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Alain Damasio #AuPoste

Alain Damasio:«le cyberpunk a été trahi»

Alain Damasio est de nouveau appelé Au Poste. Dans la cour des Arches Citoyennes, tiers-lieu du quatrième arrondissement de Paris, il nous fait le plaisir de venir causer de son dernier opus en provenance directe de San Francisco, Vallée du silicium. Dans sa peau d’essayiste, le voyageur au long cours et aux belles lettres anticipe, nous parle de nos machines qui nous possèdent bien plus que nous les possédons, de l’IA qui nous grignote peu à peu.

La rencontre s’est tenue en public, et en plein air, micro dans la cour, buvette pas loin, entrée libre. L’auteur de science-fiction est de retour du futur, de retour d’un voyage « au centre du monde » – de ce techno-monde pour-voyeur de notre soumission.

Invité par la Villa Albertine, il est allé arpenter, « comme une électricité lente sur des circuits imprimés », le cœur riche de la Silicon Valley, et les rues pauvres de San Francisco. Parti sans permis, sans smartphone, un sociologue comme chauffeur et quelques néologismes en poche, il nous en ramène son dernier ouvrage, essai, reportage, chronique d’une réalité augmentée : augmentée de ses propres réflexions, entre critique et fascination, mais aussi de celles de Baudrillard, ou de Deleuze, compagnons virtuels de son périple.

Le futur est partout, mais il est inégalement réparti »comme disait William Gibson. Et là-bas, il est un peu dense, un peu intense, et c’était important de le voir. Donc on n’est pas le contemporain de ce qui se passe.

Alain Damasio

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Un corps dans un technococon

C’est en effet de corps qu’il s’agit, essentiellement. De ce corps « machinisé », dématérialisé. D’un côté, ce corps Apple-isé, dardé d’objets connectés, à la santé optimisée, data-analysée, évoluant dans un environnement aux angles arrondis, pacifié, fascisant. De l’autre, le corps zombifié, cassé, détruit par une drogue à bas coût, laissé là, allongé sur le trottoir de sa profonde solitude, dans le quartier délabré de Tenderloin.

« Jean Baudrillard y voit des choses que même moi, en 2024, je n’avais pas vues, que je n’avais pas perçues ou que je n’avais pas comprises. Et il le voit avec une espèce d’anticipation, de degré prophétique qui est quand même assez dingue, notamment sur le rapport au corps, par exemple. »

Alain Damasio

Pour Alain Damasio, il ne faut pas oublier le puritanisme anglo-saxon. Dans ce contexte, la lumière de la fibre optique, ayant remplacé celle du ciel divin, opère une hiérarchisation des corps, engendrant racisme et sexisme. Dans ce contexte, la technologie « conjure l’altérité ». N’existant plus qu’interfacé par la fiction, elle encourage les communautés, renforce les logiques identitaires, et la montée de l’extrême droite. La promesse d’émancipation des années 70, celle des mouvements punk ou hippie, mais aussi celle de la technologie et de la science-fiction de l’époque, celle de l’hybridation homme-machine libératrice, cette promesse s’est dissoute dans le « design de la dépendance ». Et nous nous retrouvons tels des pigeons scrollant frénétiquement dans la boite de Skinner.

Le geek n’est plus, à mon sens, l’avenir de Sapiens. Il l’a été pendant, disons, 50 ans, entre 1970 et 2020. Il portait en lui la promesse propre au cyberpunk, celle d’une émancipation de nos corps et de nos esprits par la technologie. Nous nous sommes laissés cybercés par la douceur de cette illusion, sinon, cybernés.

Alain Damasio

Pour une culture du vivant

En réponse aux questions du public et du tchat, Alain Damasio évoque quelques pistes pour trouver d’autres formes d’émancipation. Face notamment à  l’IA générative, troisième grande évolution technologique (après Internet et le smartphone), il est essentiel pour lui de renouer avec les forces du vivant. Si le cyberpunk est mort, ouvrons la voie au biopunk !

L’écrivain d’anticipation politique nous livre alors une image du futur proche, où l’IA devient personnalisée, entièrement paramétrée autour de nous, plus réconfortante qu’une amie, plus bienveillante qu’un psy, une IA avec qui nous dialoguons directement, constamment, renforçant notre technococon, révolutionnant anthropologiquement nos comportements.

Pour lutter contre cette techno-dépendance alors accrue, Alain Damasio imagine dans un premier temps, que nous pourrions développer une éducation au numérique, aux jeux vidéo, et aux réseaux sociaux.

On est des barbares des réseaux, on est des barbares du numérique. 

Alain Damasio

Il imagine également que nous pourrions recourir aux lowtechs, pour garder notre autonomie, notre puissance de faire par nous-même. Il réfléchit enfin à travailler les mythes qui nous construisent, notre économie du désir, pour les tourner vers les liens humains, les liens au vivant, les liens qui libèrent. Et c’est là son job d’écrivain.

Le capitalisme, il faut le battre sur le terrain du désir ! 

Alain Damasio

Trois questions clés

Qui est Alain Damasio ?

Alain Damasio est un écrivain français de science-fiction et d’anticipation politique, connu notamment pour ses romans « La Horde du Contrevent » (La Volte, 2004) et « Les Furtifs »  (La Volte, 2019).

Qu’est ce que « Vallée du silicium » ?

« Vallée du silicium » (Albertine/Seuil, 2024) est un essai, écrit par Alain Damasio. L’auteur, arpentant la Silicon Valley, le siège d’Apple, les quartiers délabrés de San Francisco, y rencontrant quelques personnalités marquantes, s’interroge sur notre futur proche, entre critique et fascination.

Qu’est-ce que la Silicon Valley ?

La Silicon Valley est une région de la Californie, au sud de San Francisco, aux États-Unis. Elle est le centre de l’innovation technologique mondiale et abrite des entreprises majeures du secteur informatique et électronique, telles que Google ou Apple.

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