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Christophe Dettinger #AuPoste

Christophe Dettinger, boxeur, raconte. Les Gilets Jaunes 6 ans après, Macron, les médias, sa reconstruction. Vibrant.

Il est grand, porte un T-Shirt sur lequel est écrit « Les plus faibles on les défend » en lettres jaunes, couleurs de l’étendard qu’il a porté contre les vents de l’oppression.

En ce sixième anniversaire des Gilets Jaunes, notre invité, Christophe Dettinger, connu pour son geste héroïque sur la passerelle Léopold Senghor le 5 janvier 2019, martèle ce qui est aujourd’hui indispensable à la lutte : « la masse, la masse, la masse ».

Champion de France de Boxe, fonctionnaire territorial et père de famille, Dettinger revient sur son parcours, son expérience de Gilet Jaune, son procès et son incarcération. Entre répression des forces de l’ordre et de la justice et solidarité du peuple, Dettinger livre un témoignage précieux et important.

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C’était il y a 6 ans…

Tout part d’une publication en ligne : « Posez votre gilet sur votre tableau de bord ». Christophe Dettinger suit le mouvement. En une semaine, tous les tableaux de bord en sont recouverts. Un mouvement est né. Tandis que la lutte prend de plus en en plus d’ampleur, les trajets vers Paris les samedis se multiplient. Dettinger se rend compte de l’importance de telles manifestations, où les combats contre la vie chère unissent les gens peu importe leur couleur politique.

Je travaille sur le marché des légumes depuis que j’ai 14 ans, j’ai pu voir le pouvoir d’achat des personnes âgées diminuer. Ce sont des gens qui ont travaillé toute leur vie, qui se sont battus pour tous nos acquis sociaux, et aujourd’hui ils sont dans la détresse, ils galèrent.

Chistophe Dettinger

Un extrait de Un Pays qui se tient sage (David Dufresne, 2020) diffusé pendant l’émission nous montre l’ancien boxeur parmi les Gilets Jaunes, confrontant des CRS sur la passerelle Léopold Senghor le 5 janvier 2019. Sous l’oppression de la nasse, Dettinger mène ses camarades vers cette passerelle pour s’exfiltrer de la manifestation. À ce moment, les bombes lacrymogènes fusent et Dettinger aperçoit une personne au sol se faire matraquer et ruer de coups. Son instinct le pousse rapidement à plaquer le policier en question au sol. Premier élément d’une confrontation qui s’accentue au fil d’une manifestation de plus en plus tendue, filmée et diffusée à travers les médias et se prêtant à toutes les interprétations.

« Gitan », « boxeur »

Alors que Christophe Dettinger cache sa famille tout en cherchant un avocat, le lynchage médiatique commence. Impuissant face à la virulence des propos à son égard, celui que l’on dénomme « Gitan » et « boxeur » s’explique dans une vidéo qu’il publie avant de se rendre. Appartenant à la communauté yéniche (ou « les gens du voyage »), Dettinger s’est toujours intégré dans le système. Il en donne pour preuve son poste à la fonction publique et son implication dans sa collectivité. Avec sa vidéo, il se permet un droit de réponse face à la manière dont son portrait a été diabolisé, avec des propos trahissant une violence systémique envers les communautés marginalisées appelées « gens du voyage », toujours poussées à se fondre dans la masse, comme la génération des parents de Dettinger. Quelques temps plus tard, Emmanuel Macron formulera une phrase qui choque par son mépris raciste, affirmant que Dettinger « n’a pas les mots d’un boxeur Gitan ».

Les Gitans sont tous illettrés, analphabètes pour lui, ils insultent tout. J’aurais du finir ma phrase avec une insulte, peut-être que j’aurais été un Gitan pour lui. Je trouve ça dommage, c’est du racisme.

Chistophe Dettinger

Une fois au commissariat, Dettinger est placé en garde-à-vue. Pendant que les policiers saccagent sa maison, lui réfléchit à l’origine de ses actes du 5 janvier sous les conseils de son avocate. À la première audition, il explique avoir voulu défendre la « personne vêtue de rouge au sol », alias Gwenaëlle. Présente dans la salle, celle-ci valide les faits. Cela n’empêche pas la justice de détacher cet évènement de la suite, empêchant lourdement la compréhension du contexte.

Entre procès et détention

Malgré son casier vierge et son travail, Dettinger est placé en détention provisoire à Fleury-Mérogis. Les dix premiers jours sont difficiles : pas d’avocate, pas de parloir, pas de lettre. L’expérience de détention s’améliore par la suite. Dettinger travaille pour une marque de cosmétiques et reçoit des centaines de lettres de soutien. D’autres avocats se rallient à la défense du détenu, dont certains comme l’éminent Maître Henri Leclerc n’exigent pas de rémunération.

Le jugement que Dettinger qualifie « d’interminable » et « insupportable » a lieu le 13 février : 30 mois de prison dont 18 de sursis, et un an ferme aménageable. Suite à une conduite irréprochable en prison, Dettinger se voit accorder plus de liberté, et rentre chez lui avec un bracelet électronique au bout de 4 mois. Durant toute cette période, aucun grand média ne vient l’interroger. En parallèle, un élan de solidarité voit le jour et une cagnotte se met en place, avant d’être clôturée sous la pression de Marlène Schiappa qui dénonce une apologie de la violence.

Toujours en combat contre la peine qui lui a été imposée, passant prochainement en Cour de cassation, le Gilet Jaune ne faiblit pas malgré les obstacles administratifs auxquels il fait face, comme l’impossibilité d’obtenir un crédit, ou voir son compte professionnel de formation bloqué.

« Y a plus qu’à »

Face à cet acharnement étatique, un comité de soutien, sobrement nommé « Y a plus qu’à », se met en place. Il met en vente des T-shirts avec des messages comme « Les plus faibles on les défend ». En nous en parlant, l’invité enlève son gilet et bombe sa poitrine face à la caméra pour nous fait lire ce message jaune criant sur fond bleu.

Ça va au-delà de la lutte, c’est énorme. […] Six ans après, [les Gilets Jaunes] dont je fais partie avaient raison d’être là, de se déployer, d’être présents dans toute la France. […] Pour nos camarades mutilés il faudra réclamer une justice, qu’ils soient reconnus victimes de ces abus policiers.

Christophe Dettinger

Après avoir perdu ses procès, Dettinger se met à retrouver ses camarades de lutte au détour d’un rond-point, toujours surpris par l’humanité des personnes qu’il rencontre. Notre Gilet Jaune trouve aujourd’hui d’autres manières de participer à la lutte, notamment via ses prises de position politiques au sein de la campagne « voyageurs contre le RN », lors des législatives de l’été 2024. Compte-tenu de ce qu’ont vécu ses anciens, et au caractère réellement fasciste du pays aujourd’hui, Dettinger met l’emphase sur la nécessité d’une masse, non-violente, statique, appuyée sur le souvenir d’un mouvement «qui avait raison.»

Boxeur humaniste

Christophe Dettinger débute la boxe à 11 ans. D’abord mauvais, ses entraînements l’élèvent à la catégorie « amateur » puis à son deuxième titre de champion de France à 15 ans. Titre qu’il portera toutes les années de ses 14 à ses 18 ans au sein de l’équipe de France. En désaccord avec sa troisième position aux championnats d’Europe, il arrête la boxe pendant trois ans, avant d’y revenir pour garder « une bonne hygiène de vie ». Il retourne alors très vite dans le parcours du championnat de France, réintègre les locaux de l’équipe de France et enchaîne les titres.

Son succès n’empêche pas un mauvais rapport de confiance avec la Fédération de boxe vis-à-vis de sa rémunération, ce qui le fait arrêter sa carrière en 2003. Seize ans plus tard, suite aux évènements de juin 2019, Dettinger juge les propos de la Fédération à son égard « très insultants ». Mais cela n’amoindrit pas son amour pour la boxe, cet art noble qui pousse au « dépassement de soi, à la concentration et l’acceptation ». Un mot définit le Gilet Jaune, sur le ring comme en manif : humanité.

Cinq questions-clés

Qu’est-ce que le mouvement des Gilets Jaunes ?

Le mouvement des Gilets Jaunes est un mouvement de protestation apparu en France en novembre 2018. Il appelle à ses débuts à se regrouper et manifester sur des ronds-points contre l’augmentation du prix du carburant et la baisse du pouvoir d’achat en général. Très vite, le mouvement prend de l’ampleur et s’organise par des blocages et manifestations dans les grandes villes. Il fait l’objet de sévères répressions et de violences de la part des forces de l’ordre, causant la mutilation de nombreuses personnes.

Qu’est-ce que la passerelle Léopold Senghor ?

Cette passerelle traversant la Seine fut le lieu d’une importante confrontation entre Gilets Jaunes et CRS. C’est à cet endroit que Christophe Dettinger réagit pour la première fois aux violences des policiers. L’évènement, filmé sous plusieurs angles, est à l’origine de son procès.

Qu’est-ce que la communauté yéniche ?

La communauté yéniche dont fait partie Dettinger est une ethnie semi-nomade d’Europe aux origines variables. Leur langue est dérivée de l’allemand, de l’hébreu et du yiddish.

À quoi renvoie « Y a plus qu’à » ?

Il s’agit d’une initiative qui met en vente des T-Shirts en soutien à Christophe Dettinger.

Qui sont les Voyageurs contre le RN ?

Pendant les législatives de juin-juillet 2024, naît une mobilisation contre la montée du Rassemblement National, « Voyageurs contre le RN ». Cette mobilisation regroupe différents « gens du voyage » dont fait partie Dettinger mais également la communauté tzigane.

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