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Cancers pédiatriques: l’omerta (et le combat)

Entre 2015 et 2020, sur la commune de Sainte-Pazanne et ses alentours près de Nantes, 25 enfants ont eu un cancer, 7 en sont morts.

Devant l’inertie de la puissance publique qui ne documente pas correctement les causes de ce cluster de cancers pédiatriques, les familles concernées prennent l’initiative. Elles s’entourent d’experts en toxicologie, en sociologie de la et d’un avocat. Leur combat devient film: Contrepoisons, Un combat citoyen. Pour en parler avec nous: les co-auteurs Valery Gaillard et Jean-François Corty, bien connu de nos services, et Laurence Huc, toxicologue.

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La rencontre en quelques mots

Devant la multiplication des drames, et face à la surdité des autorités compétentes, le collectif « Stop aux cancers de nos enfants » se crée autour de parents qui ont perdu un enfant, de proches, d’habitants de Sainte-Pazanne. Appelée par le collectif, Laurence Huc embarque à son tour Jean-François Corty puis Valéry Gaillard, dans une quête pour visibiliser, rendre compte de cette lutte. Ce travail prendra la forme d’un film dans lequel la parole des parents et des membres du collectif sera transmise, à travers des entretiens menés par Laurence Huc et Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé.

Dans le service pédiatrique de l’hôpital de Nantes, Marie Thibaud, dont le fils Alban est en soins, réalise que plusieurs de ses camarades d’école, d’enfants de voisins et voisines, s’y trouvent pour les mêmes raisons. Les médecins ne semblent pas s’interroger. En quête de réponses, les familles prennent les choses en main et contactent l’Agence Régionale de Santé ainsi que Santé Publique France. L’ est prise à la légère par les autorités de santé publique, qui aboutissent à une absence de cluster sans remettre en question leurs méthodes. Alors que des enfants du secteur continuent de déclarer des cancers, circulez, il n’y a rien à voir.

Ce qui ressort, c’est la dynamique de démocratie sanitaire, c’est-à-dire des familles qui deviennent actrices de la prise en charge de leurs problèmes, et par extension, la tension entre la recherche et la décision politique. […] Cette asymétrie entre les sachants, les politiques, les médecins d’un côté et de l’autre le bas peuple et les patients qui devraient mourir en silence, ils la contestent. En devenant des parents experts, des patients experts, un peu comme ce qu’on a vu au moment du SIDA, ils structurent leur combat autour d’une approche scientifique.

Jean-Fançois Corty

Une fois leur confiance en ces institutions douchée, le collectif ne baisse pas les bras. En colère mais déterminés, les parents se documentent, se forment, et prennent en charge la recherche de vérité sur cette affaire. Le combat de ces familles sera aussi un combat contre l’inaction, le manque de moyens et de courage politique des autorités de santé publique. La mission de veille sanitaire n’est assurée que trop partiellement et superficiellement, autant que les enquêtes environnementales qui permettraient d’avoir un oeil sur les facteurs de risque, les effets cumulés.

Dans la situation de Sainte-Pazanne, la toxicologue Laurence Huc relève plusieurs facteurs potentiels : une ligne de haute tension enterrée sous l’école, la présence de pesticides agricoles, un ancien site industriel mal dépollué. Le cancer est une maladie liée, pour 90% d’entre eux, à une exposition à des facteurs environnementaux multiples, il ne s’agit donc pas de chercher le facteur coupable, mais de documenter sur un territoire donné les causes potentielles, les événements qui font qu’une population si jeune tombe malade en nombre et au même moment – ce qui relève de la toxicologie et des études environnementales. Et de combattre ces causes, ce qui relève du politique.

Il y a beaucoup de substances, et notamment des pesticides, qu’on soupçonne d’être cancérigènes, qui n’ont pas bien été testées avant d’être mises sur le marché. En toxicologie, on essaie de comprendre ce qu’il se passe, au niveau des expositions chroniques, des périodes de vulnérabilité, etc. […] En ce moment, il y a des gens qui sont exposés aux mêmes substances. Qui tombent malades. Donc il serait peut être bon, sur cette base de preuves-là, de tout faire pour que ces personnes-là ne soient plus exposées à ces substances. Donc, à Sainte-Pazanne, d’arrêter d’envoyer des ondes électromagnétiques sous l’école, de mieux dépolluer le site et d’arrêter l’agriculture intensive qui contamine énormément tout le milieu.

Laurence Huc

Démocratie sanitaire et intérêts contradictoires

Ce que met en lumière cette affaire, ainsi que de nombreux cas similaires de défaut de la veille sanitaire comme le cluster de Saint-Rogatien/Périgny, en Charente-Maritime, est que les agences concernées, qui sont des antennes territoriales du ministère de la Santé et donc de l’État, sont traversées par des conflits d’intérêt qui entravent plus ou moins la réalisation de leurs missions, voire dans certains cas vont totalement à leur encontre, les sabordent.

Jean-François Corty parle d’une « tendance politique globale nationale qui, est la volonté de ne pas faire de vagues, de ne pas se donner les moyens de mettre en évidence les problèmes ».

Alors que l’État se veut être l’émanation des citoyens, la puissance publique a ancré dans sa culture de freiner ce genre d’initiatives citoyennes, vécue comme une « perte de pouvoir » en même temps qu’une atteinte aux intérêts qu’elle défend, ceux du système dans lequel notre société baigne. David résume : « Entre quelques cas de cancers et tout un système, le choix est fait ». Plutôt que d’embrasser ce que la société civile fait remonter, tout faire pour ne rien changer.

Dans le cas des cancers pédiatriques, comme dans le cas du combat sur la dangerosité de l’amiante, comme dans le cas du scandale des algues vertes, comme dans bien d’autres combats, des motifs récurrents surviennent. Le déni démocratique se traduit par une rétention des informations par les autorités publiques elles-même : « plus qu’une frilosité, une confiscation du savoir : une volonté de ne pas chercher » comme l’évoque Valéry Gaillard.  

Ceux qui tirent profit de cette réticence à faire bouger les lignes sont naturellement ceux qui ont intérêt à voir le système actuel perdurer. Il existe des tensions entre les enjeux économiques et ceux de santé publique. Au niveau local, la médiatisation du cluster de Sainte-Pazanne a suscité des réticences chez certains élus locaux, certains commerçants soucieux de préserver l’image de leur ville et son attractivité. Au niveau national, les questions de santé publique ne sont malheureusement qu’une des nombreuses entrées dans le conflit entre le lobby de l’agro-industrie basé sur l’agriculture intensive, et l’intérêt public. Les récentes évolutions du cadre réglementaire en ce qui concerne les pesticides, en modifiant les critères de suivi pour assouplir leur utilisation témoignent de cette tendance.

Je pense que c’est très important de sensibiliser les citoyens et citoyennes de ce qui se passe, et qu’ils comprennent qu’on ne peut pas compter sur les autorités de santé publique pour les protéger. Les connaissances scientifiques vont en augmentant donc il y a des moyens à mettre en place pour prévenir les maladies. C’est un bon sens pour la société d’éviter les maladies plutôt que de passer des heures et des millions d’euros à soigner. […] Et là où j’ai senti la pression politique s’abattre sur moi en tant que scientifique, c’est quand on se met à travailler sur des composés où il y a des enjeux forts financiers.

Laurence Huc

Le film se termine sur le débouché de cette lutte, une initiative du collectif, qui est la création d’un institut de recherche citoyen, l’ICRePSE, en avril 2023, comme il en existe une petite poignée en France. C’est un institut dont le mode de gouvernance relie les citoyens qui décident des questions de recherche avec un conseil scientifique, présidé par Laurence Huc, qui mène les études. Valéry Gaillard loue le projet tant d’un point de vue démocratique que scientifique.

L’idée de ne pas partir de la science pour aller trouver un terrain d’étude, mais de prendre un territoire, à partir duquel les familles, les gens, les habitants, font remonter des problèmes, des anomalies et de mettre tout un tas de ressources en commun pour essayer de comprendre ce qui s’y passe : ça, c’est une manière de penser différente. Là, il y a, politiquement, démocratiquement, administrativement, scientifiquement matière à espérer.

Valéry Gaillard

Trois questions clés

Quelle est l’activité du collectif « Stop aux cancers de nos enfants » ?

Le collectif continue d’exister et de faire un travail de sensibilisation et de prévention. Son activité de veille scientifique est désormais dévolu à l’Institut Citoyen de Recherche et de Prévention en Santé Environnementale (ICRePSE)

Où le film «Contrepoisons, Un combat citoyen» est-il disponible ?

Le film est disponible sur la plateforme de France Télévisions (https://www.france.tv/france-3/pays-de-la-loire/la-france-en-vrai-pays-de-la-loire/5866959-contrepoisons-un-combat-citoyen.html) jusqu’au 24 avril 2025.

Quelles sont les missions dévolues aux ARS ?

Les Agences Régionales de Santé ont pour rôle de piloter les politiques de santé publique dans les champs d’intervention suivants : veille et sécurité sanitaires, organisation des actions de prévention, anticipation et gestion des crises sanitaires.

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