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Observatoire international des prisons Prune Missoffe & Pauline Petitot

Au cœur de la prison: une machine disciplinaire. Le rapport qui accable

Mardi 6, L’Observatoire international des prisons (OIP). a publié son nouveau rapport sur l’application de la discipline en prison. Travail au long court, le rapport documente le champ et l’application du régime disciplinaire et sa conformité avec le respect des droits et libertés fondamentales. Or, détail après détail, il apparait que la discipline ne fonctionne derrière les barreaux qu’au prix d’atteintes graves et nombreuses aux droits fondamentaux des personnes détenues.

Ainsi, le QD (pour quartier disciplinaire), appelé aussi «mitard» ou «cachot», est à la fois la sanction la plus haute et l’une des plus courantes. Sans contradictoire, ou presque, on peut y être envoyé pour des raisons graves (violences) et d’autres anodines. Le risque de s’y suicider est quinze fois plus élevé qu’en détention normale, où il y a déjà huit fois plus de suicides qu’à l’extérieur. L’OIP en réclame la fermeture. Prune Missoffe, responsable analyses et plaidoyer à l’OIP, et Pauline Petitot, chargée d’enquête, sont Au Poste pour dévoiler les contours de leur enquête.

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La causerie en quelques mots

L’Observatoire International des Prisons (OIP) est une association indépendante qui existe depuis 1996. Elle accompagne les détenus dans leurs droits, tient une permanence téléphonique à leur disposition et milite pour que « la ne soit plus la peine de référence », en cela que l’association la juge indigne et incapable de garantir les droits fondamentaux des détenus.

Aux côtés notamment du média L’Envolée, et de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot, l’OIP fait partie des rares acteurs qui entrent en prisons et leur donnent une voix.

Le rapport tout récemment publié documente l’application des sanctions disciplinaires en milieu carcéral, leur interpolation avec les droits des détenus, et les conséquences pour ces derniers. Parmi l’éventail de sanctions, l’envoi du détenu en quartier disciplinaire (QD) est l’outil le plus mobilisé, et de loin : environ 70% des peines prononcées. Depuis un an, l’OIP documente les envois au QD en menant des entretiens, en collectant des questionnaires, en recoupant les sources, en mobilisant les statistiques du ministère de la Justice, entre autres.

Le quartier disciplinaire pousse à son paroxysme tous les écueils de la prison.

Pauline Petitot

Une cellule dans le quartier disciplinaire, c’est une pièce de six mètres carrés, vide, répugnante, délabrée, sombre, humide. C’est un espace dans lequel on reste absolument seul, 23 heures sur 24, cercle vicieux entrecoupé seulement d’une heure quotidienne de « promenade » tout aussi insalubre et vide, entre quatre murs gris et sous un grillage.

Un détenu est susceptible d’être envoyé au « mitard » pour un panel de raisons potentiellement infini, car très mal encadré dans les textes et souvent laissé à la discrétion de l’établissement pénitentiaire. Dans les faits, cette sanction théoriquement réservée aux cas les plus graves devient la norme, le réflexe le plus rapide pour une administration pénitentiaire peu et mal formée, souvent débordée face à la surpopulation dans les maisons d’arrêts que la Cour Européenne des Droits de l’Homme dénonce régulièrement. Ainsi, pour un manque de respect envers un surveillant, un excès de zèle ou parfois même pour avoir signé une pétition ou passé un appel téléphonique, un détenu peut se voir envoyer en quartier disciplinaire pour plusieurs jours, en théorie jusqu’à trente. La procédure est expéditive, la commission de discipline rend quasiment son verdict à l’avance, l’aide juridictionnelle est très difficile d’accès.

Cette surenchère de la discipline est clairement élevée au rang de doctrine par l’administration pénitentiaire centrale et le ministère. Des moyens financiers importants sont déployés pour faire « régner l’ordre » et pour permettre l’application de ces sanctions.

Sur le terrain, les surveillants s’autorisent des largesses dans l’application des règles, en se faufilant dans les flous, maniant ainsi « le bâton et la carotte » : parfois pour faire baisser la tension et acheter une forme de paix sociale, parfois au contraire pour affirmer l’autorité de l’institution et la leur propre. Le système carcéral confère un ascendant immense sur les détenus aux surveillants qui contrôlent leurs faits et gestes les plus élémentaires, tels qu’ouvrir une porte, se déplacer, manger, travailler, et ainsi de suite. Structurellement, la porte est alors ouverte aux mauvais traitements envers les détenus et à la transgression de leurs droits fondamentaux.

Tous les établissement ne sont pas égaux face à cette situation, cela dépend de leur typologie – maison d’arrêt, centre de détention, maison centrale selon le type de peine à purger – mais aussi de leur « culture d’établissement », l’ensemble des pratiques que les surveillants se transmettent et que les règlements intérieurs orientent.

Ces deux heures de discussion avec Pauline Petitot et Prune Missoffe esquissent les contours de sujets extrêmement profonds, qui souffrent aujourd’hui d’une grande indifférence dans le débat public, peut-être parce que les prisons sont par nature des lieux de mise à distance de la société, peut-être aussi parce que nous n’avons pas collectivement le courage et la force de nous confronter aux fruits de notre inhumanité. En broyant des individus par-delà la promesse de justice et d’égalité qui fondent la , en laissant tourner la machine à exclure et à éloigner, on alimente un cercle vicieux qui ne peut que se retourner contre nous.

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