Civilisation Judéo-Chrétienne: l’imposture. Avec Sophie Bessis, historienne.

La civilisation judéo-chrétienne n’a jamais existé. C’est la thèse que défend Sophie Bessis, historienne et autrice de La civilisation judéo-chrétienne : anatomie d’une imposture (Les liens qui libèrent). Une idée construite pour masquer des siècles d’antisémitisme chrétien et pour exclure l’islam du triptyque monothéiste. Dans cet échange passionnant avec Sarra Grira, elle démonte un mythe devenu un argument politique et idéologique. Entre déconstruction historique et analyse des récupérations contemporaines, une discussion essentielle.

« Historiquement, c’est un mensonge flagrant. »

Dès le début de l’émission, Sophie Bessis pose le problème : la civilisation judéo-chrétienne est une invention récente. Un concept qui sert à la fois à masquer l’antisémitisme chrétien, à justifier l’exclusion de l’islam, et à réaffirmer une identité occidentale fantasmée.

Le tchat réagit immédiatement. Catherine écrit : « C’est pratique : on gomme les pogroms et on s’invente une fraternité millénaire ! » Julien ironise : « Et les croisades, c’était un voyage d’amitié ? »

Une histoire de domination

Sophie Bessis rappelle que le christianisme s’est construit en opposition au judaïsme, en désignant les juifs comme « peuple déicide ». Pendant des siècles, l’Europe chrétienne les a persécutés, marginalisés et discriminés. Alors, comment peut-on aujourd’hui les intégrer dans un « bloc judéo-chrétien » ?

L’historienne cite Lévinas : « L’Europe est fille de la Grèce et de la Bible. » Une belle formule, qui montre que le judaïsme a contribué à la civilisation européenne, mais sans en faire un partenaire historique du christianisme. « On pourrait parler d’une civilisation européenne avec des influences juives et chrétiennes. Mais pourquoi coller ces deux termes ensemble ? »

Une arme politique moderne

Le tournant a lieu après la Seconde Guerre mondiale. L’Occident a besoin de se racheter après la Shoah. Il faut reconstruire une identité déculpabilisée. L’État d’Israël devient alors un élément central de cette nouvelle narration.

« Il fallait restaurer l’innocence de l’Occident. »
_{Sophie Bessis}

Le procès Eichmann en 1961 marque une étape clé. On commence à reconnaître la spécificité du génocide juif, et en parallèle, l’Europe et les États-Unis renforcent leur soutien à Israël.

Sophie Bessis insiste : « Israël a été instrumentalisé pour absoudre l’Occident. » En faisant d’Israël « l’éternelle victime », on évite de questionner l’histoire coloniale et esclavagiste de l’Europe. Et surtout, on empêche Israël d’être considéré comme un État comme les autres, soumis aux mêmes critiques.

Le tchat rebondit :

Pierre : « L’Europe aurait pu aussi se racheter en condamnant la colonisation… mais non. » Nadia : « Ça veut dire que la colonisation d’Israël en Palestine est liée à ça ? » Bessis répond sans détour : « Bien sûr. Israël est devenu le symbole de l’Occident. On ne peut pas le critiquer sans remettre en cause toute l’histoire occidentale. »

L’oubli du judaïsme oriental

Mais il y a un autre oubli majeur : le judaïsme oriental. En insistant sur un axe « judéo-chrétien », on occulte que les juifs ont longtemps été bien plus proches culturellement des musulmans que des chrétiens.

« La culture judéo-arabe a existé pendant des siècles. Aujourd’hui, elle a disparu. »
_{Sophie Bessis}

Le judaïsme du monde arabe, qui a existé pendant des millénaires, est effacé aussi bien par les nationalismes arabes que par le sionisme. « En Israël, les juifs arabes ont été méprisés. Ils étaient ‘moins civilisés’ parce qu’ils parlaient arabe, pas yiddish. » Et dans le monde arabe ? Le judaïsme est tout simplement effacé des récits nationaux. En Algérie, par exemple, on refuse de reconnaître que la Kahina, résistante berbère du 7e siècle, était probablement juive.

Mounir : « Donc les Arabes ont eux aussi contribué à effacer cette histoire ? » Bessis : « Oui, il y a eu une auto-exclusion. Face à l’exclusion de l’islam par l’Occident, certains Arabes ont accepté cette grille de lecture du ‘choc des civilisations’, opposant ‘judéo-chrétiens’ et ‘arabo-musulmans’. »

Le sionisme chrétien et les nouveaux alliés

L’entretien se termine sur un paradoxe fascinant : les sionistes antisémites. Les évangéliques américains soutiennent à fond Israël… tout en restant profondément antisémites. Pourquoi ? Parce que leur messianisme prévoit que les juifs retourneront en Terre Sainte… pour être convertis ou exterminés à la fin des temps.

Et l’extrême droite européenne ? Hugo : « Et Bardella, il en pense quoi ? » Bessis : « Le Rassemblement National est un mouvement sioniste antisémite. »

Comme d’autres extrêmes droites en Europe, le RN soutient Israël, non pas par amour des juifs, mais parce qu’il voit en lui un rempart contre l’islam. Sophie Bessis conclut : « Aujourd’hui, toutes les extrêmes droites du monde se reconnaissent dans l’extrême droite israélienne. C’est une alliance idéologique. »

Sarah : « Donc aujourd’hui, la civilisation judéo-chrétienne sert à rassembler les racistes du monde entier ? » Bessis sourit : « Exactement. »

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Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.

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