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Valérie Rey-Robert, Marine Turchi & Marlène Thomas

Mazan, la culture du viol (enfin) en procès?

Les bons pères de famille d’un côté et les monstres de l’autre, ça n’existe pas. Pendant dix ans, Dominique Pélicot a drogué, violé et fait violer sa femme, Gisèle, par des dizaines d’hommes. Conviées Au Poste pour Bonjour Colère ce mardi 09 octobre, Marine Turchi, enquêtrice à Mediapart, Valérie Rey-Robert, autrice de Une culture du viol à la française et Marlène Thomas, qui couvre le procès pour Libé, décryptent pour nous les tenants et les aboutissants d’une affaire qui nous concerne tous.

À la cour criminelle du Vaucluse, 51 hommes sont sur le banc des accusés. Un procès hors normes, source de réactions dans l’espace public. Gisèle Pélicot a refusé le huis clos. Son souhait : que la honte change de camp. Les témoignages des accusés, les déclarations effarantes de leurs avocat.es, la mise en accusation de Gisèle Pélicot rappellent le traitement infligé aux victimes de violences sexuelles.

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Sur le canapé d’Au Poste, on rencontre encore les quelques petits problèmes de son qui ont fait notre réputation. Qu’à cela ne tienne, on ressort les bons vieux micros à main. Dans le tchat, une personne interroge les trois spécialistes : « Combien ont plaidé coupable ? ». À l’ouverture de l’audience, « 35 accusés niaient les faits reprochés. Certains ont reconnu la matérialité des faits, mais la plupart nient l’intention de violer », répond Marlène Thomas. Le “scénario libertin” est un argument qui revient beaucoup dans leur défense.

« Dominique Pélicot allait rencontrer des hommes sur un salon en ligne qui s’appelle “à son insu”, ce qui est déjà plus qu’explicite (…) Il leur donnait un très grand nombre de consignes, comme se garer loin et ne pas porter de parfum. Toutes ces consignes laissent à penser que ces hommes avaient totalement conscience de l’état d’inconscience de Gisèle Pélicot. »
Marlène Thomas

En finir avec le monstre

La journaliste de Libération ajoute : « Il y a un accusé qui a pu dire que comme elle n’a pas refusé, il ne pouvait pas savoir qu’elle n’était pas consentante », un autre « qu’il ne savait pas ce qu’était le consentement ». Ces “monsieur tout le monde”, comme ils sont souvent décrits, révèlent par leurs actes la culture du viol, loin du stéréotype du violeur dépeint en monstre.

« Tant que l’on pensera que l’agresseur, c’est la figure du monstre, qui rend finalement compte du viol comme quelque chose d’exceptionnel, on n’y arrivera pas. Dans neuf cas sur dix, l’agresseur, c’est l’entourage. Il y a plus de 200 000 femmes qui sont violées chaque année. C’est massif. On doit porter un autre regard que celui du couteau et du parking. »
Marine Turchi

« Dans la définition du viol, les gens pensent “contrainte physique”. Mais il y a d’autres et c’est le cas ici », rappelle Marine Turchi, en allusion à la contrainte chimique. Dans beaucoup de ces affaires, les victimes ne se rendent pas compte de ce qu’elles subissent.

« Sur l’aspect médical, Gisèle Pélicot a vu des gynécologues qui ont relevé une grosse inflammation du col de l’utérus sans que ça les alerte. Je pense qu’il y a une question d’âgisme dans tout ça. Les femmes d’un âge avancé, on va leur nier la possibilité d’être victimes de violences sexuelles. C’est placer la question du viol sur le plan du désir alors que le viol est à placer sur le plan de la domination. »
Marlène Thomas

La bonne et la mauvaise victime

« Dès que Gisèle Pélicot arrive, un public souvent composé d’une majorité de femmes l’applaudit », livre Marlène Thomas. Le procès est un événement. Valérie Rey-Robert s’en inquiète : « Pour ce genre de procès extraordinaire, les gens sont tellement choqués qu’ils ont du mal à considérer que les viols plus ordinaires sont bien des viols ». Elle ajoute : « Le violeur, c’est l’autre ».

« Il faut en finir avec la surprise dans ces affaires. On ne peut plus tomber de sa chaise aujourd’hui, sept ans après l’affaire Weinstein et les révélations qui s’en sont suivies. On ne peut plus ne pas voir que c’est systémique. »
Marine Turchi

Si pour beaucoup, Gisèle Pélicot fait figure de symbole, elle fait aussi face à la réaction et le dit elle-même : « Je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte, parce qu’on passe vraiment par un déballage humiliant ». Marine Turchi témoigne : « On entend souvent parler de bonne et mauvaise victime ». Il faudrait avoir la bonne attitude, pleurer, mais pas trop, s’en souvenir, mais pas trop.

« Je trouve que cette image de la bonne et de la mauvaise victime, on la retrouve aussi dans la dignité que l’on peut prêter à Gisèle Pélicot. Son choix d’avoir choisi de rendre public l’intégralité des débats force l’admiration. En revanche, elle ne susciterait pas moins mon empathie si elle n’avait pas fait ce choix, si elle avait craqué à la barre. Il faudrait prendre en compte et respecter la vulnérabilité de toutes les victimes. »
Marlène Thomas

Dans le tchat, que la discussion a fait réagir tout du long, ac7276 se demande si le procès pourra faire évoluer la société. Le procès correspond a tellement de stéréotypes sur le viol, que Valérie Rey-Robert se montre sceptique : « il risque de renforcer l’idée que si on n’a pas été violée sous sédation par 90 hommes, il faut arrêter de se plaindre ».

Trois questions clés

Qu’est-ce que la culture du viol ?

C’est un concept sociologique adopté pour faire part d’une attitude systémique des individus vis-à-vis du viol qui tend à le normaliser. Il s’agit d’une norme commune dans laquelle le crime, au fond, ne choque pas l’opinion.

Comment est légalement défini le viol en France ?

L’article 222-23 du Code pénal parle de viol lorsqu’il est commis par l’auteur selon l’un de ces quatre mots : violence, contrainte, menace ou surprise. La notion de consentement libre, volontaire et éclairé n’est pas évoquée.

Plusieurs accusés du procès de Mazan s’appuient sur cette faille juridique dans leur défense : selon eux, ils ignoraient que Gisèle Pélicot était inconsciente.

De quoi parle Faute de preuves, le livre de Marine Turchi ?

Sorti en 2021, l’ouvrage pointe les limites de ce que peut faire la justice et les obstacles que rencontrent les dossiers qu’elle traite. En faisant témoigner près de quatre-vingts personnes concernées, l’enquête part à la recherche des raisons de la défiance dans le système judiciaire.

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