pas, toutes les enquêtes d’opinion montrent que la majorité des gens n’ont plus aucune confiance dans les médias et dans les journalistes. Ce qu’on appelle des journalistes, qui n’en sont pas vraiment, mais la plupart. Donc, ça veut dire qu’il y a une attente.

Il y a une attente. C’est juste que la plupart des personnes n’aient pas forcément accès au contre-récit, à la contre… Voilà, au contre-récit.”

“Donc, il faut le diffuser, il faut l’aider. Petit incise, je crois que c’est le monde qui révèle qu’un certain nombre de journalistes de TF1, CNews et autres, BFM, donnent des formations au cabinet des ministériels. C’est 1200 euros l’heure et donc là, on voit bien, si tu veux, effectivement, ces mêmes journalistes qui viennent te donner des leçons en disant qu’un tel ou un tel est un journaliste militant, c’est d’abord un militant, ce sont les mêmes qui vont former la parole ministérielle.

Fermons la parenthèse, c’est le monde qui a sorti ça. Hier, Tandis que Mediapart sortait une enquête en plusieurs parties, comme ils en ont le secret, sur CNews et sur la marche au pas de la rédaction. Voilà.

Alors, je ne ferai pas le raccourci, nous dit Donnelapapate que je salue les gens ne croient pas les médias, égale, il y a une attente. C’est ce que tu penses aussi, tu penses qu’il y a une attente des gens pour d’autres médias?

Oui, je pense qu’il y a une attente d’une contre récit. C’est flagrant depuis le 7 octobre, les mensonges  éhontées, la propagande.

“On avait des soldats, littéralement des porte-parole de l’armée israélienne tous les jours sur tous les plateaux de télé depuis des mois.

Là, je pense que le plus grand nombre commence, on ne peut pas cacher ce qui est en train de se passer à Gaza, qui s’apparente à un risque de génocide à minima, voire un génocide. Donc, moi, je pense qu’il y a une attente de contre-récits sur tout un tas de sujets. On voit que beaucoup de gens ne sont pas dupes.

On l’a vu sur la question des retraites l’an dernier. Le gouvernement avait préparé un storytelling. Tu parlais de la déformation de journalistes au gouvernement.

En fait, il ne faut plus les appeler journalistes, il faut les appeler influenceurs parce que c’est ce qu’ils sont. Ce sont des influenceurs, au même titre que les influenceurs de réseaux sociaux. Leur travail, c’est l’influence.

C’est cultiver des storytelling et c’est conseiller, être des conseillers du prince. Ce sont des influenceurs. Et donc, oui, moi, je ne sais pas quelle est l’objection du spectateur ou de la spectatrice.”

“Peut-être que c’est qu’à force d’être inondé, abreuvé de mensonges, on n’a plus envie de croire en rien, ce qui est possible aussi.

Est-ce qu’en ce sens, puisque tu es inondé, est-ce qu’en ce sens, tu considères que, si j’ai bien compris, les gens qui faisaient une entrée-volter sont en partie dans contre-attaque, est-ce que tu considères que, par exemple, contre-attaque aujourd’hui sur les réseaux sociaux et dans une imagerie, dans des vignettes, dans des slogans qui sont très accrocheurs, c’est-à-dire qui vont sur un terrain qui est moins le terrain de la réflexion que le terrain non pas du buzz, mais du coup de poing. Est-ce que tu penses que ça, par exemple, c’est important? C’est bien de faire des interviews de trois heures comme ici, c’est bien de faire des enquêtes à Mediapart, mais ce serait bien aussi d’aller sur un terrain peut-être plus bagarreur, je ne sais pas comment le dire.

Est-ce que tu penses que, par exemple, ça, et après on reviendra sur ton bouquin, est-ce que tu penses que la gauche a tort de laisser le tripal à l’extrême droite?

“Je pense qu’il faut faire feu de tout bois et qu’il faut tout utiliser. Les enquêtes de Mediapart sont utiles, faire des interviews de fleuve, mais il faut aussi utiliser les codes populaires. On parlait de l’assiette au beurre qui a popularisé le dessin de presse.

Aujourd’hui, moi, je pense qu’il faut reprendre aussi les codes de la culture populaire, des vidéos, des références à la bande dessinée. On l’a vu sur les banderoles, notamment à Nantes. Il ne faut pas hésiter à toucher le plus de monde possible.

Il faut vraiment repartir à l’assaut très largement, sortir de l’empreuvoir, toucher du monde. Quand tu dis bagarreur. Alors voilà, Mediapart c’est un peu…

Non, parce que je ne vais pas dire le mot que tu as prononcé, je te remercie de l’avoir populaire. Je n’osais pas le dire parce que j’avais peur qu’on me dise ah non, mais il veut dire populiste et tout ça. Mais voilà, c’est le bon terme. Alors, je vais dire bagarreur.

Voilà, on parle du sens des mots. Le mot populiste, c’est un mot de l’ennemi. C’est un mot qui viserait à dénigrer.”

“Ah, vous êtes populiste parce que vous parlez fort, etc. Mais Macron, d’une certaine manière, c’est à la fois un élitiste et en même temps, il joue sur des affects racistes, etc. Donc, bon, le mot populiste, il faut s’en méfier.

Ce n’est pas une insulte de faire quelque chose de populaire. Au contraire, et bagarreur, bagarreur. Voilà, Mediapart, c’est des enquêtes qui sont très importantes, mais ce n’est pas un média d’opinion.

Et c’est très bien. D’ailleurs, il faut que ça reste comme ça. Il faut que ça reste de l’investigation indépendante carrée, objective.

Mais peut-être que ce qui nous manque, contrairement aux périodes dont on parle, là, du père Duchesne, de l’assiette au beurre, de toute la presse anarchiste, c’est aussi peut-être des chaînes de télé, des pages, des sites, qui soient bagarreurs, qui soient des médias d’opinion, qui assument une ligne. En face, on a des gens qui assument leur ligne néo-fasciste. Et j’ajouterais que si on veut vraiment partir à la bataille dans le combat culturel, ou en tout cas l’amplifier, il ne faut pas hésiter aussi à faire des contenus culturels, mettre en avant des artistes, des penseurs, etc.”

“J’ai vu que l’extrême droite essayait de faire, par exemple, une OPA sur Nietzsche. Ils font plein de vidéos comme ça, sur des sculpteurs, sur des auteurs, etc. Nous, notre camp a énormément de choses à dire.

Il y a énormément d’analyses à faire sur les grands textes. C’est trop facile de dire il faut, mais en tout cas, faisons cela. Partons à la bataille culturelle.

Une dernière piste que tu nous… Il y a une autre piste que tu nous proposes, mais tu l’as déjà évoquée avec les soulèvements de la terre. Ceux qui repoussent partout ne peuvent être dissous, c’est-à-dire l’idée de s’éparpiller pour empêcher le couperet.

Tu as aussi l’idée de faire bloc. Tu as ce que tu appelles la symphonie des révoltes. Alors là, tu parles des Gilets jaunes.

Tu parles aussi de Hong Kong. Tu parles aussi de ces manifestations sauvages qui partaient dans tous les sens. Et on était en live à Paris, c’était assez rigolo.

Effectivement, quand on a contre les lois retraite, c’est à dire une espèce de maillage, de rhizome, de réseau.

“Voilà, tu donnes ces pistes de solutions pour faire face à ce moment auquel on est confronté qui est celui des dissolutions partout.

Alors il y a deux pistes, être opaque et être insaisissable. Être opaque, ça veut dire ne pas avoir de structure formelle, être super discret. Il y a tout un tas de militants qui du coup sont quasiment secrets, qui sont quasiment dans la clandestinité parce que la répression fait qu’on a peur.

Alors être opaque, c’est une solution parce que le gouvernement aura beaucoup de mal à saisir, à dire le groupement de fait de tel nom. Il ne pourra pas donner un nom. Il ne saura pas exactement qui est dedans.

Très bien. Par contre, l’hyper-opacité, c’est aussi un danger. Parce que le jour où la répression s’abat sur un tel collectif, il n’aura aucun relais médiatique.

Et malheureusement, on a vu des affaires parfois très graves, par exemple des affaires d’associations de malfaiteurs ou des affaires anti-terroristes, où les personnes sont tellement secrètes, tellement discrètes, qu’il est quasiment impossible d’établir un contre-récit. Et donc la répression s’abat fort. L’opacité, elle est à double tranchant.”

“Voyez, sortir dans la lumière, avoir un collectif qui a pignon sur rue, c’est risqué, parce que ça expose à des dissolutions potentiellement. Mais ça permet aussi d’avoir une vitrine pour se défendre et d’avoir une tribune. Voyez, à chacun de jauger, c’est ce que je dis dans le bouquin.

Si vous préférez être dans une totale opacité, quasi clandestinité ou au contraire, assumer d’être au grand jour pour avoir plus d’armes, plus de tribunes face à une dissolution. Et il y a l’autre piste, être insaisissable. Effectivement, peut-être créer une pluralité de petits collectifs, de petits groupes, jouer sur les échelles.

Je prends plutôt une métaphore sur les manifestations. Il y a les manifestations en Hong Kong avec le slogan Be water, soit comme l’eau. Ce qui est ironique parce qu’on lutte contre les dissolutions, mais finalement on est liquide et du coup on est insaisissable.

C’est des manifestations qui n’étaient pas en cortège, mais qui s’agrégeaient dans un quartier, se dissolvaient, se recomposaient dans un autre quartier, etc. Et la police de Hong Kong n’arrivait pas à les choper.

“Et c’est un peu ce qui s’est passé pendant les manifestations nocturnes après le 49-3, avec les feux de poubelle qu’il y a eu dans toutes les grandes villes au printemps dernier.

Donc être insaisissable, être opaque, il faut jouer sur les échelles.

J’ai rêvé où Be Water, être l’eau, ça vient d’un comédien.

D’une citation oui.

Une citation de monsieur? Lee, Lee Bruce, de son prénom. Ce qui nous envoie directement à une question, alors qui est un petit peu indirect, de Raton Laveur à nouveau.

Une question un peu taboue sur le recours à l’autodéfense physique. Les collectifs antifascistes développent une imagerie très masculiniste. Qui n’est pas très fédératrice.

Est-ce qu’on s’écarte trop du sujet là ou pas?”

“Je ne sais pas. Fédératrice pour qui? Enfin oui.

Il faut remettre en question. Il faut critiquer nos imageries.

Moi, je…

Oui, il faut le dire aux personnes qui diffusent cette imagerie. Moi, je pense qu’il faut être le plus inclusif et le plus et toucher le plus de monde possible. Ça ne veut pas pour autant dire qu’il faut refuser la question de l’autodéfense.

Puisque là, on voit qu’il y a des groupes d’extrême droite qui attaquent les minorités, qui s’en prennent de plus en plus souvent à notre camp social, à des militants, des manifestants. On a même vu l’extrême droite travailler directement comme supplétif de policiers, notamment pendant la révolte après la mort de Naêl. On est dans une situation gravissime.

L’autodéfense, ce n’est pas un gros mot. Après, voilà, si vous voulez, on continuera ce débat-là en dehors d’une plateforme internet.Une dernière question, Pierre, parce que ça fait je ne sais pas combien de temps qu’on est ensemble, plus de deux heures, presque deux heures et demie. Je voudrais quand même laisser le plaisir à ceux et à celles qui n’ont pas lu ton livre de découvrir ce que tu dis.

“En plus, il n’est pas cher, il est à 10 balles. Il est chez l’éditeur.

Voilà, exactement. Je vais le lire, mais vous avez intérêt. Non, il faut le lire, vraiment, il faut le lire.

Oui, une question qui était posée au tout début. En Allemagne, ils ne dissolvent pas, mais l’exécutif a le droit de surveiller l’extrême, notamment les partis d’extrême droite. La loi constitutionnelle, etc.

Est-ce que, par exemple, ça, c’est une piste que tu n’abordes pas dans ton sujet, mais est-ce que c’est ce que l’État pourrait faire? Est-ce que si tu étais à la tête de l’État, tu dirais on ne va pas dissoudre, mais on surveille de près les gens dangereux, mais sans les dissoudre?”

“Alors il y a deux questions. Il y a celle de l’Allemagne. Alors celle de l’Allemagne, s’il y a des dissolutions, figurez-vous, ces derniers mois, il y a eu des dissolutions de groupes de soutien à la Palestine.

Parce qu’on a beaucoup critiqué la France qui a interdit les manifestations de soutien à Gaza. C’est vrai qu’on était le seul pays au monde à interdire ces manifestations-là en octobre, novembre. Même à Tel Aviv, il y avait des manifestations pour le cessez-le-feu, quand nous, à Paris et à Nantes, c’était interdit.

Sauf l’Allemagne qui est toujours du bon côté de l’histoire. Donc maintenant, l’Allemagne fait du soutien à Netanyahou et à l’État israélien un impératif absolu. Et donc ces derniers mois, ils ont dissous des collectifs de soutien aux Palestiniens.

Mais sinon, c’est rarissime. Mais là, ils ont tapé. Sur la question de la surveillance, alors ce que disent les certains experts policiers du maintien de l’ordre, c’est qu’effectivement, il ne faut pas dissoudre parce qu’on veut pouvoir continuer à surveiller les groupes et que si on les dissout, on va les perdre de vue.

Ou alors ils vont se radicaliser.”

“Ils vont comme ce qu’on disait sur la cagoule dans les années 30. C’est après les dissolutions des ligues, il y a un groupe d’extrême droite, la cagoule, qui a commis des attentats à terroristes.

Donc, à moins de parier sur la stratégie.

Moi, je pense que la procédure de dissolution, elle est le fruit de la surveillance, déjà. Parce qu’en général, c’est des groupes qui sont dans le collimateur de la police politique des renseignements. C’est des groupes dont les renseignements n’ont pas réussi à trouver des éléments assez forts pour faire une vraie procédure juridique, etc.

Et donc on les dissout. Et surtout, la dissolution, quand elle est avortée, c’est le cas des soulèvements de la Terre, elle permet, elle octroie à la police des pouvoirs de surveillance très importants. C’est ce que dit le Conseil d’État.

Le Conseil d’État, en gros, dit aux forces de sécurité de surveiller avec une attention accrue les soulèvements de la Terre. Donc en fait, dissolution et surveillance vont souvent ensemble. Ce sont des procédures créées, montées par la police politique.”

“Donc les renseignements, donc les services de surveillance.

Mon cher Pierre, voici que Arbre Sénessan, qui tient une librairie à Poligny dans le Jura, nous dit pour la deuxième fois, j’ai trouvé le livre de Pierre Remarquable. Il est en belle pile dans ma petite librairie rurale. Donc la commune, c’est Poligny dans le Jura.

Merci beaucoup Arbre Sénessan.

Ça commence comme ça, ça commence comme ça, la bataille des idées, ça commence comme ça, par les campagnes.

On essaye. D’ailleurs, soutenez les petites maisons d’édition indépendantes. C’est pareil, Grévis, c’est une petite maison associative, qui fait des super bouquins.

Je ne parle pas de moi, mais il y en a plein sur la prison, sur tout un tas de sujets passionnants. Donc n’hésitez pas à aller voir leur catalogue et à les soutenir.

Un éditeur normand de Caen, me semble-t-il. Effectivement, on a reçu déjà plusieurs auteurs, Grévis, ici même. C’est vrai que c’est très bien édité, c’est du beau papier, c’est bien imprimé et ainsi de suite.”

“Mon cher Pierre, je pense qu’on a fait le tour de ton livre. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose? Et après, j’aurai une question rituelle.

Est-ce quelque chose qu’on a oublié?

Je pense qu’on a quand même bien bien balayé le livre.

On l’a essoré, quoi. Il faut moins de temps pour le lire qu’en parler. Mais ça, c’est bon signe.

Ça veut dire qu’il est dense, qu’il est riche, qu’il ouvre.

Avec l’éditeur, on a voulu faire, moi, j’étais même un peu pour plus, mais on a voulu faire un livre très court et pas cher pour qu’il puisse se diffuser. Il y a une partie aussi sur la question de la dissolution générale. Parce qu’en fait, au-delà de la procédure, le fait que le néolibéralisme en fait dissolve tout.

Il a dissous le monde du travail, les solidarités ouvrières. Il a dissous les corps dans l’espace avec la métropolisation. Il a dissous les affects, etc.

Vous découvrirez tout ça dans le livre. Mais il y a cette question-là.

C’est ça. Le livre est court et pas cher. Et c’est très bien, nous dit notre libraire de Poligny.”

“Qu’on salue. Effectivement, il est dense se, il est tonique.

Epilogue

Question rituelle.

Qu’est-ce que nous avons fait pendant deux heures, Pierre, au poste? Qu’est-ce que tu as fait ce matin?

On a créé de l’échange, de la complicité. On a du coup lutté contre les dissolutions. Par écran interposé.

Avec un beau sourire. Voilà. Super.

Merci. Merci beaucoup, Pierre. Tournez promo.

C’est parti.

Écoutez, justement, s’il y a des libraires et qu’il y a des envies de débat, écoutez, si vous m’invitez, je viens en général

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